Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 16 Avril 2025
Petit à petit, la jeune collection Le Renard Doré des éditions Rue de Sèvres continue de s'enrichir avec des mangas universels pouvant toucher autant les petits que les grands, et en ce mois d'avril c'est la série en quatre volumes Le Gardien des étoiles qui vient d'être lancée. De son nom original "Hoshi no Annainin" (littéralement "Le Guide des étoiles", le titre français étant donc assez proche), cette oeuvre a initialement été prépubliée au Japon entre 2013 et 2016 dans les pages du magazine Manga Times des éditions Hôbunsha. Elle fut la toute première série de la carrière d'Isuzu Uemura, une mangaka peu prolifique mais remarquée pour son dessin délicat et poétique, chose que le superbe jaquette fait déjà bien comprendre.
Cette oeuvre nous immisce dans un petit planétarium pas comme les autres, perdu au milieu de nulle part en campagne, et qui semble tenu par un vieil homme et un enfant prénommé Tokio. Passionné par le ciel, le vieillard a pris soin de bâtir de ses propres mains l'ensemble de cette modeste bâtisse joliment achalandée et garnie de bibelots ayant généralement un rapport avec l'astronomie. Et au fil des journées et des nuits, il accueille à bras ouverts les personnes qui viendraient voir le planétarium ou qui se seraient simplement égarées à proximité.
Chaque chapitre, ou presque, voit alors arriver un nouveau visiteur au planétarium, que la mangaka parvient très vite à nous présenter comme un joli lieu de rencontres, mais pas un lieu de rencontres comme les autres: les gens qui s'y égarent ont généralement un vague à l'âme, sont à une période de leur vie où ils doutent et peinent à avancer, qu'il s'agisse d'une coiffeuse dont la mentor et récemment décédée, d'un écrivain autrefois prometteur qui a tout perdu en se laissant trop aller, d'une lycéenne brimée parce qu'elle a osé dire ce qu'elle pensait, d'une famille prise dans l'infernale boucle des disputes... Bien sûr, tout ceci permet à l'autrice d'évoquer brièvement des thèmes assez universels comme le deuil, la peur de décevoir ou d'inquiéter ses proches, ou encore le harcèlement. Et cet aspect assez humain du récit touche dans la part de poésie et de douceur qu'Isuzu Uemura y immisce, précisément à travers l'observation du ciel qui aura souvent un effet réparateur sur les visiteurs. Comme le pense le vieillard, l'univers a effectivement beaucoup de choses à nous apprendre, et bien sûr la mangaka ne choisit jamais au hasard les étoiles, planètes ou événements (comme le passage de la comète Halley ou un étoile filante) qu'elle va aborder: non seulement chaque astre possède une certaine symbolique par rapport à la situation de chaque visiteur, mais en plus tout ça permet aussi de brefs petits cours d'astronomie facilement assimilables, un peu comme une première initiation.
Ainsi suit-on, sous un dessin expressif, paisible clair et doux que l'autrice réalise entièrement seule (à l'image de son personnage principal ayant construit lui-même son planétarium), cette tranche de vie où, bientôt, les visiteurs reviennent, se rencontrent, se recroisent, pour un lieu qui semble toujours plus vivant et bénéfique à chacun. Mais la mangaka ne s'arrête pas tout à fait à ça en distillant une sorte de petit fil rouge autour de Tokio, cet enfant si souvent présent au planétarium qu'on pourrait croire qu'il est le petit-fils du propriétaire alors que pas du tout. Alors, que fait-il là si souvent ? D'où vient-il ? Pourquoi apparaît-il si solitaire (il ne traîne jamais avec des gosses de son âge) ? Certains éléments de réponses sont d'ores et déjà soigneusement esquissés, principalement dans la dernière partie du tome, et tout naturellement on a envie d'en voir encore plus sur lui, sur son entourage et sur leurs futures évolutions.
A l'arrivée, avec ce premier tome Le Gardien des étoiles se présente comme une nouvelle jolie trouvaille de la part de l'éditeur. Poétique et humaine, cette tranche de vie a de quoi plaire facilement à tout public, et est en plus servie dans les habituels standards de qualité de cette collection: grand format, papier bien épais et opaque, très bonne impression, traduction très claire d'Anaïs Koechlin, lettrage soigné, et jaquette soigneusement adaptée de l'originale japonaise par Cerise Heurteur et l'éditeur.