Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 07 Mars 2025
Acclamée dans le monde entier pour sa belle saga The Ancient Magus Bride, sans doute la série la plus emblématique du catalogue des éditions Komikku en France, Koré Yamazaki fait son grand retour chez l'éditeur en ce mois de mars avec Ghost & Witch - La Quête du Divin... et il s'agit d'un retour en grandes pompes, s'il vous plaît ! Car pour marquer comme il se doit cet événement, Komikku organise une tournée de dédicaces française de l'autrice, tournée commençant aujourd'hui.
Dernière série en date de la mangaka, Ghost & Witch a été lancée au Japon en septembre 2021 sur le site Manga Door des éditions Mag Garden (où Yamazaki avait déjà proposé les spin-off de The Ancient Magus Bride), et compte deux volumes, à l'heure où ces lignes sont écrites, l'autrice prenant son temps dessus puisqu'en parallèle elle continue évidemment The Ancient Magus Bride.
Après l'Angleterre dans The Ancient Magus Bride, c'est en Irlande que cette nouvelle oeuvre nous immisce, à travers une jeune héroïne qui vient juste d'y arriver. Japonaise d'origine, la jeune Saku Yanagi a fui l'orphelinat où elle vivait et où elle était marginalisée, pour tenter de lever le voile sur l'étrange malédiction qui la frappe: elle est possédée par une sorte de serpent maléfique qui, régulièrement, tente de la pousser à commettre les pires actes sous le coup de la colère, chose qui lui a déjà joué bien des tours. Ayant appris que la chose qui est en elle est sûrement originaire d'Irlande, elle a pris son courage à deux mains pour effectuer seule un long voyage jusqu'à un recoin très reculé des terres irlandaises, où les histoires de fées et de sorcières sont encore vivaces, et où une soi-disant source miraculeuse pourrait peut-être l'aider car elle exaucerai n'importe quel voeu. Tombant sur place sur un bar/b&b tenu par une certaine Rosie et son employé Sullivan, elle ne sait pas encore qu'elle vient de faire là le premier pas dans un monde à la frontière entre la réalité et les légendes irlandaises...
Si Koré Yamazaki a choisi pour cadre de son histoire l'Irlande, ce n'est pas pour rien: dès la postface de ce premier volume, la mangaka avoue que la genèse de l'oeuvre provient du voyage qu'elle a eu l'occasion de faire dans ce beau pays il y a quelques années, voyage l'ayant profondément marquée au point de vouloir approfondir sa vision de cette île ayant encore un fort rapport à ses terres et à ses croyances d'autrefois. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'autrice séduit déjà très facilement dans sa représentation de ce qu'elle a retenu de l'Irlande: on la sent méticuleuse à la fois pour dessiner les paysages irlandais reculés (les murs de pierre, les bosquets, les prairies rocheuses, les maisons à toit de chaume...), pour dépeindre des premiers aspects de son bestiaire folklorique, et pour exploiter ses légendes autour des fées (qui ne sont pas forcément les mignonnes petites créatures que l'on a l'habitude de voir) ou encore de Saint-Patrick qui aurait autrefois chassé les serpents de l'île, ce dernier élément ayant intelligemment une place assez importante dans le récit.
C'est dans ce cadre assez captivant que l'on découvre petit à petit, en Saku, une héroïne qui devient très vite attachante, avec son côté déraciné (elle n'a pas de familles ni d'amis, était marginalisée à l'orphelinat à cause de son corps et de sa malédiction, ne connaît rien de ses origines, et part seule pour l'Irlande depuis le Japon) et la personnalité qui en résulte (elle est un peu dépitée, est solitaire, n'a pas vraiment de bonnes manières, manque de confiance en elle parfois...). Et en même temps, elle affiche d'ores et déjà une belle force de caractère en voulant changer et en souhaitant comprendre qui elle est... ou ce qu'elle est. Cela nous promet une quête d'identité attachante, d'autant plus que Yamazaki s'applique dès ce premier tome à installer certains concepts encore nébuleux et que l'on a hâte de voir se préciser, à l'image du "Réveil du Paganisme" ou de "l'Organisation". Qui plus est, la jeune fille bénéficie elle aussi d'un design soigné, que ce soit en humaine avec son regard perçant et à fleur de peau, ses cheveux débraillés et ses petites taches de rousseur, ou quand le serpent prend possessions d'elle pour la transformer.
C'est également au niveau de la relation à construire entre les personnages principaux que l'autrice capte facilement notre intérêt. Tout comme dans The Ancient Magus Bride, ce début d'histoire repose essentiellement sur la rencontre entre deux êtres biens différents, pas tout à fait humains, qui vont devoir en quelque sorte coopérer, peut-être s'apprivoiser et, qui sait, se prendre d'une affection mutuelle. Mais étant donné que Saku, jeune fille un peu écorchée vive, et Rosier, sorcière cliodnha aux allures pour l'instant un peu aigries et subissant a priori difficilement son immortalité, ont des caractères somme toute plus marqués que Chise et Elias dans la série-phare de la mangaka, on a déjà ici une saveur largement différente... ce qui n'empêchera pourtant par les deux oeuvres d'être subtilement connectées, puisque quelques détails laissent déjà comprendre qu'elles se déroulent dans le même univers.
Tout ceci contribue à nous offrir un premier volume particulièrement efficace. A la fois cri d'amour pour la culture traditionnelle/folklorique d'Irlande, récit surnaturel envoûtant dans son genre, et quête d'identité d'une héroïne de caractère qui devra découvrir le nouveau monde et les personnages auprès desquels elle évolue désormais, Ghost & Witch - La Quête du Divin séduit sans difficulté sur ces débuts.
Enfin, du côté de l'édition française, la copie proposée par Komikku est très honnête. A l'extérieur, la jaquette reprend fidèlement l'illustration de la version japonaise mais de manière plus complète (le haut est tronqué sur l'édition nippone), et adapte soigneusement le logo-titre. Et à l'intérieur, les quatre premières pages en couleurs sur papier glacé sont très appréciables, le papier est à la fois souple et assez opaque, l'impression est très bonne, la traduction effectuée par Melody Pages est claire, et le lettrage assuré par le Studio Charon est très convaincant.