Gloutons et Dragons Vol.1 - Actualité manga
Gloutons et Dragons Vol.1 - Manga

Gloutons et Dragons Vol.1 : Critiques

Dungeon Meshi

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 17 Mai 2017

Si vous suivez l'actualité japonaise, le nom de Dungeon Meshi vous dit peut-être quelque chose. Première série de plus d'un volume de Ryoko Kui, cette série a été très remarquée au Japon depuis le début de sa parution en 2014 dans le fameux magazine Harta d'Enterbrain. En plus de se classant dans les tops Oricon à chaque sortie d'un nouveau tome, l'oeuvre s'est distinguée dans quelques classements : 13ème meilleur manga dans le "Book of the Year" du magazine Da Vinci, premier au classement 2016 du Kono manga ga sukoi catégorie manga pour garçons, premier du top 15 des mangas recommandés en 2016 par le site Honyaclub (sélection réalisée auprès de 2000 libraires japonais)... Tout cela n'a pas manqué de titiller notre curiosité, d'autant que la série prend une voie originale en proposant un mélange de genres tout à fait inédit : prenez un manga culinaire comme le Japon aime tant en faire, mélangez avec un univers fantasy avec exploration de donjon, et saupoudrez de nombreux monstres qui se retrouvent cuisinés façon Toriko, mais avec un étonnant côté pointu. En nous proposant la série sous le titre Gloutons & Dragons, Sakka/Casterman a donc été bien inspiré, tant ce nom donne une bonne idée de ce qui nous attend, en plus d'être joliment référencé.

Tout commence par une défaite d'un groupe de 6 aventuriers dans le donjon face à un dragon. Leader du groupe, le chevalier Laios est sur le point de mal finir, lorsqu'il est sauvé par la magie de sa soeur Farynn qui se fait boulotter à sa place. Expulsé hors du donjon par un sort, le jeune homme retrouve vite deux autres de ses compagnons, l'elfe Marcyle et le voleur de l'espèce des halfelons Tylchak, et apprend par la même occasion qu'il a été lâché par deux autres. Malgré l'absence de préparation et de provisions, Laios décide d'immédiatement repartir à l'assaut du donjon, espérant retrouver le dragon avant que Farynn ait été digérée. Après tout, il s'agit quand même de sa soeur !... Mais peut-être bien que ce qui le motive encore plus, c'est l'idée de se nourrir des créatures parsemant le donjon, certaines d'entre elles lui faisant bien envie depuis un moment, au grand dam de Marcyl et de Tylchak qui le suivent malgré tout. Dans son envie de transformer certaines bébêtes en mets culinaire, Laios est repéré par Senshi, un explorateur nain parcourant le donjon depuis 10 ans pour parfaire ses connaissances en gastronomie monstrueuse. Choisissant d'accompagner le trio dans son aventure, le nain ne manquera jamais la moindre occasion d'apporter ses conseils et son savoir pour bien préparer les monstres... sans jamais négliger une cuisine variée et équilibrée !

Dès les premières pages, Ryoko Kui nous fait bien comprendre que son manga sera décalé : Laios a d'emblée des allures de bras cassé, et il y a de quoi s'amuser de le voir presque plus préoccupé par ce qu'il pourra manger dans le donjon que par le sauvetage de sa soeur qui attend tranquillement d'être digérée dans le ventre d'un dragon... Heureusement pour elle, la digestion de ces monstres est censée être lente !

Par la suite, le titre ne se dépareille jamais de cet humour un peu absurde, proposé sur un ton généralement très posé, et pour cela le titre peut se reposer sur quatre personnages principaux qui se complètement pas mal dans le facteur comique. On découvre en Laios un héros qui est donc assez décalé, et qui serait prêt à toutes les tentatives culinaires dans le donjon, quitte à parfois faire n'importe quoi et à risquer de s'empoisonner. Contraints de le suivre, Tylchak et Marcyle n'ont pas fini de se désespérer... Le garçon halfelon peut être assez tranchant et n'a pas sa langue dans sa poche, ce qui donne lieu à quelques répliques un peu cinglantes. Mais c'est surtout l'elfe qui nous amuse dans ce premier tome, car en plus d'être complètement horrifiée à l'idée de devoir bouffer des monstres qui ont l'air parfois bien cracras ou vénéneux, elle enchaine les petites bévues qui lui donnent l'impression d'être un gros boulet pour le reste de l'équipe ! Senshi, lui, amène la part d'expérience, au moins sur le plan culinaire, en mijotant astucieusement toutes les créatures qui lui passent sous la main : jamais effrayé par les bestioles, il ne pense qu'à les cuisiner !

Les autres vedettes du manga sont évidemment les monstres ! Qu'ils soient presque normaux comme les chauves-souris ou les plantes carnivores, classiques dans le registre fantasy comme les mandragores, les scorpions géants, les slimes ou les armures mouvantes, revisités de façon loufoque comme le basilic qui a une dégaine bien fun, ou ridiculement amusants comme les champignons ambulants, ils s'avèrent bien variés sur ce premier tome... mais tous pourraient avoir comme point commun de finir dans l'assiette de nos héros. Evidemment, cet aspect culinaire farfelu est lui aussi un bon prétexte pour l'humour décalé. Et pourtant, Ryoko Kui étonne par sa volonté d'être très pointilleuse dans la présentation de ses différentes recettes, dans le désir de Senshi d'offrir des repas équilibrés, dans certaines inventions comme séchoir à slime portatif, dans des informations comme la structure corporelle d'un slime, dans des détails comme l'importance de ne pas utiliser de magie pour cueillir les plantes, car ça ferait s'envoler les graines des plantes futures... En somme, c'est fichtrement bien construit, mine de rien. Si vous avez toujours rêvé de savoir comment faire un bon pot-au-feu de scorpion géant et de champignon ambulant relevé au slime séché, ou une tarte aux plantes mangeuses d'homme réussie, vous serez comblés.

Et l'intrigue dans tout ça ? Hé bien, elle est minime, très minime. La recherche du dragon ayant bouffé Farynn constitue un fil rouge très discret, et en dehors de cela il n'y a pas grand-chose d'autre à se mettre sous la dent (il y a bien l'évocation très rapide d'une légende selon laquelle le bestiaire du donjon protégerait un royaume doré enfoui). Dans Gloutons & Dragons (ou du moins dans ce premier tome), tout repose sur des chapitres indépendants où, à chaque fois, le petit groupe est amené à cuisiner de nouveaux monstres. Et seuls les deux derniers chapitres se détachent très, très légèrement, non seulement parce qu'ils proposent un récit un petit peu plus long, mais aussi, car ils amènent une nouvelle donne très discrète concernant l'épée de Laios. Reste à voir ce que Ryoko Kui en fera. Dans tous les cas, de par son format pour l'instant très épisodique où chaque chapitre se base sur un schéma à peu près similaire, Gloutons & Dragons est peut-être une série qui s'appréciera mieux en ne lisant pas tout d'une traite.

Le découpage de Kui est on ne peut plus académique, avec des cases généralement petites, droites et bien espacées. Cela offre à l'ensemble un côté assez posé et sobre, qui renforce plutôt bien le décalage avec l'humour de la série. Kui offre tout de même quelques cases moins rectangulaires, plus diagonales, lors des quelques très brefs moments plus animés. Le coup de crayon de l'artiste est efficace sans être bluffant : il est réussi dans la mesure où il sert bien le propos humoristique, notamment grâce à certaines dégaines de monstres (ils seraient presque choupis ces champignons ambulants), et aux expressions faciales des personnages (entre l'expressivité de Marcyle, les yeux tout ronds de Senshi, le côté décalé de Laios...).

Attendu avec beaucoup de curiosité, Gloutons & Dragons et une bonne surprise, pour le moins originale et qui a de quoi séduire, à condition d'adhérer à son humour décalé et à son schéma. A tester, dans tous les cas !

Sakka/Casterman livre une fort jolie édition. La jaquette française est fidèle à la japonaise, mais s'offre un logo-titre bien travaillé, et à l'intérieur on trouve un papier sans transparence, suffisamment épais et souple, ainsi qu'une bonne qualité d'impression. Le travail sur la traduction et l'incursion des onomatopées est convaincant, et Sébastien Ludmann offre une traduction bien inspirée, vivante et limpide.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs