Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 09 Octobre 2018
« On se reverra peut-être. S'il pleut »
The Garden of words est une adaptation du moyen métrage d'animation éponyme. Au scénario, on retrouve le réalisateur du film, Makoto Shinkai (Your name) et Midori Motohashi au dessin. C'est l'histoire de Takao, un élève de seconde qui a un rêve : fabriquer des chaussures. Tous les matins pluvieux, il sèche les cours et se rend dans un parc pour dessiner. Mais un jour, il trouve une femme un peu étrange, Yukino, assise à son endroit habituel... Une de ces rencontres qui changent une vie.
Takao est dans une situation familiale difficile. Pas de père, une mère le plus souvent absente, et un frère aîné sur le point de quitter la maison pour s'installer avec sa petite-amie. C'est un ado un peu perdu : il aimerait faire de sa passion un métier, mais il se heurte aux frais de l'école spécialisée et au regard des adultes autour de lui qui ne le prennent pas au sérieux. Pourtant il se donne à fond, prend un petit boulot pour payer ses fournitures. Lorsqu'il rencontre Yukino, il est troublé par cette femme qui lui récite le début d'un poème avant de s'en aller sous la pluie. Après ça, ils vont apprendre à se connaître petit à petit.
La force de ce manga vient surtout de ses personnages. Takao est un adolescent qui tente de trouver sa place. Yukino quand à elle est en pleine reconstruction. Harcelée par ses élèves, elle a arrêté de travailler et depuis s'est renfermée. Makoto Shinkai met en avant le fait qu'une seule personne peut nous aider à avancer, à changer. « Seulement les jours de pluie... j'avais l'impression de pouvoir marcher d'un pas léger ». La construction du récit est aussi très pertinente. Quand enfin les deux personnages se rencontrent à nouveau après avoir appris leur identité respective, il ne pleut pas : les masques sont tombés, la réalité a repris sa place. De plus, symboliquement, Takao donne la réponse au poème de Yukino, ce qui clôt ce « chapitre ». Leurs rapports ont évolué. La scène dans les escaliers est d'une grande intensité, presque violente après un récit très contemplatif. Ce changement de ton est comme un point de rupture avant la résolution.
La dessinatrice livre ici un travail de qualité notamment sur les trames et les décors du parc, ce qui renforce l'immersion, et contribue à cette ambiance si particulière, entre douceur, délicatesse et même sensualité. Elle nous laisse des indices subtils sur l'identité de Yukino, par des regards, l'écusson de Takao qui ressort légèrement sur un fond sombre. On notera aussi que ce manga est enrichi de quatre pages couleur au début, qui pour les trois premières représentent des passages emblématiques de l'histoire.
Un manga bouleversant, aux personnages attachants, à la hauteur du film.