Iris Zero Vol.1 - Actualité manga

Iris Zero Vol.1 : Critiques

Iris Zero

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 16 Février 2012

Après des années de lecture intensive, il apparaît parfois difficile de garder intact sa passion pour la BD japonaise. La répétition des schémas joue beaucoup dans cet état de fait, tout comme le traitement souvent bien trop superficiel des situations de base par rapport à leur potentiel. Une question légitime se pose alors : pourquoi poursuivre dans l’achat de nouveautés et ne pas se contenter de nos séries en cours ?
Fort heureusement, certains titres viennent nous remémorer ce qui nous a attiré en premier lieu dans le média, et savent ranimer cette flamme en lui conférant une chaleur nouvelle et sincère. Ainsi, derrière ses airs de manga scolaire classique, Iris Zéro appartient à ces titres aux multiples qualités, qui ne manquent pas de nous faire réfléchir et de nous émouvoir.

Iris Zéro, c’est l’histoire d’un jeune garçon ordinaire du nom de Tôru Mizushima. Il fait partie d’une nouvelle génération d’humains dotés naturellement dès la naissance d’un pouvoir de perception spécial, dénommé « iris ». Certains peuvent percevoir les mensonges, d’autres les vies antérieures, les liens amoureux, etc. Malheureusement pour lui, Tôru fait partie de l’infime pourcentage qui ne possède aucun iris, un « iris zéro ». Dans un monde où la normalité telle que nous la connaissons est maintenant devenue l’exception, il se retrouve l’objet de brimades et de persécutions à cause de sa différence. Pour survivre, Il décida alors d’opter pour une politique « d’exposition minimale » et de mener sa vie dans son coin, sans se mêler aux autres. Il était parvenu à se faire oublier, jusqu’à l’irruption dans sa morne routine d’une jeune fille, Koyuki Sasamori, une pétillante et adorable jeune personne qui requiert son aide. Celle-ci possède en effet de voir les personnes « qualifiées » pour accomplir une tâche spécifique. « Maudit » par la normalité dès sa naissance, Tôru a-t’il finalement son rôle à jouer dans une société où on lui fait sans cesse comprendre qu’il n’y a pas sa place ?

Iris Zéro fait partie de cette catégorie de titres « feel good », en d’autres termes des séries abordant des sujets souvent lourds de sens d’une manière sérieuse et engagée, mais contrebalançant par une ambiance plus lumineuse ainsi que des personnages et des sentiments qui nous réchauffent le cœur.
Et en effet, cette nouveauté de Doki Doki, un éditeur qui a décidément le chic pour nous dénicher des perles ne payant pas de mine mais sortant pourtant de l’ordinaire, aborde quantité des thèmes variés et intemporels : exclusion, peur de la différence, mensonge, besoin de sociabilité pour vivre pleinement, etc. Si on part sur un univers composé d’enfants aux pouvoirs spéciaux, les auteurs d’Iris Zero prennent le contre-pied du genre en faisant de l’extraordinaire la norme. Retourner la situation est une jolie prémisse, qui fait bien davantage réfléchir par rapport à un héros « surhumain ». Personne ne veut être ordinaire au fond de lui, même si c’est rassurant par moment, raison pour laquelle le personnage principal dans la plupart des séries est souvent quelqu’un sortant de la « normale » dans un sens spectaculaire. Avec un personnage sans aucun pouvoir, notre identification au héros devient biaisée, et nous oblige à revoir notre définition de « héros de manga ». Une situation intéressante et qui nous change agréablement du schéma de base habituel.

Le thème du regard que nous portons sur le monde revête également ce quelque chose de fascinant, qui interpelle notre intellect. Chacun voit le monde à travers le prisme de son éducation, de sa culture, de ses convictions, pour le meilleur comme pour le pire. Mettre ce principe en action à travers des pouvoirs plus fantaisistes est une excellente façon d’illustrer ce propos, car chaque enfant doit apprendre à envisager le monde et le comprendre par l’intermédiaire de son iris propre, qui bouleverse la façon dont il doit concevoir ses relations avec les autres. Par exemple, quelqu’un qui voit les mensonges doit apprendre à faire la différence entre les mensonges qui blessent et les mensonges qui protègent, très différents dans leur intention et dans la façon dont ils doivent être considérés.
Bref, Iris Zero est riche en thèmes, bien traités de surcroît, et impossible à mentionner d’une manière qui leur rendrait justice dans une simple chronique. Affaire à suivre dans les prochaines, donc.

Du côté des personnages, le manga promet beaucoup à ce niveau. Tôru nous apparaît immédiatement comme immensément sympathique, grâce à la force tranquille qu’il dégage face à sa situation. Il en est certes blessé psychologiquement, mais il ne déteste pas le monde pour autant, et fait simplement tout pour rester à l’écart. On est très loin de la victime larmoyante et qui s’apitoie sans cesse sur son sort. Si sa position n’est guère enviable, on voudrait avoir autant de force psychique que lui pour faire face à nos tracas quotidiens, et on ne peut que l’admirer dans la façon dont il voit les choses, sa capacité à se remettre en question, et la façon dont il ne reste pas non plus insensible aux appels des autres. Sans non plus trop occulter le propos de l’exclusion, les auteurs nous montrent la mise à l’écart de Tôru sous un jour non-fataliste, dans ses bons comme dans ses mauvais côtés, et la force qu’il pourra en tirer pour le futur.
Une autre flamme qui éclaire le manga, c’est bien sûr Koyuki, personnage qui a tout de la potiche parfaite mais on se rend rapidement à l’évidence qu’il n’en est rien. La bonne humeur, la sincérité et la sensibilité qu’elle dégage est ce qu’il y a de plus authentique et crédible, et on ne peut que l’adorer. C’est d’ailleurs vrai pour tous les personnages qui nous sont présentés jusqu’à maintenant, et c’est ce qui confère à Iris Zero une aura qu’on ne retrouve que trop peu ailleurs. Un sens du dialogue qui sonne juste, une excellente mise en scène, une personnalité bien cernée et originale des personnages, ainsi qu’une ambiance aigre-douce un rien mélancolique à laquelle on ne peut rester insensible si on apprécie le genre.

Côté dessin, on reste dans ce que je désignerais comme le style manga classique, un peu type animé. Si ce genre de graphisme n’a pas ma préférence (un peu trop lisse à mon goût), il est néanmoins indéniable qu’il est efficace dans Iris Zero, de par la chaleur qu’il dégage et le soin apporté aux cadrages et à la mise en scène du découpage. Il colle aussi très bien au style des personnages et tout simplement à l’ambiance de l’histoire. De plus, malgré le style graphique et l’univers qui se prêtent à ce genre d’histoires, le titre ne contient pas une once de fan-service, et les auteurs mettent même un point d’honneur à ne jamais tomber dedans, dans leur bonus de fin de volume. Un argument décisif qui conforte mon affection en devenir pour la série. Sex-appeal zero powaa ! En d’autres termes, pervers qui voulez vous rincez l’œil, passez votre chemin.
En ce qui concerne l’édition, Doki Doki reste une valeur sûre, chez qui on peut acheter les yeux fermés ou presque. La traduction est excellente dans ses registres de langage et son naturel, la qualité d’impression ne souffre d’aucun défaut, et le travail sur le logo est très bon par rapport à l’original. On sent aussi que l’éditeur croit en ce titre, et le pousse au maximum à travers une bande-annonce, des marques pages, etc. Et il a bien raison, tant la série mérite une place en pleine lumière.

Qu’ajouter de plus ? Iris Zero fait partie de ces titres qui fonctionnent énormément à l’affect, capable de nous envoûter dès les premières pages si on est le public visé et si on est sensible aux thèmes développés. La série joue la carte du divertissement, de la tranche de vie, de l’émotion et part un peu dans le manga d’enquête par moment (style qui s’y prête bien avec les iris), tout en abordant des sujets fascinants et profonds. Les personnages sont attachants et proche de nous, et surtout, l’ambiance qui se dégage du titre est particulière, authentique tout en restant idéalisée. Bref, le mélange est particulier, banal tout en étant extraordinaire. Un peu à l’image de son héros ? Très certainement.
Difficile en réalité de condenser ma pensée sur ce que j’ai ressenti à la lecture de ce premier tome d’Iris Zero, œuvre qui nous ouvre nombre de pistes de réflexion au-delà du simple divertissement tout en demeurant très simple dans sa construction. Souhaitons simplement à la série de rencontrer son public, et d’être appréciée à sa juste valeur. Parce que ce sont des titres de cet acabit qui font du bien à la réputation du manga et pour lesquels je suis heureux d’avoir découvert cet univers.




Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Sorrow
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs