From End Vol.1 - Actualité manga
From End Vol.1 - Manga

From End Vol.1 : Critiques

From End

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 26 Juillet 2019

Rui Shinomiya est une jeune femme devenue enseignante en lycée depuis peu de temps. Belle, douce, gentille et attentive, elle est devenue en un rien de temps la coqueluche de pas mal d'élèves et de certains autres professeurs, dont Arai, un collègue qui la courtise de plus en plus. La demoiselle souhaite, plus que tout, bien veiller sur ses élèves, toujours les aider... mais parmi eux, il y a Rui Hayase, adolescent de 17 ans qui se montre toujours froid et solitaire. N'ayant aucun ami, ne se confiant à personne, rejetant violemment l'approche de Shinomiya en prétextant que personne ne peut le comprendre, il déstabilise un peu la jeune femme... et il va la déstabiliser encore plus quand celle-ci découvre avec effroi une photo qu'il a en sa possession. Une photo d'elle, quand elle était elle-même lycéenne, à une époque où elle était quotidiennement victime d'agressions sexuelles par son beau-père. Une photo qui fut prise par M. Sakurai, son enseignant de l'époque, un homme infâme qui en a profité pour la faire chanter et lui aussi abuser d'elle. Comment diable le jeune Hayase a-t-il pu se retrouver avec cette photo d'un passé horrible qu'elle préfèrerait effacer ? La réponse est simple: depuis la mort de sa mère, Hayase vit seul avec son beau-père, qui n'est autre que Sakurai. Et s'il montre un tempérament si solitaire et agressif, c'est parce que lui-même subit actuellement, jour après jour, le même type de viols que Shinomiya connaissait autrefois. Odieux jusqu'au bout, Sakurai décide alors de profiter de Hayase pour faire retomber Shinomiya entre ses mains et en refaire son jouet. Face à la situation, les coeurs des deux victimes se retrouvent alors unis, et ils sont bien décidés à gagner leur liberté et à retrouver le bonheur, quitte à commettre le pire...



From End est la toute première série publiée en France de Mitsuo Shimokitazawa, une mangaka qui exerce depuis la deuxième moitié des années 2000. Bouclée en 3 volumes, cette oeuvre dessinée de 2017 à début 2019 voit l'autrice aborder un sujet particulièrement délicat, encore plus pour un shôjo, à savoir le viol, les agressions sexuelles et leurs conséquences. L'éditeur nous promet un thriller psychologique dépassant l'entendement, et on a bien envie d'y croire en voyant que la série provient du magazine Cookie des éditions Shûeisha, un magazine qui sait généralement aborder avec réussite des sujets matures ou graves, des séries comme Nana, Puzzle ou Parapal nous l'ont bien prouvé. Mais au final, que donne ce premier volume ?


Hé bien, sur le plan psychologique promis, ce n'est en réalité pas bien folichon pour l'instant. Pas mauvais, mais pas folichon. Il y a bien quelques esquisses très prometteuses au début: le comportement solitaire et désabusé de Hayase qui est enfermé dans l'infernale spirale des agressions infligées par son beau-père, celui en premier lieu plus lumineux de Shinomiya qui a mis de côté le passé pour essayer de se relancer et d'atteindre liberté et bonheur en veillant sur ses élèves, sa soudaine rechute dès lors que la fameuse photo puis Sakurai réapparaissent devant elle, la manière dont ces deux victimes d'un même bourreau vont finir par se comprendre, se trouver et décider de s'unir pour essayer de se sortir de cet enfer... Mais après ça et le bouleversement arrivant un peu après la moitié du tome, c'est un côté thriller qui prend le dessus au détriment du côté psychologique, et celui-ci n'est que moyennement convaincant, à cause de plusieurs éléments qui ne parviennent pas à nous faire dire que le récit est crédible.


En premier lieu, il y a l'accumulation de petites facilités scénaristiques, des mauvaises coïncidences qui sont si nombreuses qu'au bout d'un moment elles bousillent la crédibilité. On pense en premier lieu aux rencontres fortuites avec Arai et la dénommée Michiru Watanuki dans la 2e moitié du volume, entre le premier qui croise comme par hasard nos héros dans un café quand il ne faut pas, la deuxième qui vient sonner à la porte pile quand il ne faut pas non plus puis qui a (oh ben ça alors) elle-même un lien étroit avec Arai...


Ensuite, il y a des éléments qui, pour l'instant manquent beaucoup trop d'explications. Il faut espérer que celles-ci arriveront plus tard, mais la mangaka devra être sacrément douée pour offrir une cohérence valable concernant la façon dont Sakurai a pu s'échapper de la baignoire ou même le coup du dictaphone en fin de tome qui est annoncé de façon plutôt absurde...


Enfin, ce sont les réactions des personnages qui, à plusieurs reprises, posent problème. A la limite, on peut accepter le côté exagéré et caricatural de Sakurai, qui est vraiment une saloperie détestable jusqu'au bout, même si clairement l'autrice en rajoute vraiment trop à certaines reprises (proposer à son fils qu'il a violé à répétition de violer avec lui sa prof, faut oser...). Par contre, certaines réactions des autres personnages peuvent agacer ou décontenancer un peu, en tête le fait que Shinomiya ait proposé à Sakurai de remplacer Hayase en tant que jouet, comme si elle n'avait pas déjà assez souffert et été traumatisée par le passé. Il y a forcément d'autres solutions... et parmi celles-ci, celle choisie par nos deux victimes n'est pas forcément la meilleure. Leur plan reste franchement très simpliste, mal préparé et donc forcément voué à connaître des complications. Et puis, difficile de ne pas attirer des soupçons quand tous deux réagissent comme ils le font face à Arai au café. On peut aussi signaler le cas de Michiru vers la fin de tome face à Hayase: très habile déductrice sur certains points, complètement débile sur d'autres.


Concernant les visuels, il y a des inégalités par moments au niveau des visages, mais dans l'ensemble c'est assez maîtrisé. La mangaka a notamment le mérite de ne pas se complaire dans les moments durs d'agressions sexuelles, tout en les évoquant tout de même de manière assez marquante. Elle montre très brièvement les choses, uniquement à quelques reprises et au détour de 2-3 cases sans rentrer dans les détails, juste assez pour nous faire cerner le choc et l'horreur de la situation et installer une atmosphère lourde et marquante.


Au bout de cette chronique, on donne peut-être l'impression d'avoir affaire à un mauvais récit, à force de se concentrer sur tous les petits détails qui ne convainquent pas, mais qu'on ne s'y trompe pas: From End a des atouts, des éléments intrigants et des thèmes qui peuvent vraiment devenir forts. Mais il faut simplement espérer que Mitsuo Shimokitazawa, sur les deux volumes suivants, saura justifier ou gommer les assez nombreuses petites limites qui empêchent son récit d'être vraiment crédible.


Un mot sur l'édition française, qui est marquée par un choix pouvant diviser: bien que la série soit un shôjo, Kana a choisi de la classer dans sa collection seinen "Big Kana". On constatera d'ailleurs que malgré cette classification française en seinen, la série conserve le petit format typique de l'éditeur pour ses shôjo. Ce choix a sans doute été motivé par le contenu difficile du titre... mais une énième fois, on pourra trouver dommage de chercher à effacer le fait que le genre shôjo aborde aussi très bien ce genre de sujets plus mûrs. Pour le reste, aucun souci d'édition: le papier est correct, l'impression aussi, et la traduction d'Aline Kukor s'avère très fluide.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
10.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs