Fleurs du mal (les) Vol.1 - Actualité manga
Fleurs du mal (les) Vol.1 - Manga

Fleurs du mal (les) Vol.1 : Critiques

Aku no Hana

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 27 Mars 2017

Critique 4


Ayant remporté un vif succès au Japon, tant pour le manga que pour son animé, le titre "Les fleurs du mal" arrive en France aux éditions Ki-oon, l'éditeur qui multiplie les nouveautés et les surprises, continue sur sa lancée avec une série attendue qui fera sans doute parler d'elle!

Takao est un lycéen introverti, n'ayant que peu d'amis, se réfugiant trop souvent dans ses innombrables lectures. Pourtant Takao est amoureux de la belle Saeki qui lui apparaît inaccessible.
Dans sa classe se trouve également la froide et dérangeante Sawa qui ne s'intéresse pas aux autres et n'a aucun respect pour ses professeurs, n'hésitant pas à leur répondre...
Un soir Takao trouve les affaires de Saeki que cette dernière a oublié dans la classe. Il se laisse bêtement aller à fouiller les affaires de la jeune fille réalisant qu'il va trop loin. Quand soudain un bruit le fait fuir, il se précipite vers la sortie prenant machinalement le sac de Saeki avec lui...
Le lendemain la jeune fille est en larmes et leur professeur demande à ce que les affaires soient restituées... Toute la classe évoque un pervers qui aurait volé les affaires... Takao est partagé entre la volonté de rendre à Saeki ce qu'il lui a subtilisé par accident et la crainte de passer pour un pervers et vivre ensuite un enfer dans sa classe...
Mais Sawa a assisté au larcin et décide de le faire chanter... Le jeune homme va alors devenir le jouet de la fille qui se dévoile totalement pervers; elle prendra un malin plaisir à humilier Takao qui ne sait comment sortir de cette situation!

Le titre de cette série n'est pas anodin, l'auteur reprend ici celui du recueil de Charles Baudelaire, déjà très controversé à l'époque pour son approche sombre et négative, se posant la question du mal-être de l'être humain, de l'attirance vers la mort...
Shuzo Oshimi nous confesse qu'il s’agit de son œuvre préférée et il l'introduit également dans son titre en en faisant le livre de chevet du pauvre Takao.
Ainsi un parallèle évident est à faire entre l'auteur et son personnage, il dépose beaucoup de lui même dans ce jeune garçon timide victime d'un odieux chantage. On n'ira pas jusqu'à dire qu'il s'agit d'un titre autobiographique, mais le fait que l'auteur se livre ainsi apporte un plus non négligeable au titre.

On découvre en premier lieu le personnage de Takao, et nombre de lecteurs pourraient s'identifier à ce lycéen timide n'arrivant pas à avouer à ses sentiments à sa jolie camarade de classe...mais rapidement le traitement qu'en fait l'auteur finit par le rendre presque détestable tant celui-ci se montre pitoyable, et ce avant même de se faire humilier par Sawa!
Les réactions de ce dernier, mais aussi des autres personnages sont tout de même assez étranges! Sentir les vêtements d'une fille qu'on aime...admettons...partir en courant en prenant des affaires qui traînent...c'est déjà plus stupide...et tout ne sera que réaction toujours plus poussive!
Ce titre aborde le harcèlement qu'on peut connaître dans sa jeunesse, il évoque le malaise de l'adolescence, la solitude qu'on peut éprouver, les échappatoires qu'on peut trouver...mais partir d'une petite culotte reniflée...on est vraiment là dans des délires Japano-Japonais qui éloignent les lecteurs "normaux" ne se sentant pas concernés par les délires pervers tournant autour des petites culottes des lycéennes!

L'approche est intéressante, les conséquences le sont également, les questions soulevées le sont bien entendu, cela évoque des tabous et donc une réflexion qui permettent aux lecteurs différents niveaux d'appréhensions, mais soyons honnêtes, le titre se veut très particulier, et cette approche pourrait stopper net nombre de lecteurs!

Et plus on avance dans le volume et plus on tombe dans ce genre de dérives: Takao a des réactions de plus en plus stupides, et alors que le titre se veut malsain, il est bien souvent ridicule, et au lieu de plaindre et de partager la souffrance du jeune homme, on finit par le trouver pathétique...
Le fait que Takao s'enfonce dans son malaise à de quoi agacer, on a envie de le secouer, de lui donner des coups de pieds au cul pour qu'il réagisse...

Le dessin est assez spécial lui aussi, les visages sont ronds et manquent parfois d'expressions, ils se ressemblent trop, mais l'auteur possède malgré tout une patte.

L'édition de Ki-oon est elle par contre sans faille, comme à leur habitude!

Nous avons là un premier tome intrigant avec une approche sur le malaise adolescent qui pose des questions, mais les délires pervers tournant autour des petites culottes touchent plus au pathétique propre aux Japonais et viennent casser et gâcher le fond qui aurait mérité un meilleur traitement!



Critique 3


Takao, jeune adolescent introverti, un brin fragile, et déstabilisé par un rien, passe son temps le bec dans les bouquins. Voilà une année qu’il se sait épris d’un sentiment : il appelle cela l’amour ; il n’a d’yeux que pour sa camarade de classe Nanako : la silhouette angélique, une bouille à croquer, et des pupilles rêveuses. Lorsque, par inadvertance, il vient à en croiser le regard, Takao n’est alors plus de ce monde. Il en deviendrait l’esclave de celle-ci que cela ne saurait point le déranger. Mais un tout autre asservissement va s’abattre sur le pauvre et un zeste faiblard Takao : elle portera, elle aussi, un nom ; en classe, elle occupe le bureau situé juste derrière lui, dans son dos...

Une maladresse regrettable source d’un mal-être pervers

La fin des cours a sonné, Takao emprunte le chemin qui mène chez ses parents. En route, il s’apercevra qu’il a omis d’emporter avec lui son recueil de poèmes fétiches : « Les Fleurs du Mal » de Charles Baudelaire, éminent écrivain français du dix-neuvième siècle. Il abandonnera ses amis pour retourner au collège. En classe, à même le sol, et pour ainsi dire oublié, gît une de ces vulgaires besaces de gym, mais pas si anodines que cela en ce qu’il s’agira ni plus du moins que de celle appartenant à sa muse secrète Nanako. La mine hagarde, Takao s’approche dudit sac et, sans trop ne savoir pourquoi, en extirpera quelques affaires : une douce odeur de savon s’en échappe ; dans les méninges de Takao, c’est la pagaille... Plein de sueur, le voilà en nage. Soudain, un bruit retentit dans les couloirs ; pris de panique, et dans une précipitation maladroite, il dissimulera les vêtements de la jeune fille sous son pull et prendra la fuite. Arrivé chez papa et maman, Takao réalise toute l’absurdité de ce qu’il vient de commettre, mais, d’une certaine manière, il ne sera déjà que trop tard... Takao n’aura de cesse de songer à tout avouer à Nanako, en vain. La faiblesse de son état d’esprit se voudra la cible facile des manipulations perverses d’une de ses autres camarades de classe : la dérangeante Sawa ; personne ne lui parle, elle effraie tout un chacun, et insulte qui bon lui semblera de vermine. Fille déviante, nocive et habitée par une vision biaisée de ce monde : bombe à retardement dont les agissements sont imprévisibles ; en règle générale, le meilleur précède le pire. Elle dit avoir tout vu et ne rien méconnaitre de ce que Takao a fait ce jour-là, et s’il venait à trahir leur « pacte », elle le dévoilerait au grand jour, aux yeux de tous : Takao devra tout lui dire de sa vie et de ses journées, sans réserve et sur simple sommation : tel est leur accord.

Esquisse mangaesque et contemporaine d’un regard baudelairien : spleen et surréalisme d’une adolescence nippone d’aujourd’hui

A l’instar de Sieur Baudelaire, le jeune Takao souffre de ce monde qui l’entoure et qu’il a tant de mal à appréhender ; le cœur empli d’un spleen orienté vers la beauté : une beauté nommée Nanako. Aussi, Takao est habité par une profonde tristesse, laquelle est grossie par les divers contrastes dont elle sera l’objet : coups tordus de Sawa qui n’est autre que ce mal incarné ; éclosion d’un amour dans la tourmente ; décalage entre le rêve et la réalité. Le protagoniste principal évolue dans cette étrange ville décrite comme à la fois vivante et mourante : sorte de prison mentale constitutive du cadre moral qui doit être dépassé. Ainsi se profile une figure de style du surréalisme lui-même : se projeter par-delà les murs de la cité pour penser au-delà des cadres préétablis. Si Takao va subir le calvaire et devenir la boniche éhontée de cette psychopathe sans-gêne, ce n’est pas seulement parce qu’il ne serait qu’un être chétif, mais aussi puisque, assez habilement, l’auteur va égrainer les faits successifs qui resserreront sur lui, et petit à petit, l’étau qu’il ne pourra plus retirer sans conséquence : Nanako sera profondément choquée par le vol dont elle fut victime ; le professeur fait quasi affaire personnelle de retrouver le coupable ; les élèves de classe pensent haut et fort que l’auteur des faits ne doit être qu’une sorte de dégoutant pervers sexuel ; Takao va se rendre complice de nouveaux actes peu glorieux et imposés par son étrange manutentionnaire ; et, surtout, ladite Nanako va, d’une façon plutôt surprenante, tomber amoureuse de Takao ;... La peur de perdre l’être aimé en lui dévoilant la vérité ne cessera de croître jusqu’à le murer davantage dans le mensonge, dans cette prison dont il doit s’extraire pour en dépasser le cadre moral susdit.

Un shonen loin des stéréotypes contemporains et des archétypes essoufflés

La psychologie des personnages est particulièrement maitrisée et portée par des textes soignés ; cela change de certaines mièvreries. La narration est d’une fluidité exemplaire. L’histoire débute de la façon la plus simple qui soit, sans introduction racoleuse comme certains autres auteurs s’y affaissent sans retenue, et pour ne pas dire trop d’entre eux. Le trait de Shuzo Oshimi se veut doux et très appréciable en sus de coller assez allègrement a cette adolescence scolaire, amoureuse et perturbée : le chara-design n’est pas mal du tout – notamment Nanako, qui est d’un charme rare – ; les décors sont plutôt cool ; certaines planches font mouche ;... Bref, difficile de ne point être emporté par cette touchante épopée aux allures de sinistre. Il est ressenti tout le travail d’un auteur hautement impliqué : les références à l’œuvre de Baudelaire sont les bienvenues ; certains personnages s’inspirent directement de personnes ayant parcouru la vie de Shuzo Oshimi ; aussi, la ville et quelques lieux de l’histoire ne sont ni plus moins que ceux de l’enfance dudit auteur. En dépit d’un postulat de base relativement classique, il est néanmoins livré, dans le contexte de l’adolescence, une vision singulière du sentiment amoureux par-delà la morale, où s’exprime la personnalité d’un mangaka qui n’aura rien à envier à ses confrères.

Une édition sobre et démocratique

La traduction est particulièrement bonne, le papier est agréable, tout autant que le format : le plaisir de lecture est présent. Les premières couvertures ont été colorisées, contrairement aux jaquettes nippones faites de noir et de blanc : l’effet final se veut d’un gout mitige. Enfin, le style graphique du titre et sa calligraphie, tels que décidés par Ki-Oon, laissent à désirer : loin de tout esthétisme ; comment peut-on concevoir quelque chose d’aussi laid ? Le prix est correct, mais l’ouvrage est imprimé en Italie – la politique des marges – tandis que d’autres font l’effort de ne point délocaliser l’impression et que le lecteur – lui – fera l’acquisition de celui-ci en France : chacun appréciera le niveau éthique de Ki-Oon : « ground zero » ? Enfin un shonen ! Un vrai. Depuis le temps... Et pas une de ces pseudos fioritures qui n’ont du suffixe « sho » que la catégorie qui aura bien voulu leur être prêté par méprise. D’ailleurs, il n’en aura fallu pas moins pour que Ki-Oon s’empresse, sur-le-champ et comme pour « Père et fils », de le rehausser dans son catalogue en catégorie seinen. De laquelle des manières ledit éditeur considère-t-il donc la structure mentale moyenne de son lectorat ? En tous les cas, et à ce stade, l’interdiction aux moins de quatorze ans est résolument injustifiée, voire inepte.

Un superbe tome introductif qui s’en vient polir un grand coup l’enseigne d’une maison shonen qui en a fort besoin

Dans le genre, et à ce stade, le surestimé – et gonflé par les masses à en devenir baudruche ? – « A Silent Voice » n’aura été que du Shuzo Oshimi à la sauce ketchup. Une lecture déstabilisante, intrigante et, parfois, éprouvante : oscillations constantes entre la beauté de moments simples et la cruauté de passages redoutés dont les premiers n’auront été que les cheval-de-Troie des seconds. Touchante retranscription nippone du spleen baudelairien au sein d’une adolescence noyée dans l’ivresse du sentiment amoureux. Ebauche de la beauté comme apparat du mal : « Les Fleurs du Mal ».



Critique 2

En ce début 2017, Ki-oon publie les deux premiers tomes d’une série qu’on n’espérait plus étant donné son potentiel commercial restreint : Les Fleurs du Mal. Derrière ce titre, qui fait forcément référence à l’ouvrage de Baudelaire, se cache une œuvre achevée en 11 volumes et qui bénéficia en 2013 d’une adaptation animée en 13 épisodes qui prit le choix risqué d’être réalisée en rotoscopie, ce qui lui valut d’ailleurs quelques critiques négatives après diffusion des premiers épisodes. Son auteur, nous le connaissons déjà grâce à l’éditeur Akata. Shuzo Oshimi est en effet à l’origine de L’Intimité de Marie, un récit trouvera sa fin, chez nous, en février prochain, mais qui fut publié au Japon après Les Fleurs du Mal. Place alors à cette série attendue avec une grande curiosité par beaucoup, une entrée pure au cœur de la frustration et du malsain…

Takao est un élève assez moyen, timide et trouve un refuge dans la lecture. Son œuvre fétiche ? Les Fleurs du Mal de Baudelaire, un recueil dans lequel il se réfugie dès que possible. Mais il reste un adolescent ordinaire qui, lui aussi, connait l’amour en la personne de Nanako qui n’a pas conscience des sentiments du jeune homme.
Takao s’apprête pourtant à vivre l’enfer. Lorsqu’il trouve les vêtements de sport de Nanako, oubliés par la demoiselle, dans la salle de classe après les cours, il ne peut s’empêcher de les palper et, sous le stress, de les emporter avec lui. Mais c’est sans compter que l’étrange Sawa l’a surpris et cette dernière, qui ne semble pas connaître les limites que lui impose la société, soumet un chantage cruel au héros. Gare à Takao s’il ne se plie pas aux ordres de Sawa, car si le vol des vêtements de Nanako se savait, le garçon serait un pervers aux yeux de tous…

En voilà un début d’œuvre atypique qu’est celui des Fleurs du Mal. Le titre de Shuzo Oshimi n’est évidemment pas une adaptation du récit de Baudelaire, mais il s’inspire de son étrangeté pour créer cette amorce de récit qui est pour le moins singulière. A partir d’une histoire assez bête de prime abord, celle d’un vol de vêtement, le mangaka parvient à créer un premier opus étonnant qui a le mérité de créer une ambiance particulière, aux frontières du malsain. Ceci à cause de la relation qui se tisse entre Takao et Sawa, cette dernière n’hésitant pas à faire du chantage au héros qui, connaissant bien les codes de la société dans lequel il évolue, ne pourra sortir indemne d’une réputation de pervers au sein de son établissement scolaire…

Les Fleurs du Mal, sur ce premier tome, utilise alors toutes ces coutumes, que même un lecteur occidental connait, pour créer un climat de tension étrange. Le jeu dangereux dans lequel Takao est embarqué se présente risqué, il est stupide à nos yeux de lecteurs français, mais représente une véritable descente en enfer pour le protagoniste. On est alors à la fois rebutés et captivés : le malsain de ce jeu dangereux provoque effectivement une certaine gêne à tourner les pages du récit, tout en maintenant notre envie de découvrir jusqu’où le lien particulier entre Takao et Sawa pourra les mener.

Graphiquement, le style de Shuzo Oshimi pourrait être qualifier de simpliste à première vue, voir manquant de panache. Pourtant, il se dégage une certaine élégance du dessin, l’auteur étant doué pour dessiner des personnages simples et crédibles sans artifices aucuns. Mais avant tout, c’est dans sa mise en scène que l’auteur faire quelques prouesses, les expressions des personnages et la construction de certaines cases aidant l’œuvre à créer cette impression de malaise qui se caractérise, à faire ressentir la gêne de l’opposition face à la société que représente la relation entre Takao et Sawa.

Du côté de l’édition, Ki-oon nous livre un volume qualitatif, comme nous les connaissons chez l’éditeur : papier épais, impression de qualité… on apprécie également la couverture faite d’un papier mât, donnant un bel aspect à l’opus. Enfin, la traduction de Thibaud Desbief est totalement convaincante tant elle fait ressortir l’âme et la force de ce premier tome.

A ce stade, nous en sommes clairement à la découverte et on ne peut pas bien s’imaginer comment évoluera la série dans son intégralité, mais l’auteur réussit le parti d’introduire une ambiance et un intérêt pour nous convaincre de savourer la suite. Et quelle chance, Ki-oon a justement publié les deux premiers volumes en simultanée, pour lancer la série !


Critique 1


Découvert en France en 2015 avec l'excellent Dans l'intimité de Marie paru aux éditions Akata, Shuzo Oshimi s'offre une deuxième incursion dans notre pays, cette fois-ci aux éditions Ki-oon et pas avec n'importe quelle oeuvre : très populaire durant sa publication au Japon dans le Shônen Magazine de Kôdansha (de 2009 à 2014), adapté en 2013 en une série animée qui a elle aussi acquis une certaine notoriété, également décliné en pièce de théâtre, Les Fleurs du Mal (Aku no Hana en japonais) est le manga qui a réellement fait connaître son auteur.

Ici, nous suivons Takao, collégien timide, s'ouvrant peu aux autres, dont les quelques amitiés semblent n'être que des façades, et préférant fuir son quotidien banal dans ses nombreuses lectures qui lui ouvrent les portes d'un univers moins étroit. Son principal fantasme : Nanako, Saeki, mignonne camarade de classe dont il est secrètement amoureux et qu'il se contente d'observer de loin. Sa crainte : la fille qui est assise juste derrière lui en classe, Sawa Nakamura, l'élément trouble et incontrôlable de la classe, posant sur le monde un regard méprisant, au point de mal considérer tout le monde et même d'insulter ses professeurs qui en sont presque effrayés.
Jusqu'à présent, ce quotidien moribond ne s'est jamais enrayé. Jusqu'à présent. Car un jour où Nanako oublie dans la salle de classe son sac de sport, Takao, seul, ne peut s'empêcher d'aller jeter un oeil à cet objet appartenant à celle qu'il aime, à en sortir les vêtements tels des objets de fantasme... avant de s'enfuir en courant, paniqué par ce qu'il est en train de faire, mais ne pouvant s'empêcher dans sa fuite de prendre le sac avec lui. Le lendemain, Takao se rend à l'école le coeur empli de regrets, d'autant que Nanako est en larmes face au vol de son sac. Mais il est bien trop timide et paniqué pour avouer quoi que ce soit, d'autant que cela lui collerait sans doute une étiquette de pervers auprès des autres.
Seulement, il y a un autre couac : Sawa Nakamura l'a vu voler le sac. Mais aucune crainte ni dégoût en elle, simplement un grand sourire, car elle est bien décidé à faire chanter Takao : s'il ne veut pas être dénoncé, le jeune garçon devra obéir à tous les ordre de son inquiétante camarade de classe.

Quand on commence la lecture du tome 1, le principal point pouvant gêner un peu concerne la grande facilité avec laquelle Takao se laisse dominer par Sawa : dès lors qu'elle affirme l'avoir vu et qu'elle pourrait le dénoncer, il se laisse faire, alors qu'il lui suffirait simplement de jeter le sac ou de nier les dires de Sawa vu qu'elle n'a pas de preuve concrète. Mais en réalité, cela traduit surtout toute la faiblesse de Takao, garçon timide, mal à l'aise, paniquant facilement et n'ayant sans doute pas l'esprit assez "normalisé" pour se demander comment s'en sortir sans heurts. Il a le type de caractère apte à se laisser dominer face à plus forte tête, et Sawa fait plus que quiconque partie de cette dernière catégorie.

Dès lors, s'installe une relation étrange entre Takao et Sawa tout au long du tome. Une relation où, pour l'instant, le jeune garçon doit surtout se contenter de rejoindre Sawa tous les soirs et de tout lui dire comme elle le lui a ordonné. Elle lui raconte alors ses histoires tordues, le force à effectuer des actes un brin malsains et bizarres (par exemple, enfiler la tenue de sport de Nanako), le gêne, et cherche tout bonnement à entretenir le parfum d'interdit du vol de Takao. Que lui veut cette jeune fille qui d'habitude se fiche des autres (pour elle, ils peuvent bien tous disparaître) ? Que représente-t-il pour elle ? Une aura à la fois malsaine, hors-norme et mystérieuse plane sur le personnage de Sawa pendant une grande partie de ce tome, et il faut attendre les toutes dernières pages pour avoir réellement une piste sur son objectif... Un objectif trouvant très bien écho dans la principale référence littéraire inscrite dans le manga.

