Goodnight i love you... Vol.1 - Actualité manga
Goodnight i love you... Vol.1 - Manga

Goodnight i love you... Vol.1 : Critiques

Goodnight i love you

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 13 Septembre 2018

Après Whispering - Les voix du silence - en mai, les éditions Akata nous proposent de découvrir, en ce mois de septembre, la deuxième série issue de leur collaboration avec le magazine Comic IT, revue lancée en février 2015 sans utiliser les catégorisations habituelles de shôjo / seinen / shônen, et essentiellement destinée aux "femmes adultes authentiques / de caractères" voulant lire des choses nouvelles et autres que des histoires d'amour. S'affranchissant des étiquettes autant dans son ton que dans ses visuelles, cette série finie en 4 tomes est signée John Tarachine, une mangaka surtout connue pour être une autrice de boy's love, et officiant depuis 2014.


Enfant, Ozora a vu son père quitter la maison, le laissant avec sa mère et son grand frère. Heureusement, ce dernier lui a affirmé qu'il serait toujours là pour lui. Pourtant, quelques années plus tard, il a, à son tour, quitté la maison. Depuis, Ozora a vécu avec sa mère pour seul soutien, et en a toujours voulu aux deux hommes qui sont partis et qu'il considère comme des "connards", selon ses propres mots. Devenu aujourd'hui étudiant, le jeune homme vient de se confronter à un nouveau drame, quand sa mère, atteinte d'un cancer, lui a avoué n'avoir plus que trois mois à vivre. Laissant de côté ses études, s'éloignant un peu des autres du même coup, il a dû veiller seul aux dernières semaines de vie de celle qui a toujours été là pour lui, et qui désormais s'est éteinte... Alors maintenant qu'il est seul, que doit-il faire ? Peut-être que sa mère avait prévu le coup, en lui confiant une mission: partir en voyage en Europe, afin d'annoncer de vive voix aux amis de sa maman que celle-ci est morte. Le voyage commence à Londres, avant un passage à Paris. Mais plus que de simplement aller à la rencontre des amis étrangers de sa mère, Ozora risque bien de vivre des choses qui vont complètement le transformer. Comme la rencontre d'autres cultures, ou les retrouvailles avec ce frère qu'il pourrait bien réapprendre à découvrir...


Goodnight, I Love You... démarre vite, en posant rapidement les problèmes initiaux puis en enchaînant tout de suite sur le voyage. Une introduction qui, concrètement, met tout de suite dans le ton voulu par l'autrice, et qui a le mérite de ne pas tout dire tout de suite de l'état d'esprit d'Ozora, un jeune homme qui, sans doute, avait largement besoin d'un voyage de ce type, même si au départ il n'en a pas du tout conscience. A travers une narration assez proche de ce jeune homme, on apprend peu à peu à cerner la mentalité dans laquelle il est. Celle d'un garçon qui a été marqué par les départs de son père et de son frère, puis qui a dû veiller seul sur sa mère, et qui finalement s'est en quelque sorte recroquevillé sur lui-même sans jamais faire quoi que ce soit de travers. Assez bref, le voyage à Londres lui permet d'avoir un premier contact avec une culture radicalement différente de la sienne: une sortie en soirée comme il n'en avait jamais faite, une discussion avec une jeune femme assez expansive lui disant clairement qu'il doit aller de l'avant... Sans doute est-ce un bon début avant le voyage à Paris, qui occupe près des trois quarts du tome, et où, en plus d'aller à la rencontre de l'ami français de sa mère, il va devoir vivre avec son frère Daichi qu'il déteste tant, et peut-être bien découvrir ses secrets...


Tout en continuant de placer Ozora face à d'autres cultures, le séjour à Paris est vraiment captivant, pour ce qu'il révèle de Daichi, mais aussi pour ce qu'il a à dire d'Ozora. On découvre d'abord un Ozora qui apparaît particulièrement aigri, ne serait-ce qu'en voyant les couples se bécotant naturellement dans la rue (alors qu'au Japon, ça ne se fait pas), ou surtout en ayant en tête d'énormes clichés après avoir découvert le "secret" de son frère. D'où vient cette aigreur ? La réponse se dessine naturellement: de la solitude qui l'anime, et du fait qu'à force de se recroqueviller sur lui-même au fil des années il se confronte désormais à des choses qu'il ne connaissait pas ou qu'il connaissait mal. Il le dit lui-même, il n'avait jamais rencontré de personne ayant l'orientation sexuelle de son frère... Mais loin de rester borné dans ses idées, Ozora se révèle surtout être un jeune homme meurtri et qui, en effet, a besoin d'aller de l'avant, pour mieux se retrouver. En allant de rencontre en rencontre, de culture en culture, en osant petit à petit aller vers les autres, il devrait alors parvenir à les comprendre, et à se comprendre lui-même. A ce sujet, certaines paroles sont particulièrement justes. Il avait toujours détesté son frère parce qu'il a quitté la maison familiale, mais auparavant, s'était-il déjà demandé une seule fois pourquoi il est parti, et dans quel état d'esprit il pouvait être quand il a pris cette décision ?


Bien sûr, le thème du deuil familial est bien présent dans cette sorte de road trip identitaire, mais il a quelque chose d'essentiel. Car Ozora a beau être meurtri, il se rend peu à peu compte que le voyage imposé par sa défunte mère n'est pas du tout anodin, et qu'il vise surtout à lui faire ouvrir les yeux sur d'autres cultures et sur lui-même. Une sorte de "cadeau d'adieu" pour l'épanouissement de son fils, qui, à travers la rencontre des amis étrangers de cette mère, passe aussi par quelques découvertes sur la vie de cette femme décédée.


Jamais larmoyant, le ton de la mangaka se veut très juste, avec une narration au plus près du personnage principal et de ses pensées, ce qui permet de cerner d'autant mieux ses ressentis négatifs ou plus positifs, montrant son côté imparfait et donc son humanité. Le dessin un peu tremblotant se veut très sensible, et offre quelques merveilles dans les expressions des personnages ou certaines parties d'expressions (un simple regard peut en dire long). Takachine propose aussi des décors assez soignés de Londres et de Paris, certains d'entre eux mettant très bien dans l'ambiance. Le tout est relevé avec des trames souvent bien dosées.


Entre road trip familial marqué par le deuil, quête d'identité pour aller de l'avant, et mise en avant de l'importance de partir à la découverte d'autres cultures et de ce que l'on connaît mal pour mieux élargir son horizon et se comprendre, Goodnight, I Love You... a tout pour développer un propos d'une pertinence rare, et se place comme une courte série suivre de très, très près.


L'édition française est impeccable, la mention spéciale revenant à la traduction d'Aurélien Estager qui est parfaitement dans le don, sensible et introspective juste comme il le faut. Le travail sur la jaquette est très plaisant, le papier est bien épais tout en restant souple, l'impression est excellente.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs