Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 16 Septembre 2020
Avec la conclusion de Fûka, la sortie simultanée des 2 tomes de la mini-série Half & Half et l'arrivée de Hitman - Les coulisses du manga, le printemps dernier devait être placé sous le signe de Kouji Seo chez Pika Edition, mais l'épidémie de COVID-19 et le confinement en ont décidé autrement en contraignant l'éditeur à repousser ses projets. Ainsi, Half & Half est finalement sorti en juillet en décevant un peu par son contenu par rapport à ce qu'on pouvait en espérer, Fûka a trouvé une conclusion satisfaisante en août... Et en ce mois de septembre, l'heure est donc enfin venue de découvrir Hitman - Les coulisses du manga ! Simplement nommée Hitman au Japon, la série est la toute dernière en date du mangaka, a été lancée en 2018 dans le célèbre Weekly Shônen Magazine de Kôdansha (comme toutes les autres grosses séries de l'auteur auparavant), et compte déjà une dizaine de volumes. Et après avoir très souvent (quasiment toujours, en fait) dans la comédie romantique pure, cette fois-ci Seo s'attaque à un sujet autrement plus ambitieux, à première vue...
Nous voici plongés auprès de Ryûnosuke Kenzaki, étudiant en 4e année à l'université de Tokyo et passionné de mangas qui, à l'heure où ses études s'achèvent, est bien décidé à atteindre son rêve: travailler dans le milieu de l'édition de mangas, et plus spécifique chez l'éditeur Kôdansha pour le Shônen Magazine, magazine ayant accueilli son manga préféré il y a bien des années ! L'entretien d'embauche du jeune homme ne semble toutefois pas très bien se passer, entre ses réponses un peu à la ramasse, ou encore le fait que son manga préféré soit en réalité une série ayant vite été annulée faute de succès. Et pourtant, sa candidature est acceptée, et le voici, à sa surprise, bel et bien devenu employé au Shônen Magazine. Il va alors devoir se confronter aux dures lois du métier et notamment la concurrence, mais aussi au fait que peu de monde semble croire en lui, simple petit employé de base. Pourtant, en ayant le coup de foudre pour le storyboard d'une mangaka débutante du nom de Tsubasa Takanashi, il se met en tête de l'épauler dans la création de son histoire pour lui faire passer un concours de débutants et d'en faire la mangaka numéro 1 du Japon. C'est alors le début d'un véritable parcours du combattant dans les coulisses de la publication d'un manga...
Kouji Seo s'attaque donc ici au monde qu'il connaît sûrement le mieux, puisqu'il est lui-même mangaka ! Nul doute que l'auteur pourra puiser dans ses propres expériences au fil de la série, et il n'est sûrement pas anodin que l'histoire se déroule non pas chez un éditeur fictif mais chez Kôdansha, son éditeur depuis ses débuts, et qui plus est dans la rédaction du Shônen Magazine, son magazine de prédilection. En cela, le côté "coulisses du manga" dans un cadre réaliste peut forcément rappeler le naïf Bakuman qui nous plongeait de façon très lissée dans l'écurie Jump de Shûeisha, mais ici nous verrons que, sur ce premier tome, Seo semble parfois vouloir être un petit peu plus mordant sur la dureté du travail, sans être forcément critique.
Le tome agit en quelque sorte comme une longue introduction dont l'objectif premier est d'amener l'apprentie mangaka Tsubasa, la protégée de Ryûnosuke, jusqu'à une victoire (ou non ?) au concours pour mangakas débutants. Dans cette optique, le récit définit ici un objectif clair déjà entraînant, et qui est l'occasion d'aborder déjà pas mal de choses, à commencer par la mise en place de toute une flopée de personnages gravitant au sein de Kôdansha. On n'évitera pas certains clichés propres à Seo dans les caractères, comme la quasi inévitable amie de fan et amoureuse transie du héros Mio, ou même sa supérieure au sein du magazine Vivi, Aiko, qui joue d'emblée les "puputes" sans raison en chauffant Ryû. Mais on s'intéressera bien plus aux acteurs du milieu du manga, qui passent par toute une hiérarchie sur le plan éditorial: le rédacteur en chef Rentarô Yamashiro qui semble d'abord se moquer et descendre notre héros mais qui a en réalité flairé quelque chose en lui, responsable éditorial fleuron du magazine en l'intransigeant et hautain Kazutake Yagami, des secrétaires éditoriaux, puis des employés de base dont Ryû fait forcément partie pour l'instant... On entrevoit ainsi toute une hiérarchie. Et côté auteurs, il y a bien sûr Tsubasa, mais aussi la figure du manga numéro 1 et vétéran à dépasser en Katsuragi... sans oublier une figure que les fans d'A town where you live reconnaîtront à coup sûr, à savoir Shiori Amaya, cette demoiselle passionnée de manga ayant ici fait bien du chemin ! Et il est ainsi toujours aussi plaisant de voir Kouji Seo effectuer ce genre de petites connections entre ses oeuvres. D'ailleurs, il effectue un autre petit clin d'oeil à Half & Half lors du concours pour débutants, chose assez amusante quand on sait que cette histoire courte est justement celle ayant lancé sa carrière en ayant remporté ce genre de prix.
Les principaux caractères sont bien posés, et ont même déjà pas mal de choses à véhiculer sur le monde de l'édition. Ainsi, Ryû se rendra compte très vite qu'être passionné n'est pas suffisant dans son travail et qu'il devra prendre en compte de nombreuses choses: les réunions, le besoin de comprendre comment épauler au mieux Tsubasa... mais autant l'avouer, pendant une bonne partie de ce premier volume notre héros est parfois agaçant voire assez tête à claques. Il a beau être passionné, il ne connaît pas des choses aussi basiques que les concours, ce qui est plutôt étonnant (bon, on se doute que c'est pour permettre à Seo de l'expliquer, mais c'est gros). Son côté passionné et sûr de lui lui valent également certains comportements forcément irritants pour son entourage, comme quand il parle trop fort en pleine réunion, qu'il rejette certains conseils, qu'il s'énerve bêtement... Pour le dire vulgairement, il est un peu con parfois. Mais heureusement, il saura quand même progresser, comprendre des choses tout en gardant sa passion... Et même si, en réalité, la progression de Tsubasa est largement plus due à son responsable Natsume et à Shiori qu'à lui (ce qui ne l'empêche pas de s'attirer les mérites sans se poser trop de questions), il reste qu'il semble avoir une qualité spéciale en lui, et que son parcours permet d'évoquer plusieurs choses techniques sur la conception d'un manga en elle-même: gestion d'une histoire, définitions des caractères pour la rendre emballante, importance d'offrir des passages et une mise en scène qui a du sens, différence entre dessins de personnages et dessin de décors, aspect formateur du travail d'assistant...
Si le travail de mangaka est plutôt bien esquissé via les débuts de Tsubasa dans le milieu, il en est donc évidemment tout autant pour un certain portrait du travail éditorial via Ryû et ses collègues, que ces derniers soient amicaux ou antipathiques. Les relations entre responsable éditorial et auteur sont assez bien évoquées via le duo Ryû/Tsubasa, avec un héros se devant de comprendre que son rôle, lors des réunions, est non pas de dicter à sa protéger ce que lui veut, mais bien d'être en quelque sorte une "phare" pour la guider quand elle s'égare, tout en lui laissant contrôler son oeuvre conseils débats, s'exprimer et faire ce qu'elle veut. Mais la vision passionnée et naïve de notre héros devra forcément s'entrechoquer avec d'autres visions. Ici, un employée parle des auteurs comme de "pions de réserve" sans penser à leur passion et en réfléchissant uniquement à l'aspect mercantile. Là, l'élite Yagami n'hésite pas à être cassant au risque de briser des auteurs pour retenir uniquement ce qui se vendra. Sans oublier le cas intéressant de Natsume, notamment via une petite confrontation de points de vue entre lui et Yagami.
