Harasaki Vol.1 - Actualité manga

Harasaki Vol.1 : Critiques

Harasaki

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 04 Octobre 2023

Le manga d'horreur est assurément l'un des créneaux de prédilection des éditions Omaké Manga depuis leurs débuts, si bien qu'il n'y a rien d'étonnant à voir arriver chez elles un nouveau représentant du genre avec la série achevée en deux volumes Harasaki. Prépublié au Japon pendant la première moitié de l'année 2019 sur le site Manga Up! de Square Enix, ce manga fut la toute première (et à ce jour unique) série de Shino Sakura, jeune dessinatrice ayant également conçu des histoires courtes et des illustrations de romans. Ici, elle adapte le tout premier roman de la jeune carrière de Ryo Noshiro, roman ayant été publié au Japon en 2017 et ayant remporté là-bas le 24e Prix des lecteurs lors du Prix du meilleur roman d'épouvante.

Tout commence ici par la discussion qu'a Masaki Kanbara avec un ivrogne dans un bar des sources thermales de Takenoyama, la ville natale de sa fiancée Hinata Momosaki qu'il va bientôt épouser. L'homme alcoolisé lui fait par de certaines légendes urbaines inquiétantes qui touchent la ville, et en particulier celle du Harasaki: Ceux qui ont quelque chose à se reprocher et qui sortent à la nuit tombée se retrouvent happés dans le monde du Harasaki, où ils finissent éventrés. Cela pourrait être une simple légende visant à faire frissonner, comme tant d'autres. Mais si ce n'était pas le cas ?

En effet, alors que Hinata est en route pour Takenoyama afin d'y rejoindre son fiancé, elle croise la route de Sayako Aihara, qui affirme l'avoir reconnue et être son amie d'enfance. Hinata n'a néanmoins aucun souvenir de cette fille, et pour cause: voici bien longtemps qu'elle ne se souvient d'absolument plus rien concernant sa ville natale, si bien qu'elle ne sait même pas ce que sont devenus les membres de sa famille. Mais ce n'est pas le plus étrange puisque, bientôt, les deux jeunes femmes sont victimes d'une situation invraisemblable: alors que la nuit est tombée, elles se retrouvent dans une sorte de ville alternative plongée dans l'obscurité nocturne, où le temps semble suspendu à moins qu'il s'écoule différemment, où il n'y a pas de réseau ou alors très, très peu... et où elles ne tardent pas à découvrir un premier cadavre éventré avec dans la main un inquiétant message sur papier. La légende du Harasaki vient-elle de les frapper ? Et si oui, pourquoi ? Alors qu'elles ne peuvent compter que l'une sur l'autre pour essayer de comprendre ce qui leur arrive et trouver un moyen de s'en sortir, elles doivent fuir d'étranges monstres aux allures d'ombres qui veulent attenter à leur vie. Qui plus est, l'amnésique Hinata a régulièrement des sortes de visions ou de flashs du passé où elle a parfois l'impression de voir à travers les yeux de quelqu'un d'autre, et elle a vite le sentiment que Sayako en sait long sur ce qui a bien pu se passer autrefois à Takenoyama. Encore faudra-t-il trouver le courage de lui poser la question...

S'il fallait reconnaître une certaine qualité à cette première moitié de l'histoire, ce serait sûrement la volonté des auteurs de jouer à fond, même si c'est de façon très classique, sur la carte de la légende urbaine et des nombreux événements énigmatiques et hors du commun qui peuvent en découler. Comme l'expliquait le paragraphe précédent, il se passe effectivement un petit paquet de choses aussi surnaturelles qu'inquiétantes dès le départ, et évidemment ça ne va pas s'arrêter dans une suite qui va persister dans cette voie et sur laquelle nous allons éviter d'en dire plus afin de ne pas spoiler. Une chose est sûre à l'arrivée: les zones d'ombre intriguent assez... mais est-ce suffisant pour rendre ce manga vraiment palpitant ? Eh bien, la réponse est un peu dure: pas du tout. Et cela, pour deux raisons.

Premièrement, la construction scénaristique de l'oeuvre, qui bousille d'emblée certains éléments censés être mystérieux mais sur lesquels on devine bien trop vite les grandes lignes. Le fonctionnement du Harasaki étant dévoilé dès les premières pages, on comprend immédiatement que derrière l'amnésie de Hinata se cache une faute qu'elle a commise autrefois, et dès lors certains "climax" de ce premier tome tombent complètement à plat autour de la lente prise de conscience par notre héroïne que son passé oublié cache de grosses zones d'ombre. Et au-delà de ça, il peut vite devenir très, très agaçant de voir Hinata et Masaki, chacun(e) de leur côté, se laisser un peu balloter par les événements et hésiter longuement à interroger leurs interlocuteurs (Sayako pour l'une et Hase pour l'autre): ils se questionnent intérieurement sur certains faits bizarres mais ne cherchent pas vraiment à en savoir tout de suite plus, ce qui est complètement débile au vu de la situation dans laquelle ils sont. C'est, alors, de façon très superficielle qu'arrive le semblant de climax des dernières pages, à partir du moment où cette empotée de Hinata se décide à questionner un peu une Sayako qui semblait n'attendre que ça.

Deuxièmement, le rendu visuel et narratif de Shino Sakura, qui peine vraiment à offrir une plus-value à l'oeuvre d'origine. Une adaptation manga se reposant normalement beaucoup sur les visuels, plus encore dans le cas d'un récit d'horreur, on pouvait attendre plus de personnalité de la part de la dessinatrice. Or, ici, tout est un peu fade. Shino Sakura préfère visiblement rester très proche de la narration du roman, forcément plus littéraire, ce qui donne lieu à des textes expliquant ses émotions et son ressenti là où, justement on aurait dû ressentir tout ça à travers les dessins. ici, quasiment aucune émotion ne se dégage de l'héroïne malgré la situation dans laquelle elle se trouve: elle semble souvent trop neutre, la faut à un dessin peu expressif et trop rigide. pire encore, à certains moments Hinata semble avoir des expressions faciales en totale contradiction avec sa situation: sur plusieurs cases on a presque l'impression qu'elle sourit là où elle est censée être inquiète. Quant aux décors, malgré des tentatives de jouer sur l'obscurité, ils restent très lisses et peu nuancés, jusque dans les trames qui sont généralement grossières. Enfin, au niveau des créatures censées être cauchemardesques, c'est très aseptisé: les monstres ont un design si grossier qu'ils sont plus ridicules qu'effrayants, on ne voit quasiment rien des cadavres éventrés alors que ça aurait dû être de pures visions d'effroi sans forcément aller dans le gore pour autant, la petite fille victime des flammes ne ressemble en rien à un corps calciné... Seules les ombre s'en sortent un peu mieux, même si leur design n'est, là non plus, pas très original ni travaillé.

Et histoire d'enfoncer un autre couteau dans la plaie, il y a aussi certaines errances éditoriales concernant les textes: bien que la traduction de Guillaume Mistrot soit fonctionnelle, il manque clairement un minimum de relecture, car un certain nombre de coquilles très grossières sont à noter: "Comment peut-être aussi imprudente", "éléphone" au lieu de "téléphone" p83, "un de ce magasins" p95, "depuis que notre conversation à ce sujet hier soir" p132, "le sentiments" p178, "l'heure n'est plus au mensonge et des dérobades" à l'avant-dernière page, "merci d'avoir achet ce manga" dans la postface... et on ne note ici que les plus grosses, celles qui frappent vraiment. Même si rien, dans tout ça, n'empêche la compréhension, c'est tout de même très peu sérieux dans un bouquin vendu 7,90€. Néanmoins, c'est le genre de couacs qui pourraient être aisément corrigés lors d'une éventuelle réimpression, donc espérons que ce sera le cas ! A part cette mauvaise surprise, il n'y a rien de particulier à dire d'autre sur l'édition française: la jaquette reste proche de l'originale nippone même si les effets de sang autour du logo-titre sont franchement grossiers (ceux de la jaquette japonaise étaient un peu mieux), l'impression est moyenne (ni mauvaise, ni excellente), avec toutefois un côté parfois un peu délavé), le papier a le mérite d'être souple et suffisamment opaque, et le lettrage de Munii Prod. est basique mais assez propre.

A l'arrivée, on se retrouve avec une première moitié d'histoire qui se lit facilement, mais qui est fade dans son rendu et qui ne passionne jamais vraiment. Il est pourtant possible d'offrir des adaptations manga de romans d'horreur ayant un vrai cachet tout en restant fidèles au récit d'origine (pour n'en citer qu'un qui fait aussi dans les légendes urbaines: Re/Member chez Ki-oon), mais ici Shino Sakura semble ne jamais vouloir tenter quoi que ce soit, et propose alors un rendu visuel pas foncièrement déplaisant mais très creux et sans ambiance, ce qui est vraiment dommage dans le cas précis d'un récit horrifique où il y a normalement toute la matière pour ça.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
11 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs