Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 28 Décembre 2015
Voilà un an et demi que Jin a atterri dans le passé, et à force de rencontres et de soins, il s'est résolu à rester vivre à cette époque et poursuit son travail de médecin au gré des difficultés, menaces et soutiens. Et tandis que se poursuit la construction de son futur cabinet à Asakusa, il voit le petit monde d'Edo continuer d'évoluer, et fait de nouvelles rencontres. Ainsi, deux nouvelles d'importance lui parviennent. Nokazé, la belle courtisane égérie du quartier des plaisirs, devrait prochainement quitter ses fonctions suite à son rachat à la maison Suzu par un ancien Daimyô. Quant à Saki Tachibana, la jeune fille qui fut pour Jin son plus grand soutien depuis qu'il est arrivé à cette époque, voici qu'elle reçoit une demande de mariage arrangé avec un bon parti qui redorerait le nom de sa famille. Deux événements qui, forcément, résonnent en Jin, mais notre médecin des temps modernes n'a guère le temps de trop s'en soucier, car son travail de médecin continue de l'accaparer : il lui faudra d'abord, sous l'oeil méfiant de Tatsugoro Shinmon, soigner un pompier asphyxié lors d'un incendie, puis résorber le pneumothorax d'un jeune médecin, Saburi, qui a fait une grave chute sur un bateau...
Ainsi le schéma de Jin reste-t-il ici très similaire à celui des précédents volumes, avec de nouvelles opérations qui arrivent toujours au bon moment, puisque la première opération permettra à notre héros de trouver un soutien d'importance en la personne de Shinmon, et que la deuxième lui permettra de rencontre le jeune médecin Saburi qui aura son importance dans la suite du volume. Pourtant, ce schéma, qui aurait pu commencer à devenir lassant, ne l'est toujours pas, tant Motoka Murakami l'utilise avec pertinence et richesse. Les opérations, en plus d'être variées (une asphyxie et un pneumothorax), sont en plus décortiquées avec minutie (comme toujours) et permettent de bien mettre en place les personnages de Shinmon et Saburi. Et la tension reste assez bien entretenue, dans le premier cas par les menaces du méfiant et strict Shinmon (qui sait néanmoins reconnaître sans mal la valeur des hommes), et dans le deuxième cas par l'isolement sur un bateau, qui contraint Jin à opérer avec le matériel à disposition. De plus, l'arrivée de Saburi permet d'évoquer avec beaucoup d'intérêt la médecine d'un nouveau personnage historique : celle de Saishû Hanaoka (1760-1835), chirurgien de l'époque Edo réputé pour avoir été le premier à effectuer une opération de chirurgie sous anesthésie générale, qui plus est pour réaliser la première opération sur un cancer du sein.
Et cette évocation de Hanaoka est loin d'être anodine, car elle aura une importance capitale dans la dernière partie du tome, mettant en scène une opération qui nous captive plus que jamais puisqu'elle concerne la belle Nokazé. Au fil du tome, Murakami entretient un petit fil conducteur autour de la belle courtisane, devant passer un contrôle de santé avant d'être vendue au daimyô, et si le premier contrôle, effectué en commun par Jin et par le médecin du daimyô nommé Misumi, ne révèle rien, la suite s'avérera pourtant autrement plus grave... Il faut avouer qu'on sent très vite arriver l'affaire du cancer du sein, et que tout est à nouveau réglé dans le temps de trop belle manière (l'arrivée de Saburi qui arrive pile quand il faut, le cancer du sein qui se déclare juste quand Nokazé va être vendue, l'opération qui doit se dérouler pile le jour où le mariage Saki doit s'arranger...). De plus, le danger supplémentaire qui arrive via Misumi est on ne peut plus prévisible et se résout (pour l'instant) très facilement. Et pourtant, une nouvelle fois, ça fonctionne du tonnerre, que ce soit grâce à l'opération elle-même qui est suffisamment détaillée, ou pour tous les à-côté qu'elle implique : l'impact que cela va avoir sur Nokazé dans son rachat, le choix d'une Saki enfin déterminée à orienter sa vie vers ce qu'elle souhaite quitte à s'attirer la colère de sa mère... et en filigranes, Murakami met ainsi un peu plus en avant ce que pouvait être la condition féminine de l'époque.
On est donc à nouveau sur une lecture qui, en dehors de son schéma un peu linéaire, reste captivante tant elle se veut riche.