Chenille (la) - Actualité manga
Chenille (la) - Manga

Chenille (la) : Critiques

Imomushi

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 01 Novembre 2010

Après L'île Panorama, la Chenille constitue la deuxième adaptation en manga d'une nouvelle de Ranpo Edogawa, romancier fondateur du mouvement eroguro (érotique-grotesque), par Suehiro Maruo, auteur souvent considéré comme l'un des plus grands successeurs de Ranpo. Il n'est donc pas illogique de voir ici le deuxième adapter à nouveau le premier en bande dessinée, pour un résultat résolument unique qui ne laissera aucun lecteur de marbre, et que les éditions du Lézard Noir nous proposent de découvrir en cette fin d'année 2010.

Lorsque Tokiko retrouve son mari, rapatrié après avoir été grièvement blessé au combat, il n'est plus qu'un homme-tronc : le lieutenant Sunaga a perdu bras et jambes et ses blessures l'ont rendu sourd-muet. Condamnée à vivre recluse avec lui, Tokiko va peu à peu se noyer dans les plaisirs de la chair, poussant la perversion de plus en plus loin, entre dégoût et fascination, jusqu'à commettre l'irréparable...

C'est sur cette idée de base que la Chenille nous invite à suivre les dites perversions de Tokiko, qui, dans un premier temps sous le choc en récupérant son mari dans cet état, va ensuite ressentir une certaine forme de dégoût face à lui, puis va, petit à petit, se laisser aller avec lui dans des plaisirs sexuels de plus en plus dérangeants, déviants, confinant au sadisme en voyant souffrir cet être difforme et sans défense qu'est devenu son mari, sadisme qui atteindra son apogée à la fin du récit, lors d'un acte pulsionnel d'une cruauté sans égal que la femme regrettera rapidement.

Mais avant d'en arriver là, Maruo nous invite à découvrir de manière explicite les différentes étapes des perversions grandissantes de Tokiko, grâce à un style graphique d'une grande finesse, riche en détails, qui n'épargne rien et ne manque pas de provoquer une sorte de profond dégoût, ne serait-ce qu'à la vue de cet homme-tronc sévèrement mutilé. Le point où la chose se fait plus dérangeante réside en ceci que le dégoût se mêle volontiers au plaisir que prend l'héroïne dans la situation profondément cruelle et grotesque de son mari.
Le lecteur, quant à lui, ne peut s'empêcher de trouver la situation réellement ridicule, notamment à la vue de cet impuissant homme-tronc, et certaines pages partagent entre l'écoeurement et l'envie de sourire. Du sadisme ? Peut-être bien. Le malaise est bien là, Maruo parvenant à faire ressortir certaines déviances du genre humain, et la réussite de la Chenille réside probablement avant tout en cela.

Pourtant, la Chenille nous laisse un peu sur notre "faim". La brièveté du récit, durant à peine plus de 140 pages, laisse les choses se passer assez rapidement, et les différentes étapes des perversions déviantes de Tokiko apparaissent finalement peu nombreuses, voire peu variées, et le travail sur l'évolution de l'héroïne dans ce sens reste finalement survolé. Et là où les lecteurs simplement curieux de voir un manga du genre eroguro risquent d'être tout bonnement complètement rebutés par l'aspect très cru de l'oeuvre, les habitués et amateurs du genre pourraient bien ne pas avoir leur compte. Reste que le talent visuel de Maruo, lui, est bel et bien là.

S'il faudra débourser 16€ pour l'ouvrage, les éditions du Lézard Noir nous offrent une édition impeccable en tous points. Le grand format met bien en valeur les dessins du mangaka, le papier est d'excellente qualité, la traduction convaincante. On saluera les premières pages en couleurs, et surtout l'excellente et assez longue postface revenant sur le genre eroguro, Ranpo Edogawa et Suehiro Maruo. De l'excellent travail.


koiwai


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs