Ici, on a toujours une raison de sourire Vol.1 : Critiques

Egao no Taenai Shokuba desu

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 19 Novembre 2024

Chronique 2 :


Cet été, la collection Yuri des éditions Meian s'est enrichie de nombreuses séries couvrant un large éventail de genres et d'ambiances. Certains d'entre eux ne sont pas des yuri à proprement parler puisqu'ils sont publiés dans des magazines seinen, mais leur manière d'aborder des relations émotionnelles et/ou sentimentales intimes entre personnages féminins rend la démarche compréhensible.

Parmi les mangas sortis au mois de juillet, celui de Kuzushiro se démarque par ses bonnes ondes. Lancé en 2019 sur la plateforme numérique Comic Days des éditions Kôdansha, Ici on a toujours une raison de sourire profite d'un joli parcours puisque son onzième tome sortira en fin de mois au Japon. De notre côté, Meian a jugé bon de publier les deux premiers volumes en simultané, une manœuvre de lancement classique et récurrente chez l'éditeur, ce qui permet de se forger un bon avis sur les bases de la série. Il est à noter que Kuzushiro est loin d'être une inconnue dans nos contrées. Nous l'avons d'abord découverte avec Inu & Neko aux éditions Ototo, puis retrouvée plus récemment chez Meian avec The Moon on a Rainy Night. Kuzushiro est une mangaka habituée des tranches de vie ciblant les relations entre femmes, ce qui donne d'emblée confiance quant à la présente série.

L'histoire est celle de Nana Futami, une jeune mangaka particulièrement prometteuse. Particulièrement excentrique, cette dernière voue une fascination toute particulière à Satô, son éditrice, un sentiment qui vire au fantasme au point de pimenter leurs relations dans la vie de tous les jours. De son côté, Satô peine à faire le moindre compliment à sa protégée, quand bien même elle est subjuguée par son travail. Heureusement pour Nana, elle peut compter sur Mizuki Hazama, son assistante, dont le caractère plus posé lui permet de la canaliser.

C'est sur ces bases, celles de trois personnages féminins aux caractères diamétralement opposés, que repose la très sympathique amorce de la série. Ce premier tome a pour tâche de planter une formule qui gravite autour des interactions de ces trois héroïnes, avec pour figure centrale la très originale et attachante Nana, tout en dressant des péripéties en lien avec le monde éditorial du manga. Ici on a toujours une raison de sourire n'est pas à proprement parler un récit sur la création de manga comme peut l'être un Bakuman, tout comme il n'est pas non plus un documentaire sur le monde de l'édition à l'instar de Réimp'!. Kuzushiro démontre plutôt une démarche de créer une tranche de vie humoristique qui s'intègre dans ce microcosme, le côté éditorial lui permettant ainsi de créer de la profondeur chez ses personnages, de varier les situations et de développer des péripéties avec une couleur appréciable.

Pour apprécier ce premier tome, il ne faut pas forcément se fier aux deux premiers chapitres qui se concentrent essentiellement sur les gags liés aux fantasmes de Nana sur son éditrice, Satô. Loin d'être répétitif, ce premier volet parvient justement à renouveler les situations et aborder différents aspects du monde du manga tout en creusant peu à peu ses protagonistes, via des interactions qui s'enrichissent au fil des pages et qui permettent déjà une petite évolution chez les trois concernées. La force de Kuzushiro est de créer un rythme diablement efficace dans ces différents développements, et en ancrant le tout dans une atmosphère positive qui fait du bien. Son manga est un de ces récits feel-good dont on appréciera lire ponctuellement un volume pour apprécier son ambiance pétillante et colorée, une démarche déjà réussie dans ce premier opus. Et si cette formule est déjà réussie, c'est aussi grâce à la patte de la mangaka, légère et pleine de vie, menant à une narration énergique et bien dosée.
Le cocktail de ce premier volume se savoure donc agréablement, tout en ouvrant la voie à un récit qui pourra se montrer vivant grâce à son casting de personnages et à ses développements, sans compter le milieu dépeint qui pourra aboutir à des situations en renouveau permanent. Ici on a toujours une raison de sourire est une très jolie découverte pour un plaisir qui, on l'espère, se développera sur la durée.

Du côté de l'édition, Meian offre un travail conforme à ses habitudes avec un papier épais très agréable et une couverture mate d'un bel effet. La traduction de Delphine Desusclade est particulièrement appréciable grâce à son don de bien rendre l'énergie des personnages, tandis que le lettrage de Justine Mouron s'avère bien calibré.



Chronique 1 :


Entre Inu & Neko qui reste malheureusement en plan aux éditions Ototo depuis 2017 alors qu'il ne restait plus que deux volumes à publier, et plus récemment le très prometteur The Moon on a Rainy Night qui nous a fait bonne impression lors de son lancement en fin d'année dernière aux éditions Meian, Kuzushiro est une autrice qui,dans le registre de la romance entre filles, a su capter toute notre attention, si bien que c'est avec plaisir qu'on la voit revenir dans la collection Yuri de Meian cet été via une série au long cours: Ici on a toujours une raison de sourire, une oeuvre qu'elle publie au Japon depuis 2019 sur le site inclassable Comic Days des éditions Kôdansha sous le titre "Egao no Taenai Shokuba desu" (littéralement "C'est un lieu de travail où l'on ne peut s'empêcher de sourire" ). Comptant déjà dix volumes dans son pays d'origine à l'heure où ces lignes sont écrites, cette série jouit là-bas d'une certaine popularité, si bien qu'elle aura droit à une adaptation animée en 2025.

Cette histoire nous immisce auprès de Futami Nana, une jeune mangaka qui, même si elle a du talent, n'en a absolument pas conscience, stresse et se rabaisse à la moindre occasion, et passe finalement plus de temps qu'autre chose à admirer sa responsable éditoriale Satô Kaede qui l'a toujours soutenue, à qui elle estime devoir beaucoup... et sur qui, à vrai dire, elle s'imagine des choses et fantasme beaucoup trop, en s'éparpillant alors encore plus. Mais heureusement, dans son atelier de dessin chez elle,la jeune femme peut compter sur son assistante de 20 ans, Hazama Mizuki, pour la reprendre et la remettre sur le droit chemin. Et c'est ainsi que, entre ces trois-là, se poursuit un quotidien souvent mouvementé dans le petit monde de la création et de l'édition de manga.

Nous voici donc encore face à une série nous plongeant quelque peu dans les coulisses du manga,en jouant volontiers sur certains éléments propres à ce petit monde: le travail en atelier, les assistants, les relations artistes/éditeurs, la précarité de ce travail, les deadlines éprouvantes, la documentation... Cependant,ne vous attendez pas non plus à une énième découverte prononcée de ce milieu, car même si Kuzushiro se veut suffisamment crédible sous la plupart des aspects qu'elle exploite, son but ici semble tout autre, à savoir proposer avant tout une oeuvre légère et comique... Et de ce côté-là,on peut dire que l'autrice, à sa manière, s'en sort très bien !

Cela, on le doit essentiellement à deux éléments, le premier des deux étant la patte graphique de la mangaka: assez précise, soignée dans ses designs variés et dans les décors souvent intérieurs (en l'occurrence les lieux de travail des héroïnes), et surtout expressive à souhait, celle-ci sert à merveille les différents gimmicks légers et humoristiques, surtout quand Nana part dans tous ses états ! Quant au deuxième élément, il s'agit précisément des traits de caractère de ces trois héroïnes, entre une Nana peu sûre d'elle et partant très vite dans tous les sens car elle semble hyper émotive, une Kaede qui semble être tout son contraire avec son stoïcisme à toute épreuve mais qui semble en réalité surtout extrêmement pure, et une Mizuki qui apparaît souvent plus mature que sa mentor alors qu'elle a cinq ans de moins qu'elle, et qui tâche de gérer et supporter autant que possible ses variations d'émotions. Les interactions entre ces trois héroïnes mais aussi avec les figures secondaires (Asakura la collègue de Kaede qui se plaît à l'observer, Toda le lourdaud, Saruwatari...) fonctionnent particulièrement bien grâce à leurs caractères tantôt opposés tantôt complémentaire, le tout dégageant beaucoup d'animation et rendant la lecture facilement entraînante.

Qui plus est, derrière tout ceci, Kuzushiro n'oublie pas de distiller quelques éléments de background sur elles, que ce soit sur la façon dont Kaede est devenue l'éditrice de Nana,sur tout le bien que cette éditrice pense de son autrice sans forcément parvenir à bien le dire, sur ce que nana estime lui devoir, sur les sentiments plus négatifs que ressent Mizuki derrière les apparences (entête, son incapacité à écrire des histoires alors qu'elle veut devenir mangaka), sur le plaisir que cette eune assistante a à épauler Nana dans le fond... le tout dégageant des relations finalement assez attachantes, même si pour l'heure nous ne somme aucunement dans de la romance entre femmes: la série a beau faire partie de la collection Yuri de Meian, pour le moment tout ceci reste de l'ordre des très vagues sous-entendus.

On ressort alors facilement charmés par la lecture de ce premier volume. L'oeuvre ne semble pas forcément avoir de grosses prétentions, mais elle doit beaucoup à la patte de Kuzushiro, et son peps ainsi que son humour font facilement mouche. Certes, on se demande un peu comment une telle oeuvre pourra se renouveler au point d'atteindre les dix tomes, mais dans l'immédiat il n'y a pas de quoi bouder son plaisir !

Enfin, du côté de l'édition française, Meian nous offre quelque chose de très convaincant: la jaquette reste très proche de l'originale nippone, le logo-titre est dans le ton de l'oeuvre, le papier est de bonne facture et permet une bonne qualité d'impression, le lettrage effectué par Justine Mouron est propre, et la traduction de Delphine Desusclade est plaisante en s'adaptant assez bien aux différents caractères.


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Takato

15 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction