Fille de la plage (la) Vol.1 - Actualité manga
Fille de la plage (la) Vol.1 - Manga

Fille de la plage (la) Vol.1 : Critiques

Umibe no onna no ko

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 16 Janvier 2015

Japon, Sannaka, petite et calme ville du bord de mer.
Kosuke Isobe est un collégien solitaire, renfermé, un peu otaku sur les bords, et qui, plutôt que de se mêler aux autres, préfère largement se promener seul sur la petite plage de la ville, et fouiller dans le sable sans vraiment chercher quoi que ce soit. Toutefois, depuis la cinquième, il est amoureux d'une camarade de classe, Koume Sato, qui a repoussé ses avances.
Koume Sato, elle, est en apparence le prototype de la collégienne assez classique, plutôt innocente, entourée d'amies et profondément aimée par ses parents. Mais après une déception amoureuse, un profond changement naît en elle. Misaki, le beau gosse qu'elle aime, l'a repoussée à deux reprises, non sans profiter d'elle en la forçant à lui faire une fellation.
Meurtrie, la jeune fille se tourne vers Kosuke, celui qui avait dit l'aimer, et choisit d'entamer avec lui une relation purement sexuelle...
Le temps passe, ils arrivent au lycée, leur relation dure au gré de différentes expérimentations : sexe à l'extérieur, à l'école, dans leur chambre, fellation, cunnilingus, pénétration anale... Que recherchent-ils exactement dans cette relation, et qu'est-ce qui les attend au bout ?

Publié au Japon en parallèle à Bonne nuit Punpun dans les pages du magazine Manga Erotics F (plutôt orienté vers les récits alternatifs échappant aux conventions habituelles du manga), La Fille de la Plage aurait sans doute paru assez étrange dans les catalogues plutôt mainstream de Kana ou de Panini, autres éditeurs français des oeuvres d'Inio Asano. Pensez-vous, une oeuvre croquant de façon explicite du sexe entre mineurs, c'est plutôt délicat... Il fallait donc bien un éditeur comme Imho pour nous l'amener !

Du sexe, il y en a, oui. Beaucoup. Dans le Champ de l'arc-en-ciel et surtout dans les derniers tomes de Bonne nuit Punpun, Asano avait déjà donné clairement dedans. Mais sur ce point, il n'était jamais allé aussi loin que dans La Fille de la plage, où il ne s'embarrasse clairement pas des conventions (ça n'a jamais vraiment été son genre), et croque des actes explicites, où rien n'est caché, mais où les contours restent toutefois sobres, jamais putassiers, voire presque "purs" de par le domination du blanc. Certaines scènes risquent au minimum de rebuter, mais dans les mains d'Asano, le sexe n'est évidemment pas gratuit, et traduit surtout à merveille l'expression de l'un des thèmes emblématiques de l'auteur, à savoir le mal-être profond d'adolescents meurtris. Ici, les jeunes héros renferment leurs douleurs passées et présentes au fond d'eux, et ne les expulsent qu'à travers l'acte sexuel.

La relation de Koume et Kosuke s'avère pertinente et riche de sens à bien des égards. S'ils parviennent à se saisir dans le sexe ou lors des instants passés ensemble à bavarder sans chercher très loin, l'incompréhension et l'absence de cohésion dans leur relation ressort dès qu'ils cherchent à en apprendre un peu plus l'un sur l'autre.
Quelque part, ils sont bien assortis dans leur façon d'appréhender la vie, mais ils peinent à réellement se trouver, à dévoiler franchement leurs tourments, qui vont souvent plus loin qu'un banal chagrin amoureux ou qu'un simple sentiment de solitude. On le comprend très bien, surtout, à travers la situation familiale de Kosuke, radicalement différente de celle de Koume, et sur laquelle le jeune garçon peine à s'extérioriser. Le lecteur lui-même, s'il cerne certaines choses assez facilement, doit attendre longtemps avant d'avoir confirmation de certains éléments.
De même, leur façon d'aborder leur relation semble évoluer en opposition. Dans la première partie du tome, Kosuke, visiblement vraiment amoureux de Koume, lui demande plusieurs fois s'il peut avoir l'espoir d'une relation sentimentale et pas uniquement sexuelle avec elle, mais la réponse est à chaque fois négative. Mais au fil du temps, certains événements font que Koume semble se raccrocher de plus en plus sincèrement à Kosuke... alors que celui-ci s'éloigne jusqu'au point de non-retour, quand il se sent trahi et perd le peu de confiance qu'il avait réussi à accorder. Un acte malheureux mais riche de sens de Koume, et tout semble éclater, c'est au tour de Kosuke de parler plus crûment que jamais alors que Koume semble s'adoucir. Comme l'affirme l'adolescent, le sexe et les sentiments seraient-ils donc incompatibles ? La question est lancée, Asano exprime une nouvelle fois avec brio l'un des grands malaises qui font son oeuvre, celui lié à l'amour, à l'instabilité des sentiments et de l'adolescence.

Pour porter son sujet, Asano conserve son style le plus courant, qui fonctionne à merveille : décors photoréalistes très aboutis, visages aux expressions qui en disent long, également quelques pages typiques de l'auteur avec simplement le texte sur fond noir... Mais ce n'est pas tout.
Evidemment, comme le nom de l'oeuvre l'indique, le cadre de la petite ville de bord de mer est particulièrement important. Dès les premières pages, avec ces vagues qui vont et viennent, le mangaka instaure une ambiance à première vue calme, paisible, propice à la mélancolie, d'autant que les onomatopées sont quasiment absentes (il doit y en avoir une ou deux sur tout le livre). Pas besoin de ça : le talent graphique d'Asano suffit pour nous faire comprendre l'atmosphère, le silence est suffisant. Du grand art.
Cette douceur mélancolique, Asano l'utilise à merveille dans les contrastes : quand des dialogues très crus viennent s'y mêler, ou quand il entrecoupe certaines scènes plus denses avec des vues paisibles de la ville, simplement animée par les vagues, par quelques passants ou par les entraînements sportifs.

Le cadre est parfait. Les personnages secondaires, eux, sont largement plus discrets, du moins pendant une très grande partie du volume. On retient juste Keiko, la meilleure amie de Koume, et Kashima, jeune garçon destiné à prendre un rôle de premier plan dans la dernière partie du volume, et plus particulièrement dans les incroyables dernières pages, qui nous laissent sur un insupportable cliffhanger comme on n'en avait plus connu depuis... Solanin, l'autre série en 2 tomes d'Inio Asano.

En somme, il y a énormément de choses à retenir de ce premier volume. Comme quasiment toujours, Inio Asano délivre un récit artistiquement très personnel et d'une puissance rare, évoquant avec force des thématiques troublantes et qui sonnent extrêmement juste en collant avec certaines réalités d'aujourd'hui. L'auteur confirme une nouvelle fois qu'il est l'un des meilleurs portraitistes de son époque.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
18 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs