Poème du Vent et des Arbres (Le) Vol.2 : Critiques

Kaze to Ki no Uta

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 23 Juillet 2025

Les premiers mois du jeune et innocent Serge Battour au sein de l'Institut Lacombrade, cette école ayant laissé tant de bons souvenirs à son défunt père, ont été très animés pour lui en bien comme en moins bien, entre les amitiés naissantes, les regards racistes de certains à cause de sa couleur de peau et de son statut de fils de gitane, et surtout la cohabitation avec le magnifique mais sulfureux et insaisissable Gilbert Cocteau, garçon d'une grande beauté qui est critiqué par tous pour ses moeurs légères, et dont beaucoup profitent pourtant pour passer du bon temps. Intrigué, et même fasciné par ce camarade de classe qui semble tantôt si provocateur tantôt si désespéré au point de se laisser mourir à petit feu, Serge aimerait parvenir à le pousser à se confier, souhaiterait pouvoir le comprendre. Mais c'est comme si Gilbert construisait en permanence une coquille autour de lui, au point d'encore profiter d'une altercation de Serge avec un certain Lilias pour essayer de le convaincre d'aller s"'installer dans une autre chambre.


Au bout d'un premier volume déjà captivant, éprouvant dans ses différents sujets parfois tabous et ravissant dans son travail graphique et narratif, Keiko Takemiya nous laissait avant tout sur le portrait d'une relation vraiment à-part entre Serge, l'enfant sage et pur, et Gilbert, l'enfant terrible et que certains qualifient de sale. Une relation tour à tour belle et sincère ou, au contraire, contrariée et difficile, principalement selon les changements d'humeur du beau blond. Inévitablement, ce rapport si particulièrement va perdurer et même encore se renforcer ici, au gré d'épreuves, révélations et rebondissements souvent terribles, mais avant d'en arriver là la mangaka nous offre toute une première partie de volume qui aurait presque des allures d'aparté si, à sa manière, elle ne voyait pas l'autrice aborder là aussi certains aspects de la vie étudiante via les examens et la hiérarchie qu'ils imposent selon les notes, et surtout certains angles de l'adolescence liés à la découverte de la sexualité et du désir. Sur ce dernier point, c'est tout le séjour de Serge dans la famille de son ami Pascal pendant les vacances de Noël qui est très parlant, car en plus de pouvoir mieux y découvrir le contexte paisible et animé dans lequel celui-ci a grandi, notre héros y aura ses premiers vrais contacts avec des filles, notamment via la figure de Patricia, jeune femme artiste qui ne manque aucunement de charisme avec son caractère bien trempé, son rapport à son propre corps et sa manière d'utiliser son art comme une forme d'émancipation (ce qui pouvait s'avérer bien utile une époque où la révolution industrielle pouvait parfois reléguer l'art au second plan).


C'est néanmoins la suite du volume qui nous happe le plus, car dès lors que Serge est de retour au pensionnat, il y retrouve un Gilbert totalement amorphe, amaigri, n'étant plus que l'ombre de lui-même, ce qui le pousse naturellement à s'inquiéter de plus belle et à s'interroger à la fois sur ses phases quasiment suicidaires et sur ses moeurs légères. Que recherche Gilbert à travers les étreintes et les provocations ? C'est là l'enjeu principal de toute la dernière partie du tome, au gré de l'entrée en scène d'Auguste Beau, cet oncle auquel il semble attaché bien plus que de raison, et des révélations qui vont pouvoir commencer à être faites sur cet homme manipulateur, utilisant sa renommée et sa richesse à des fins loin d'être rassurantes. On va soigneusement éviter d'en dire beaucoup plus là-dessus, mais on peut au moins dire qu'une chose est sûre: Takemiya mène tout ça avec maestria, que ce soit en jouant toujours sur la relation profondément complexe de Serge et de Gilbert, en continuant de briser les tabous (mêmes les plus éprouvants, comme l'inceste et la pédophilie) sans pour autant perdre sa part de lyrisme, ou en développant des personnages qui semblent souvent être les jouets de leur époque, y compris dans le cas d'Auguste qui apparaît comme un pur produit des normes d'alors, des normes encore imposées par les diktats de la haute société (hiérarchie sociale, poids de la fortune et du rang...) et par les préceptes religieux (condamnant l'homosexualité, entre autres).


Petit à petit, Keiko Takemiya parvient alors encore à étendre, derrière les silhouettes de ses jeunes héros malmenés, ses thématiques et son regard sans fards sur les dérives de cette société, pour un résultat qui fascine et interpelle de plus en plus. Après deux gros tomes, Le Poème du Vent et des Arbres n'a déjà aucunement volé son statut d'oeuvre majeure, pionnière et centrale de l'Histoire du manga, alors même que l'on pressent que les choses les plus fortes restent à venir.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17.5 20
Note de la rédaction