Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 20 Octobre 2009
« En plus rien ne garantit qu’on pourra continuer à danser là haut. Ce qui m’obligerait à me suicider pour la seconde fois après ma mort. Un comble. »
Commencée peu après Fever, Hotel Africa est la dernière série en date de Park Hee Jung. Le problème, c’est que Paquet a bien sorti les quatre volumes de Fever mais s’est arrêté au deuxième tome d’Hotel Africa. Alors à tous les curieux, réfléchissez bien à la frustration qui va immanquablement suivre la lecture des deux tomes parus de cette série. Ce manhwa raconte l’histoire de July, Ed et Elvis, trois amis désireux de percer dans le cinéma (enfin surtout Jul). Cependant, la véritable figure de proue du titre est bien Elvis, puisque c’est le principal narrateur de la série, lorsqu’il évoque son passé à l’Hotel Africa, durant son enfance. Les chapitres sont parfois indépendants les uns des autres, et chacun d’eux présente une histoire de l’enfance d’Elvis ou bien une scène de la vie quotidienne des trois amis. A l’exception d’un chapitre sur July et une partie de son passé, pour ensuite illustrer sa rencontre avec les deux garçons. Ce chapitre, en apparence anodin, en dévoile beaucoup sur les relations de nos trois héros, et pour l’instant on ne fait que patienter sagement en espérant avoir d’ici peu un même chapitre sur Ed, qui nous éclaire sur son lien avec Elvis. Est-ce seulement de l’amitié ? Rien n’est moins sûr. Est-ce réciproque ? Un doute plane.
En attendant, on entre peu à peu dans la vie d’Elvis, dans son enfance. Le héros de ce manhwa a la peau noire, ce qui est rare dans un titre asiatique : une excellente initiative de la part de l’auteur, d’autant plus que porter cette couleur de peau à cette époque dans un coin reculé des Etats Unis n’est pas évident. Encore moins pour une mère célibataire qui a eu cet enfant avec un homme de couleur, à présent disparu. Mais à aucun moment on ne voit Elvis s’apitoyer sur son sort : Adelaïde (Adele, sa mère), tient à lui faire découvrir la vie sans réflexions inutiles sur quelque chose qu’il ne peut et ne doit pas vouloir changer. C’est sans préavis que la jeune mère décide de transformer la maison familiale en hôtel, qui n’attirera pas grand monde vu sa position. Mais c’est justement ça qui fait son charme : tous ceux qui y passent sont un peu perdus, que ce soit physiquement ou moralement. Chacun d’eux apporte quelque chose à Elvis et tous repartent en ayant gagné autre chose … A commencer par le premier client, qui décidera de rester auprès d’Adele, dont il est tombé follement amoureux, et de son fils si adorable avec ses grands yeux rieurs. Tous ceux qui s’arrêtent à l’Hôtel Africa ont leurs joies, leurs peines et leurs histoires mais l’ambiance hors du temps qui règne en ce lieu les rend tous identiques devant la vie.
Le graphisme de cette œuvre si singulière est conforme aux souvenirs que les habitués de Park Hee Jung ont pu garder. Esthétique, le trait de la manhwaga est plein d’un charisme particulier et expressif. La froideur des visages rend le tout très mature et parfois difficile d’accès, mais pour les amateurs c’est un vrai régal. Les cases presque vides ne font que mettre en avant les personnages, suffisamment réussis à eux seuls, et les têtes de chapitres nous rassurent sur la capacité de l’auteur à faire un environnement aussi splendide que les personnages. Tout comme dans sa narration, l’auteur n’exagère jamais ni ne trouve nécessaire d’en faire plus que d’utilité. L’édition, elle, est très satisfaisante (papier de qualité, bonne traduction … Seuls les nuances sont un peu oubliées). Et pour un prix plus qu’abordable, on se demande comment Paquet peut proposer un manhwa grand format et d’une telle épaisseur tout en restant moins cher que tous les autres titres du marché ! Bref, encore une très belle histoire, poétique et ancrée dans une réalité que l’on n’approcherait pas forcément autrement. Un bol d’air frais dans le catalogue actuel.