Gardiens du Louvre (les) - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 08 Octobre 2018

Paris. Un jeune dessinateur japonais est cloué au lit par la fièvre. Entre délires et guérison, il se relève pour accomplir l’objectif de son séjour : visiter le Louvre et les divers lieux d’art qui sont concentrés dans les environs. Toutefois, les visites prendront vite un tour inattendu…


Avec Les Gardiens du Louvre, Jirô Taniguchi nous égare autant que son héros est perturbé par le déroulement des événements. En bien… ou en mal. Si la narration est décousue et le scénario ne brille pas par son développement, c’est parce qu’il s’agit d’un livre à ne pas lire pour son histoire. On connaissait déjà la tendance de Taniguchi à intégrer des éléments fantastiques à ses récits pour en ressortir toute la poésie, qu’elle soit de la nature ou de l’homme : ici, il porte cette pratique à son extrême. Ce que Taniguchi propose, donc, n’est pas une lecture, mais une expérience. C’est une invitation à se laisser porter par les images et par la vision qu’il cherche à nous transmettre. Tous risquent de ne pas se laisser convaincre par celle-ci, certainement modifiée selon qu’on ait un jour visité le Louvre ou non.


Dans cet ouvrage contemplatif, on n’est pas là pour découvrir le Louvre, mais plutôt certaines de ses facettes cachées.


Face à l’envahissement des touristes dans les couloirs du musée, la contemplation des œuvres semble être passée au second plan et c’est ce que Taniguchi dénonce. Toute personne un minimum intéressée par une œuvre le sait bien : observer est quelque chose qui s’apprend. Il est impossible de comprendre un tableau ou son artiste en cinq minutes : des jours entiers d’observation sincère, au calme, ne suffiraient pas, mais est-ce bien notre but ? C’est cette démarche que Taniguchi choisit d’adopter, une démarche que le touriste habituel a perdue, pressé par la quantité d’œuvres à survoler (peut-on vraiment le blâmer ?). Nous voilà en pleine déambulation à travers œuvres et artistes et quelques-unes de leurs pérégrinations, qu’il s’agisse de leurs voyages intérieurs ou de déplacements réels entre la France et le Japon. Par la tranquillité de ces visites offertes par Taniguchi, les œuvres cherchent à regagner une partie de leur aura, de leur mystère. Ceci est la démarche de celui qui cherche à comprendre l’artiste admiré, un artiste s’étant construit par des lieux ou d’autres artistes, avant d’inspirer à son tour. C’est un pèlerinage que chacun peut mener discrètement, à sa manière.


Mais de toutes les facettes moins connues que le Louvre possède, Taniguchi finit par se concentrer sur l’une d’entre elles : le déplacement des œuvres du Louvre tout le long de la Seconde Guerre mondiale afin de les sauver du pillage. Ce chapitre, qui est le dernier si on ne compte pas l’épilogue, est aussi le plus prenant. En quelques pages, il parvient à nous faire ressentir toute l’urgence d’une époque tourmentée et la crainte qu’un tel pan du patrimoine humain ne disparaisse, saccagé par l’occupation, et le soulagement de sa préservation.


L’épilogue, quant à lui, nous laissera mi-figue, mi-raisin. Si, d’un côté, on sera heureux de prolonger de quelques pages cette visite du Louvre à la manière de Taniguchi, de l’autre, on s’interrogera  sur la pertinence d’une telle conclusion au récit, trop abrupte car peu ou pas anticipée, bien qu’elle justifie l’intégration du fantastique au récit tout en terminant sur une note poétique. Mais était-ce nécessaire ?


Ceux qui lisent Jirô Taniguchi pour son trait et ses magnifiques dessins de paysage seront comblés. Déjà, avec un Paris aux couleurs de Taniguchi -un Paris tel qu’on ne se l’était jamais représenté, avec l’architecture détaillée du Louvre ou bien avec des lieux et campagnes ayant inspiré des peintres célèbres. Mais aussi avec les variations de teintes et de techniques que Taniguchi utilise pour signifier le délire du héros lors de ses voyages à travers les tableaux et les époques. On pourra ainsi admirer la maîtrise de Taniguchi pour des styles et des ambiances un peu différents de ce à quoi il nous a habitués à travers ses différents titres. Seul regret : le peu d’œuvres revisitées entièrement et avec détail.


Cette première édition est magnifique. Grand format (32,5 x 23 cm), en couleur, papier blanc lisse de qualité…  Tout est fait pour se perdre dans l’admiration des différents détails et confirme mon impression : il ne s’agit pas là d’un livre à lire, mais à regarder. Si la présence de couleurs dans certains mangas peut se révéler accessoire ou même dérangeante, ici, c’est un plus indéniable. En fin d’ouvrage, on retrouvera une courte fiche sur cinq des personnalités citées dans l’histoire.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
SianaDIA
14 20
Note de la rédaction