Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 09 Septembre 2024
Parmi les lancements remarqués de ces derniers temps, Gokurakugai est indéniablement un bon challenger. Première série de Yûto Sano, auteur connu jusque là pour quelques histoires courtes, le titre est proposé au Japon depuis 2022 dans la revue Jump SQ des éditions Shûeisha. À l'origine de l'œuvre, on trouve un one-shot publié en 2020 dans la même revue, et dont le petit succès aura valu une déclinaison au format série.
Ce sont les éditions Pika qui se sont emparées des droits de l'œuvre, pour une publication lancée en juin 2024. À ce jour, quatre tomes sont disponibles au Japon, tandis que le troisième atteindra nos librairies le mois prochain, à l'heure où ces lignes sont écrites. Avec en moyenne 9 mois de délais entre deux opus au Japon, le manga de Yûto Sano sera une lecture qui demandera de prendre son mal en patience. Alors, le résultat en vaut-il le coup ?
Au sein du quartier animé de Gokurakugai, il est un établissement très particulier : le bureau des résolutions. Tenue par Tao et son disciple, Alma, la maison a pour travail d'honorer les requêtes de quiconque paie la somme demandée. Une entreprise de service ordinaire à première vue, sauf que le bureau des investigations trempe dans des affaires qui ne le sont pas. Car la ville est en proie à la menace des Maga, des monstres tapis dans l'ombre. Pour les deux compères, ces créatures sont des ennemis à abattre, surtout pour Alma qui cache un lourd secret...
Un bureau d'enquête qui traine dans le surnaturel dans un quartier teinté de mystères, où le paranormal s'est frayé sa place et où il est question de monstres à abattre... Telle est la formule d'amorce de Gokurakugai, une proposition qui ne semble pas briller d'audace et d'originalité à première vue. Yûto Sano reprend plusieurs concepts bien connus et les associe pour donner le début de son récit phare pour un résultat finalement agréable. Car c'est bien par le mélange de ses ingrédients et la dose de style qu'apporte le mangaka à son œuvre que ce premier volume fonctionne. On reste pourtant dans une amorce classique dans laquelle plusieurs affaires indépendantes permettent à l'intrigue de poser ses valises et présenter ses premiers codes, de manière à nous familiariser avec l'histoire. Une première approche réussie de plusieurs manières, que ce soit par le rythme de ces scénarios, les histoires dramatiques contées, la vie donnée à cet environnement hors du commun, ou encore les interactions entre ses deux protagonistes.
Diamétralement opposés, Tao et Alma ne manquent pas d'allure et donnent l'envie d'en savoir plus sur eux. Alma nous apparaît rapidement comme sympathique grâce au secret qu'il nous dévoile, là où la charismatique Tao présente le charme du silence. Le binôme fonctionne dans les différentes situations narrées, tout en donnant l'envie de le voir être poussé plus loin.
En termes d'amorce, ce premier volume a beau être d'un classicisme imparable, il fonctionne plutôt bien dans ses ingrédients. Pour peu qu'on lui laisse le temps de se développer et qu'il parvienne progressivement à aller plus loin, il est tout à fait possible que le manga de Yûto Sano se serve de ces bases pour nourrir un projet ambitieux.
Mais là où le titre tire d'emblée son épingle du jeu, c'est bien dans le trait de son mangaka. Yûto Sano présente des cases fournies et un trait d'une superbe finesse pour une esthétique qui se contemple dès les premières pages. On sent le goût de l'artiste pour les designs marquant, et l'hybridité de ses personnages lui permet de varier les plaisirs et de montrer quelques protagonistes rapidement iconisés. Mais le plus appréciable vient des scènes d'action, visuellement fortes, sublimées par une composition audacieuse et des effets de mouvements qui donnent une vie indéniable aux différentes batailles. C'est là le point de Gokurakugai qui nous régale le plus, et le trait de son artiste suffit à nous pousser à aller plus loin. Car si le niveau de Yûto Sano est tel dès le premier volume, on ne peut que se réjouir du niveau qu'il aura atteint dans quelques années.
Alors, derrière un pitch assez classique et un univers qui sent le réchauffé, ce début de Gokurakugai se révèle plaisant par ses personnages aux caractères bien trempés, par ses quelques mystères plantés dans un scénario qui ne demande qu'à décoller, et par le dessin particulièrement soigné de Yûto Sano qui nous régale de ses compositions, dès que l'action entre en jeu. Rien de particulièrement surprenant pour le moment, mais la série est à surveiller tant elle a le potentiel pour bien se lancer.