Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 16 Janvier 2023
La réédition du mythique Hokuto no Ken par Crunchyroll a fait couler beaucoup d'encre, et nourrit énormément de débats sur les réseaux sociaux. Mais on ne peut enlever à l'éditeur une volonté de faire revivre la saga dans nos librairies, ce qui se remarque par un autre retour : Celui du spin-off "La Légende de Raoh", dans une édition revue.
Petit rappel de ce qu'est la série. En 2006, le mangaka Yûkô Osada à l'occasion de dessiner un prequel dédié à la figure de Raoh, ce juste avant de commencer à dessiner Run Day Burst, à l'époque où la fresque du Hokuto faisait son grand retour, avec une trilogie de nouveaux films. Conclu en 2007, après 5 volumes, le manga a même eu droit à une adaptation animée par le studio Satelight, en 2008. Kazé, à l'époque du grand relancement de la licence, aussi bien en manga qu'en anime avec les productions des années 2000, a proposé le titre dans nos contrées, comme d'autres spin-offs, en 2008. Malheureusement, les volumes se sont retrouvés en rupture de stock, réclamés au même titre que certains volets de la Perfect Edition, bien qu'un peu moins demandés. Le retour se fait donc sous la bannière de Crunchyroll, dans une version à la charte artistique nouvelle, de manière à ne pas jurer avec les opus de la réédition de la série principale, dans les mangathèques. Nous aurons l'occasion de revenir sur l'édition en dernière partie de chronique, car, comme bon nombre de titres Crunchyroll, il y a des choses à relever.
Se déroulant avant le début de l'épopée de Kenshirô, "La Légende de Raoh" se penche sur l'ascension de celui qui se fera surnommé "Ken-Oh", le « Roi du poing », choisi par les cieux pour amener une ère de paix dans ce monde dévasté. Mais cette paix, il ne compte pas l'acquérir paisiblement, mais par la force du Hokuto Shinken. Accompagné de ses deux amis, Sôga et Reina, Raoh doit gravir une à une les marches qui le mèneront vers son statut de conquérant.
Pour l’habitué de Hokuto no Ken, et par conséquent de la patte de Tetsuo Hara, la patte de Yûkô Osada peut surprendre. Celle-ci, très éthérée et anguleuse, s'oppose totalement au style de Hara, grandiloquent et garni de détails. Pourtant, cet arc d'Osada apporte un dynamisme nouveau à la série qui ne perd en aucun cas de son charme en matière d'ambiance et d'esthétique.
Car dans ce premier tome, l'aventure de Raoh n'est pas si différente de celle de Kenshirô, exception faite que nous n'avons pas affaire à un sauveur, mais à un conquérant. Les péripéties de Raoh, Sôga et Reine se font par étape, ce premier opus se divisant en plusieurs haltes venant construire l'ascension du futur « Roi du Poing ». Et à chaque escale, on retrouve bien ce qui fait le sen de cet univers post-apocalyptique : Ses étendues désertiques, ses bandes de punk souvent dominées par des leaders grotesques... mais aussi de véritables antagonistes imposants, qui parleront forcément aux adeptes de l'œuvre de base. Car le spin-off, sur ce premier opus, ne se contente pas de narrer des aventures d’origines, mais contribue à bâtir tout le mythe qu'est Raoh, l'un des antagonistes les plus charismatiques que le Shônen Jump ait pu accueillir durant son existence.
Et s'il avait pu suffire au récit de présenter cet adversaire pour fidéliser son lectorat, la dualité qui est développée entre lui et Raoh vient à construire un final de tome saisissant. Les affrontements, sous le style d'Osada, ont beau ne pas être aussi imposants que ceux grattés par Tetsuo Hara, l'histoire proposée se révèle alléchante, en plus de respecter l'œuvre d'origine au plus haut point. Plus qu'un simple prequel opportuniste, « La Légende de Raoh » est un apport pertinent à l'œuvre de base... ou plutôt aux films produits dès 2005. Car Sôga et Reina sont des personnages inventés par Tetsuo Hara à l'occasion de ces longs métrages, et n'apparaissent pas dans le Hokuto no Ken d'origine. Un ajout astucieux au passage, puisqu'ils font ici office d'amis de Raoh, tranchant avec l'image du conquérant solitaire, sans pour autant affecter son charisme.
Pour toutes ces qualités, découvrir ou redécouvrir ce spin-off est un plaisir certain. Aussi, on attendait l'édition de Crunchyroll au tournant. Car si la réédition de la série principale est un sérieux coup au portefeuille (surtout en comparaison de l'ancienne Perfect Edition, plus belle et moins onéreuse), le coût total de cette version en trois tomes sera à peine plus cher que les 5 opus initialement proposés par Kazé en 2008.
Et globalement, l'édition proposée reste de bonne facture : Un joli papier, une belle adaptation de l'illustration de couverture d'origine pour l'adapter à la nouvelle collection, et un ouvrage toujours bien conçu étant donné son épaisseur, garni d'un lettrage bien calibré. Sachant que cette nouvelle version se marie avec la réédition de la série principale, les non-adeptes de cette dernière n'y trouveront guère leur compte. Et on comprendra aussi le ras-le-bol lié au prix : L'édition est proposée à un prix de 14,99€ pour une pagination un poil moins dense que la nouvelle édition de Ken et sans aucune page couleur, pas même une illustration d'introduction. Son tarif demeure exorbitant pour un tel format. Si le plaisir de retrouver la série dans de bonnes conditions est là, difficile de comprendre la grille tarifaire de Crunchyroll, éditeur responsable des plus gros lancements manga de ces dernières années, dont la nouvelle édition de Hokuto no Ken semble cartonner. Autre détail : On s'interrogera sur la transcription du nom de l'auteur en « Youkow Osada ». Une demande de l'ayant droit ?
Les lecteurs aux finances plus solides auraient donc tort de se priver de ce premier tome de La Légende de Raoh, un prequel qui a du punch, qui se lit d'une traite, et au format particulièrement agréable. Tout le débat sur ces nouvelles moutures de la licence Ken mis de côté, on profite indéniablement de la lecture. On espère alors voir le retour des spin-off dédiés à Rei, Toki et Julia... avec éventuellement un petit effort de l'éditeur au niveau du tarif, peu légitime.
(La note se base dont sur l'œuvre, et non sur le rapport qualité/prix)