Ajoutons à cela les habituelles qualités visuelles de Seo (si tant est que l'on aime son style, dans la lignée de ses oeuvres précédentes), et on obtient un début de série qui, malgré quelques limites, quelques grosses ficelles et un héros parfois agaçant, sait tirer son épingle du jeu en esquissant une plongée dans les coulisses du manga qui s'annonce assez riche et immersive. Affaire à suivre, donc, après ce début prometteur !
Cette chronique ayant été réalisée à partir d'une épreuve numérique non-corrigée fournie par l'éditeur, pas d'avis sur l'édition.
Nous voici plongés auprès de Ryûnosuke Kenzaki, étudiant en 4e année à l'université de Tokyo et passionné de mangas qui, à l'heure où ses études s'achèvent, est bien décidé à atteindre son rêve: travailler dans le milieu de l'édition de mangas, et plus spécifique chez l'éditeur Kôdansha pour le Shônen Magazine, magazine ayant accueilli son manga préféré il y a bien des années ! L'entretien d'embauche du jeune homme ne semble toutefois pas très bien se passer, entre ses réponses un peu à la ramasse, ou encore le fait que son manga préféré soit en réalité une série ayant vite été annulée faute de succès. Et pourtant, sa candidature est acceptée, et le voici, à sa surprise, bel et bien devenu employé au Shônen Magazine. Il va alors devoir se confronter aux dures lois du métier et notamment la concurrence, mais aussi au fait que peu de monde semble croire en lui, simple petit employé de base. Pourtant, en ayant le coup de foudre pour le storyboard d'une mangaka débutante du nom de Tsubasa Takanashi, il se met en tête de l'épauler dans la création de son histoire pour lui faire passer un concours de débutants et d'en faire la mangaka numéro 1 du Japon. C'est alors le début d'un véritable parcours du combattant dans les coulisses de la publication d'un manga...
Kouji Seo s'attaque donc ici au monde qu'il connaît sûrement le mieux, puisqu'il est lui-même mangaka ! Nul doute que l'auteur pourra puiser dans ses propres expériences au fil de la série, et il n'est sûrement pas anodin que l'histoire se déroule non pas chez un éditeur fictif mais chez Kôdansha, son éditeur depuis ses débuts, et qui plus est dans la rédaction du Shônen Magazine, son magazine de prédilection. En cela, le côté "coulisses du manga" dans un cadre réaliste peut forcément rappeler le naïf Bakuman qui nous plongeait de façon très lissée dans l'écurie Jump de Shûeisha, mais ici nous verrons que, sur ce premier tome, Seo semble parfois vouloir être un petit peu plus mordant sur la dureté du travail, sans être forcément critique.
Le tome agit en quelque sorte comme une longue introduction dont l'objectif premier est d'amener l'apprentie mangaka Tsubasa, la protégée de Ryûnosuke, jusqu'à une victoire (ou non ?) au concours pour mangakas débutants. Dans cette optique, le récit définit ici un objectif clair déjà entraînant, et qui est l'occasion d'aborder déjà pas mal de choses, à commencer par la mise en place de toute une flopée de personnages gravitant au sein de Kôdansha. On n'évitera pas certains clichés propres à Seo dans les caractères, comme la quasi inévitable amie de fan et amoureuse transie du héros Mio, ou même sa supérieure au sein du magazine Vivi, Aiko, qui joue d'emblée les "puputes" sans raison en chauffant Ryû. Mais on s'intéressera bien plus aux acteurs du milieu du manga, qui passent par toute une hiérarchie sur le plan éditorial: le rédacteur en chef Rentarô Yamashiro qui semble d'abord se moquer et descendre notre héros mais qui a en réalité flairé quelque chose en lui, responsable éditorial fleuron du magazine en l'intransigeant et hautain Kazutake Yagami, des secrétaires éditoriaux, puis des employés de base dont Ryû fait forcément partie pour l'instant... On entrevoit ainsi toute une hiérarchie. Et côté auteurs, il y a bien sûr Tsubasa, mais aussi la figure du manga numéro 1 et vétéran à dépasser en Katsuragi... sans oublier une figure que les fans d'A town where you live reconnaîtront à coup sûr, à savoir Shiori Amaya, cette demoiselle passionnée de manga ayant ici fait bien du chemin ! Et il est ainsi toujours aussi plaisant de voir Kouji Seo effectuer ce genre de petites connections entre ses oeuvres. D'ailleurs, il effectue un autre petit clin d'oeil à Half & Half lors du concours pour débutants, chose assez amusante quand on sait que cette histoire courte est justement celle ayant lancé sa carrière en ayant remporté ce genre de prix.
Les principaux caractères sont bien posés, et ont même déjà pas mal de choses à véhiculer sur le monde de l'édition. Ainsi, Ryû se rendra compte très vite qu'être passionné n'est pas suffisant dans son travail et qu'il devra prendre en compte de nombreuses choses: les réunions, le besoin de comprendre comment épauler au mieux Tsubasa... mais autant l'avouer, pendant une bonne partie de ce premier volume notre héros est parfois agaçant voire assez tête à claques. Il a beau être passionné, il ne connaît pas des choses aussi basiques que les concours, ce qui est plutôt étonnant (bon, on se doute que c'est pour permettre à Seo de l'expliquer, mais c'est gros). Son côté passionné et sûr de lui lui valent également certains comportements forcément irritants pour son entourage, comme quand il parle trop fort en pleine réunion, qu'il rejette certains conseils, qu'il s'énerve bêtement... Pour le dire vulgairement, il est un peu con parfois. Mais heureusement, il saura quand même progresser, comprendre des choses tout en gardant sa passion... Et même si, en réalité, la progression de Tsubasa est largement plus due à son responsable Natsume et à Shiori qu'à lui (ce qui ne l'empêche pas de s'attirer les mérites sans se poser trop de questions), il reste qu'il semble avoir une qualité spéciale en lui, et que son parcours permet d'évoquer plusieurs choses techniques sur la conception d'un manga en elle-même: gestion d'une histoire, définitions des caractères pour la rendre emballante, importance d'offrir des passages et une mise en scène qui a du sens, différence entre dessins de personnages et dessin de décors, aspect formateur du travail d'assistant...
Si le travail de mangaka est plutôt bien esquissé via les débuts de Tsubasa dans le milieu, il en est donc évidemment tout autant pour un certain portrait du travail éditorial via Ryû et ses collègues, que ces derniers soient amicaux ou antipathiques. Les relations entre responsable éditorial et auteur sont assez bien évoquées via le duo Ryû/Tsubasa, avec un héros se devant de comprendre que son rôle, lors des réunions, est non pas de dicter à sa protéger ce que lui veut, mais bien d'être en quelque sorte une "phare" pour la guider quand elle s'égare, tout en lui laissant contrôler son oeuvre conseils débats, s'exprimer et faire ce qu'elle veut. Mais la vision passionnée et naïve de notre héros devra forcément s'entrechoquer avec d'autres visions. Ici, un employée parle des auteurs comme de "pions de réserve" sans penser à leur passion et en réfléchissant uniquement à l'aspect mercantile. Là, l'élite Yagami n'hésite pas à être cassant au risque de briser des auteurs pour retenir uniquement ce qui se vendra. Sans oublier le cas intéressant de Natsume, notamment via une petite confrontation de points de vue entre lui et Yagami.
Ajoutons à cela les habituelles qualités visuelles de Seo (si tant est que l'on aime son style, dans la lignée de ses oeuvres précédentes), et on obtient un début de série qui, malgré quelques limites, quelques grosses ficelles et un héros parfois agaçant, sait tirer son épingle du jeu en esquissant une plongée dans les coulisses du manga qui s'annonce assez riche et immersive. Affaire à suivre, donc, après ce début prometteur !
Cette chronique ayant été réalisée à partir d'une épreuve numérique non-corrigée fournie par l'éditeur, pas d'avis sur l'édition.