Goût des retrouvailles (le) Vol.1 - Actualité manga

Goût des retrouvailles (le) Vol.1 : Critiques

Mahiru no Polvoron

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 26 Août 2021

Au fil d'un bon nombre de mangas (Autour d'elles, Show me love, Le mari de mon frère, Je crois que mon fils est gay, Bathtub Brothers, etc, etc), les éditions Akata ont déjà montré à de nombreuses reprises, et sous des angles bien différents, tout leur intérêt pour le thème de la famille, quelle que soit la forme que celle-ci prend. Ainsi, il n'est pas étonnant de voir arriver chez elles, en cette fin de mois d'août, une nouvelle série abordant ce sujet: Le goût des Retrouvailles.

Derrière ce nom se cache la série en trois volumes Mahiru no Polvoron (ou Polvoron de la tarde, sous-titre en espagnol de l'oeuvre), un titre pouvant être traduit par "Le Polvoron de midi", un nom pouvant paraître très nébuleux comme ça, mais faisant en réalité référence à un élément-clé de l'histoire. La série fut initialement prépubliée de 2016 à 2018 dans les pages du magazine Be Love des éditions Kôdansha, un bimensuel que l'on connaît notamment en France pour les séries Chihayafuru, Running Girl ou encore Une vie au zoo. Et il s'agit de la première publication française de Nozo Itoi, une autrice active depuis 2010 et ayant déjà touché à différents registres: beaucoup de yaoi, plusieurs shôjo/josei, et également du seinen.

"Plutôt mourir que de quitter "cet endroit" et rejoindre le monde extérieur. Je l'ai bien observé durant tout ce temps... et j'ai une bonne idée de ce qu'il me réserve."

Tout commence par cette phrase assez forte, et d'autant plus forte qu'elle est pensée par celle qui deviendra la petite héroïne de l'histoire alors même qu'à cet instant précis, elle est sur le point de sortir du ventre de sa mère. Neuf ans plus tard, la jeune Rutsubo est certes née et a grandi, mais n'a aucunement changé d'avis sur ce fameux monde où elle ne voulait pas naître. Le plus triste étant que tout semble lui donner raison. Sa mère, morte en lui donnant naissance, elle ne l'a donc connue que pendant les 9 mois où elle était dans son ventre, une époque dont elle semble donc parfaitement se souvenir (ce que l'on acceptera parfaitement dans la diégèse de l'oeuvre, étant donné que c'est présenté clairement dès la première page). Tout comme elle se souvient d'un père qui l'a tout bonnement abandonnée à la naissance et qu'elle déteste donc. Recueillie dès son plus jeune âge par sa grand-mère, la fillette a surtout été élevée, jusqu'à présent, sans le moindre amour par son oncle et sa tante, qui la voient comme un boulet encombrant. Rutsubo ne semble aimée de personne, personne ne semble attendre quoi que ce soit d'elle, et elle ne trouve aucune raison à sa venue au monde. Si bien qu'en plus de poser sur le monde un regard cynique et très mature pour son âge, elle a choisi de rester mutique, et n'a pas prononcé le moindre mot depuis qu'elle est née, quand bien même elle comprend parfaitement (sans doute plus que d'autres enfants de son âge) ce qui l'entoure. Une jeune vie triste, sans enthousiasme... mais qui pourrait peut-être changer, tout doucement, à partir du moment où ressurgit dans sa vie le père à qui est s'est jurée de ne jamais pardonner. En effet, quand la mamie de Rutsubo doit être hospitalisée, Shima Iwashita, écrivain et prof d'université de 38 ans, réapparaît après 9 années de silence pour récupérer sa fille et s'occuper d'elle, le temps de deux mois de vacances...

Comme le laisse bien deviner le titre français de la série, l'histoire nous invite donc à suivre les retrouvailles délicates entre cette enfant meurtrie par la vie depuis sa naissance, et un père beaucoup trop longtemps absent. Rutsubo a beau se remémorer les demandes de sa mère de prendre soin de son père, il semble difficile pour elle de lui pardonner de les avoir abandonnées, elle et sa maman, et la communications l'annonce donc difficile, d'autant plus que Shima pourrait apparaître à ses yeux comme un gigolo, attirant à lui les femmes sans être capable de les retenir. Et pourtant, derrière cette image, la petite fille découvre un papa gentil, doux, qui se veut attentif et patient avec elle, et qui affirme qu'elle est désormais ce qu'il a de plus précieux. Cet homme, à qui elle ne voulait jamais offrir son pardon, semble sincère vouloir apprendre à la connaître et la chérir... mais évidemment, on ne devient pas un bon père du jour au lendemain, et le chemin sera sans doute long pour effacer les doutes, faire disparaître les regrets, laisser croître l'amour parent/enfant... et, surtout, pardonner et se pardonner.

Nozo Itoi emballe tout ceci dans une atmosphère infiniment douce et sensible, qui passe en premier lieu par un choix efficace: celui de faire découvrir au lecteur quasiment toutes les pensées de la petite Rutsubo, alors même qu'elle ne parle jamais et donc que son entourage peut peiner à totalement la cerner (encore que, certaines de ses bouilles adorables en disent long, notamment quand elle mange des choses qu'elle adore). La mangaka se veut ainsi assez introspective sur sa mutique petite héroïne, qui en ressort vraiment attachante, encore plus quand on voit à quel point elle se prend déjà pour une adulte dans sa vision du monde ou dans certains comportements alors qu'elle est encore une enfant. la douceur de l'ensemble provient également d'un aspect tranche de vie prononcé, puisque beaucoup des premières expériences entre le père et sa fille passent par des moments du quotidien: un repas de sushis, une sortie shopping pour trouver de nouveaux vêtements à la petite... Sans oublier un autre élément essentiel: l'entourage. Les proches de Shima, qui sont autant de nouvelles rencontres pour Rutsubo. Que ce soit Masahiro le squatteur de 19 ans, Hiroshi du resto de sushis, ou surtout Himeko, amie d'enfance de Shima qui prendra une place importante auprès de Rutsubo, ces visages sont autant d'occasions d'agrandir le petit monde renfermé de la fillette, chacun essayant de l'aiguiller à sa manière, de mieux lui faire comprendre les efforts de son maladroit de père, et, chose essentielle, de la traiter d'égale à égal. Et c'est ainsi que chacun semble pouvoir accompagner la petite fille dans son évolution pour, peut-être, enfin prendre goût à la vie. Enfin, Nozo Itoi sait aussi profiter de ces douces avancées pour mieux nous faire entrevoir certaines choses (ne serait-ce que la raison pour laquelle Shima ne s'était en réalité jamais approché de sa fille pendant ces 9 années, ou son incapacité à bâtir des relations stables), voire pour esquisser d'autres thématiques modernes en filigranes (notamment à travers Himeko) comme l'homosexualité ou le regard sur les femmes rondelettes.

Tout ceci est emballé dans un style visuel particulièrement ravissant et adapté au récit. Fin, délicat et vaporeux, le dessin d'Itoi dégage une douceur et une sensibilité adéquates, plus encore quand on prend le temps d'observer les bouilles de Rutsubo, des bouilles apparaissant souvent blasées et se voulant adultes (impression renforcée par ses adorables gros sourcils) et on l'on discerne pourtant un paquet de petites émotions.

Le goût des retrouvailles démarre alors de très jolie manière, en brossant le portrait d'une relation père/fille à construire, le tout étant emballé dans une style narratif et visuel bourré de délicatesse.

Cette chronique ayant été réalisée à partir d'une épreuve numérique, pas d'avis sur l'édition.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.25 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs