Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 19 Mars 2024
Hiro Mashima est un véritable touche-à-tout, et un auteur qui ne s'arrête jamais de travailler. Cumulant parfois les séries en prépublication, comme c'est le cas actuellement avec Edens Zero et Dead Rock, l'artiste s'est aussi impliqué dans la conception vidéoludique assez récemment. C'est pour le jeu mobile Gate of Nightmares, développé par Square Enix et ouvert en octobre 2021, que Mashima s'est adonné aux designs des personnages et de l'univers du titre. Un projet plutôt ambitieux qui s'est vite vu décliné en un manga dont il est question ici.
Pour cette adaptation, Hiro Mashima n'endosse "que" le rôle de scénariste, puisque la mise en dessin a été confiée à Yoshinori Matsuoka, un ancien assistant de Hajime Isayama et de Yûsuke Nomura qui avait une petite poignée de titres à son actif jusqu'à présent. Peut-être est-ce son style assez proche de celui de Mashima qui lui a permis de dessiner la version manga de Gate of Nightmares, entre 2021 et 2022, pour la plateforme Magazine Pocket de la maison Kôdansha. La parution aura été brève, et cette adaptation ne dénombre que deux volumes. Néanmoins, puisqu'il s'agit d'un univers tiré de l'imagination du papa de Rave et de Fairy Tail, les fans de l'artiste ont de quoi être curieux à l'idée de découvrir ce court récit qui nous fait aussi découvrir Matsuoka dans nos contrées.
Dans un monde qui abrite des créatures nées des cauchemars des humains, les nightmares, des aventuriers sont en charge de neutraliser ces derniers. On les nomme les nightwalkers, et la jeune Emma en est une ! Alors qu'elle vient de rejoindre une petite guilde, elle fait la rencontre d'Azel, un jeune homme vagabond qui s'avère être un nightwalker particulièrement doué. Après avoir été sauvée par ce mystérieux garçon, Emma entreprend un bout de chemin à ses côtés, ce qui l'amènera à se confronter à son passé et à la disparition de sa sœur. Quant à Azel, l'aventurier semble cacher de nombreux secrets...
Dans ce premier tome se déploie un univers qui, disons-le, n'est pas particulièrement original. Hiro Mashima ayant énormément contribué à sa conception, on reconnait l"influence de titres cultes tels que Monster Hunter, sur lesquels l'auteur avait d'ailleurs travaillé auparavant. Pour un lecteur qui découvre l'univers de Gate of Nightmares par le biais du manga (chose très probable puisque le titre mobile n'est pas disponible chez nous), on se limite donc à ce monde aux allures d'ersatz. Sans surprises, non, ce qui ne voulait pas dire d'emblée que l'histoire contée allait être prévisible. Mais malheureusement, la trame contée par Mashima et Yoshinori Matsuoka n'est guère plus inspirée.
Les mimiques scénaristiques chères au papa de Rave et Fairy Tail reprennent donc vie par un duo formé par Emma et Azel, tous deux ayant leurs parts d'ombres, et tous deux étant accompagné par un nightmare attitré. Un schéma de confort propice pour ouvrir une aventure sans réelles limites, mais ce qui nous est proposé reste globalement assez sage et trop cadré pour quiconque connaît un peu les univers de l'auteur d'origine. Ainsi, des intrigues de héros d'autrefois, d'élites des nightwalkers et de sœur disparue garnissent cette première moitié d'œuvre. Moitié, oui, ce qui amène rapidement le doute sur la capacité qu'aura le manga à traiter convenablement tous ces enjeux.
Pour autant, on ne passe pas un mauvais moment à la lecture. Tout a beau être très classique et parfois prévisible, Mashima sait y faire pour créer des mondes et des personnages hauts en couleur, quand bien même on les a déjà vus 1000 fois dans ses mangas. Quant à Yoshinari Matsuoka, sa patte très proche de celle de Mashima (point qu'il a sans doute dû accentuer pour coller à l'esthétique du jeu d'origine) fait mouche par rapport à tous ces éléments. Sa mise en scène est parfois un peu trop sage, certes, mais il se dégage une petite vie de ses personnages, surtout lors des moments d'humour franchement bien grattés. Pour un jeune lecteur ou un inconditionnel du style Mashima, il y a donc des choses à apprécier dans ce premier volet.
Rien de bien innovant donc, tandis que le doute d'un récit complet s'installe rapidement, mais difficile de passer un mauvais moment pour autant. Malgré le manque de surprises, on se laisse porter par l'énergie du titre, et on devient curieux de voir comment cet ensemble se décline au format vidéoludique. Malheureusement, en l'absence de disponibilité du titre pour nous, seul le manga nous contentera.
Côté édition, Pika livre un travail convaincant, le format shônen s'accompagnant d'un papier de qualité standard et correct. Tandis que le Studio Charon nous offre une adaptation graphique solide, Angélique Mariet amène un texte français plein de vie, à l'image de l'univers et des personnages dépeints.