En effet, si la série d'Oshimi se nomme Les Fleurs du Mal, c'est évidemment parce qu'elle est imprégnée de l'oeuvre éponyme de Charles Baudelaire. Un livre de chevet pour Takao, un livre que le mangaka avoue lui-même avoir lu avec passion au collège, un livre qui fut particulièrement controversé à l'époque de sa sortie pour sa manière de briser les tabous : spleen, masochisme, souffrance dans le monde d'en-bas, vanité humaine, dégoût de soi... son quelques-unes des thématiques de l'oeuvre de Baudelaire que l'on retrouve dans celle d'Oshimi. Et à l'instar du recueil français, l'histoire de Sawa et Takao semble vouée à briser les barrières de la norme, à dépasser les interdits. Comme dans l'oeuvre de Baudelaire, il y a ici un mélange de beauté, d'obscénité, d'interdit, mettant en avant la part de perversité qu'il y a en chacun à différents degrés, ce qui pousse alors à s'interroger sur la notion même de perversité... N'est-ce guère parfois qu'un simple moyen de se rassurer pour parler de comportements qui nous échappent ? Un passage du tome va parfaitement dans ce sens : quand il y a un problème de vol d'argent, la première qu'on accuse est Sawa, celle qui n'entre pas dans le moule, comme si on cherchait à repousser celle qui n'est pas "normale". Alors, on est encore ici dans un volume introductif, où certains lecteurs pourraient ne pas du tout accrocher à l'ambiance, mais cette perspective de développement s'annonce passionnante pour la suite, et le meilleur reste sans nul doute à venir.

Toutefois, il y a un autre point où les Fleurs du Mal s'annonce captivant : sa portée en partie autobiographique. Shûzô Oshimi ne cache pas du tout que Takao s'inspire de lui-même (par exemple, comme Takao, il lisait énormément pendant ses années de collège, et le recueil de Baudelaire était l'un de ses livres de chevet), et qu'il y a énormément d'autres inspirations : de  la ville où il a grandi dans la préfecture de Gunma, de son ancien collège, de ses anciens copains du collège, de la rivière coulant près de chez ses parents... sans oublier le personnage de Sawa lui-même, qui se base sur une personne réelle qui l'a déjà insulté de tous les noms (mais pour l'instant, n'en disons pas plus sur l'identité de la personne dont il s'inspire). Là-dessus, le mangaka n'est pas avare en petits bavardages entre les chapitres, et c'est très intéressant.

Visuellement, le trait d'Oshimi pourrait rebuter un peu pour ses problèmes de proportion qui sont pour l'instant loin d'être rares, ou pour des physiques qui paraissent parfois trop figé. En contrepartie, l'auteur soigne souvent son découpage et sa mise en scène pour offrir un récit fluide et portant bien l'atmosphère, et il est difficile de ne pas être marqué par Sawa et ses yeux perçants, à la fois inquiétants, fascinants et insondables. Les décors, inspirés de photos de la ville où l'auteur a grandi, sont de très bonne facture et contribuent beaucoup à l'immersion. Notons que, comme pour réellement faire surgir les "fleurs du mal", Oshimi dessine à quelques reprises ce qui sera un réel symbole de son manga : des fleurs noires avec un oeil. Présent sur la couverture de l'édition japonaise des Fleurs du Mal (le recueil de Baudelaire), ce motif provient d'une oeuvre du peintre français Odilon Redon qui a lui-même offert à travers elle une interprétation de l'oeuvre de Baudelaire. Il s'agit par ailleurs du peintre préféré d'Oshimi.

Ki-oon nous offre ici son petit format habituel pour ses séries shônen, même si l'éditeur a re-catégorisé la série en seinen en France. On note une jaquette française différente de la jaquette nippone, reprenant bien le dessin de Sawa mais en version colorisée, et en ajoutant en fond des fleurs de Rédon. A l'intérieur, c'est du tout bon : papier épais et assez souple, bonne qualité d'impression, traduction très soignée de Thibaud Desbief.


Critique 4 : L'avis du chroniqueur
Erkael

11 20
Critique 3 : L'avis du chroniqueur
Alphonse

16 20
Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Takato

15 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs