Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 28 Juin 2023
Bien qu'on ne l'ait pas découvert en France de la meilleure des manières avec le très moyen manga Survivant - L'histoire du jeune S (sorti chez Vega-Dupuis il y a quelques années), Akira Miyagawa est un mangaka qui, sans être hyper prolifique, a su se tailler une solide petite réputation pour ses designs de machines, ses décors et son trait assez nerveux, chose qui a notamment été remarquée sur son manga Appleseed XIII où il se réappropriait à sa sauce l'univers de la célèbre saga. C'est donc avec curiosité qu'on le voit débarquer chez Casterman en ce mois de juin avec sa dernière série en date, Great Trailers, qu'il publie depuis 2021 assez tranquillement (seuls deux tomes sont sortis à ce jour, et il s'est écoulé un an et demi au Japon entre les volumes 1 et 2) sur le site Comic Nettai des éditions Kôbunsha.
Great Trailers nous plonge dans un futur post-apocalyptique où la Terre a été ravagée, et où les survivants se disputent ce qu'il reste du monde. Au Japon, vers les ruines d'Osaka, Naoki fait partie de ces survivants et tâche, jour après jour, d'aider l’Institut Yao à exhumer des vestiges du patrimoine technologique humain pour tenter de rebâtir petit à petit la civilisation et pouvoir vivre décemment. Dans son travail, ce jeune garçon peut compter sur son étrange pouvoir de "conversion", lui permettant de se changer en diverses créatures, tandis que son corps est maintenu en état uniquement grâce à l'unité de commande Rena Rena, une I.A. qui ne le quitte quasiment jamais. Cette condition, il la doit aux gens de l'institut, et plus spécifiquement à Aya, une jeune femme qui lui aurait apparemment sauvé la vie. Cela fait de lui un être à part, utile notamment quand les gens de l'institut doivent se confronter à l'Akaguma, une organisation plus avancée, venue du continent et voulant dérober le patrimoine technologique de l'ancien Japon. C'est dans ce contexte que, depuis quelque temps, Naoki entend des voix mystérieuses le sommant de sauver dès que possible une certaine Hinako, qui serait apparemment une personne-clé dans le salut de l'humanité. Quand, guidé par ces voix, notre héros rencontre enfin la fameuse Hinako, il se retrouve pris dans une source-poursuite effrénée impliquant aussi la corporation nationale martienne, groupe de personnes ayant migré sur Mars et cherchant activement à récupérer la jeune fille...
Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'oeuvre démarre sur les chapeaux de roue: Miyagawa a tout juste installé les grandes bases dans les toutes premières pages qu'il accélère déjà le rythme pour ne plus jamais nous lâcher, tout en parvenant à distiller ce qu'il faut de petites informations par-ci par-là (la condition plus totalement humaine de Naoki, son sauvetage nébuleux par Aya par le passé, le conflit entre l'institut et l'Akaguma pour récupérer le patrimoine technologique, l'irruption de la corporation martienne en guise de troisième force...) afin de maintenir notre intérêt et, surtout, de nous faire peu à peu sentir que l'avenir de l'humanité entière pourrait dépendre de Hinako et Naoki. Reste à savoir comment et pourquoi exactement...
Mais cette petite intrigue, qui s'annonce aussi simple qu'efficace, semble surtout être un moyen pour le mangaka de se faire plaisir sur le plan visuel, et de ce côté-là il y a vraiment de quoi être ébloui en permanence si l'on aime le genre: sous un trait détaillé qui se voit souvent mis en valeur par des angles de vue ambitieux et ultra dynamiques, Miyagawa imagine tout un tas de designs élaborés en matière de créatures mécaniques, de bestiaire, de véhicules, d'architectures souvent en ruines, et n'hésite pas non plus à revisiter à la sauce post-apo certains lieux d'Osaka comme le quartier de Tsuruhashi, les souterrains du métro ou Shin-Umeda. Le résultat se veut alors hyper généreux sur le plan visuel, en faisant bien sentir l'expérience acquise par l'auteur dans le domaine. Pour le dire simplement: dans sa catégorie, l'auteur offre une claque graphique de chaque instant.
Et il n'y a pas forcément grand chose à dire de plus: si vous cherchez du bon divertissement d'action-SF ultra rythmé, bourré de designs géniaux et élaborés, et qui va droit au but tout en distillant un univers et des enjeux suffisamment intrigants, vous êtes à la bonne porte !
En ce qui concerne l'édition française, c'est du tout bon, là aussi. A l'extérieur, la jaquette conserve la belle illustration de la version originale japonaise, mais en préférant un logo-titre moins envahissant pour ne pas gâcher le visuel. Et à l'intérieur, le papier et l'impression sont de très bonne qualité, la traduction de François Boulanger est claire et vivante, et le travail d'adaptation/lettrage de Blackstudio est très soigné. Soulignons, enfin la présence de quelques sympathiques pages bonus présentant certains travaux préparatoires au niveau des designs, avec plusieurs explications de l'auteur.