Introduction au théorème du triangle amoureux Vol.1 : Critiques

Gôkaku no Tame no! Yasashii Sankaku Kankei Nyûmon

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 08 Août 2024

Voici quelques semaines que la collection Yuri des éditions Taifu Comics a accueilli une nouvelle oeuvre: Introduction au théorème du triangle amoureux, une série en deux tomes qui, bien qu'abordant des relations entre filles, provient du magazine japonais Dengeki Daioh des éditions ASCII Mediaworks/Kadokawa, magazine échappant un peu aux catégorisations et ayant déjà accueilli pas mal d'autres mangas de ce type (Adachi & Shimamura, A tropical fish yearns for snow, I can't believe I slept with you ou plus anciennement Kashimashi - Girl meets Girl, pour n'en citer que quelques-uns).

Dessinée au Japon entre fin 2019 et début 2021 sous le nom "Gôkaku no Tame no! Yasashii Sankaku Kankei Nyûmon" (dont le titre français est une traduction assez fidèle), l'oeuvre est la toute première publication française de Canno, une autrice qui officie professionnellement dans son pays d'origine depuis la deuxième moitié des années 2000, dont les histoires ont quasiment toujours un rapport avec les relations lesbiennes quel que soit le magazine de prépublication, et dont l'oeuvre la plus connue (et toujours inédite en France à ce jour) est sûrement "Ano Ko ni Kiss to Shirayuri wo" (en anglais "A Kiss and White Lily for Her" ).

L'histoire commence alors que Mayuki Yukishita, une adorable et pure élève de troisième, s'est mis en tête de faire tout son possible pour intégrer le même lycée qu'Akira Hanamaki, sa senpai qu'elle a toujours profondément admirée et qui est actuellement en seconde. C'est simple, aux yeux de Mayuki, Akira incarne la perfection:elle est cool,toujours avenante, mature, populaire... et elle n'est pas la seule à le penser puisque, même dans son lycée, Akira sort facilement du lot et est appréciée de tout le monde. Seulement, on sent vite que ce que ressent Mayuki pour Akira dépasse en réalité beaucoup l'admiration, à tel point que son coeur se serre en voyant que celle qu'elle adore plus que tout la traite encore comme une gamine. Et comme si cela ne suffisait pas pour la tourmenter, la jeune fille n'est absolument pas assuré d'avoir un niveau suffisant pour intégrer le lycée d'Akira, car ses notes ne sont pas assez bonnes...

C'est dans ce contexte que, lors d'une visite dans son possible futur lycée, la collégienne est témoin d'une scène délicate entre deux filles: après avoir échangé un baiser, l'une d'elles gifle l'autre et part en pleurs, signe d'un amour soudainement brisé. Restée là en larmes, la fille giflée, nommée Rin Mochizuki, s'attire ensuite la sympathie de Mayuki qui échange quelques mots avec elle... Et à cet instant-là, aucune d'elles ne pourrait deviner que, quelque temps plus tard, Rin deviendrait la nouvelle prof particulière de Mayuki, embauchée par sa mère pour l'aider à intégrer le lycée de ses rêves ! Au fil des leçons, les deux jeunes filles en viennent vite à sympathiser toujours plus, à s'ouvrir l'une à l'autre, à se confier, en finissant inévitablement à revenir sur le fameux incident ayant marqué leur première rencontre. Finissant par parler à Mayuki de son passé et de la difficulté qu'elle a à n'aimer qu'une seule personne, Rin se voit alors étonnamment proposer quelque chose par la collégienne: désireuse d'être à la hauteur d'Akira en devenant plus mâture, Miyuki veut aussi un autre type de leçons, entre conseils amoureux et apprentissage de comment embrasser. Attendrie par son élève, Rin accepte, et à ce moment-là aucune des deux filles ne pourrait deviner jusqu'où pourraient aller les conséquences...

Forcément, au vu de cette situation, certains éléments du pitch jouent volontiers sur des petits fantasmes autour d'adolescentes s'éveillant de plus en plus à l'amour, et ce ne sont les quelques baisers légèrement baveux qui démontreront le contraire. Mais heureusement, Canno ne va pas spécialement plus loin (du moins pour le moment) et évite le voyeurisme mal placé, pour mieux se concentrer sur le triangle amoureux qui se met en place. Et même s'il repose sur quelques grosses ficelles, il faut avouer que ce fameux triangle véhicule déjà des choses intéressantes, qui doivent en premier lieu beaucoup à l'attachement que l'on ressent facilement pour les trois héroïnes.

Ainsi, tout naturellement, Mayuki est facilement poignante et assez adorable dans tous les efforts qu'elle fait pour "être à la hauteur" d'Akira et pour ne plus être traitée comme une enfant par celle-ci, mais aussi dans sa façon de voir Rin comme étant tout ce qu'elle voudrait être, Rin étant grande, élégante, belle, intelligente, et sans doute plus expérimentée qu'elle. Quant à Akira, même si elle est finalement la moins en vue des trois filles dans la majeure partie de ce volume,elle intéresse suffisamment dans ce qu'elle cache au fond d'elle derrière son naturel sympathique et avenant: un amour pour sa camarade de classe Rin qui la rend jalouse à l'idée que celle qu'elle aime ait déjà embrassé quelqu'un d'autre, mais aussi des sentiments qu'elle préfère refouler par peur d'embarrasser l'élue de son coeur. Cependant, c'est bel et bien la troisième miss, Rin, qui interpelle le plus, principalement parce qu'elle permet de mettre en avant un sujet encore rarement vu au premier plan sur le marché français du manga: le polyamour. Et globalement, l'autrice a une manière intelligente de dépeindre la chose: évitant soigneusement les clichés qui pourraient naître de cette spécificité, Canno sait rendre Rin suffisamment touchante, attachante et crédible. Plus encore quand elle se pose des questions toutes simples, par exemple en se demandant ce qu'elle a mal fait pour vivre tant de désillusions. Ainsi découvre-ton avec pas mal de justesse son passé, les douleurs qu'elle a pu ressentir depuis sa plus tendre enfance face à ses proches et à son entourage incapables de la comprendre, et les relations d'amitié et d'amour qui se sont brisées à cause de sa particularité. Si bien que, même si elle profite un peu de la situation avec Mayuki, il y a naturellement une envie de voir chacune de ces adolescentes trouver son bonheur. Les liens entre elles restent finalement assez jolis, d'autant plus qu'une idée globale se dégage également bien en elles au fil de leurs introspections petit à petit: leur envie de voir avant tout celle qu'elles aiment heureuse.

Appuyé par un dessin résolument expressif, plutôt sensible, assez doux et très mignon, et servi dans une bonne qualité éditoriale (jaquette proche de l'originale nippone, papier et impression de bonne facture, quatre premières pages en couleurs sur papier glacé, lettrage soigné de Jef.Mod, et traduction limpide de Guillaume Draelants), le premier volume de ce diptyque pique facilement la curiosité, car derrière les quelques grosses ficelles il y a surtout des héroïnes facilement attachantes ainsi qu'un sujet rarement mis en avant et ici assez bien abordé. Il ne reste plus qu'à attendre devoir si le deuxième et dernier tome saura confirmer ces bonnes impressions !


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs