Enfer bleu Vol.1 - Actualité manga

Enfer bleu Vol.1 : Critiques

Ao no binetsu

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 11 Septembre 2013

Habituée des shôjo assez mâtures et un brin érotiques, la mangaka Chika Shiina débarque pour la première fois en France avec Enfer Bleu, une série en trois volumes présentée par l'éditeur comme étant plus accessible. Ce qui n'empêche absolument pas l'auteure d'aborder un sujet extrêmement délicat et grave.

Car tout commence par un viol. Celui de Mana, 13 ans, prise de force par son frère adoptif Kakeru. Deux années plus tard, le drame ne s'est pas effacé de sa mémoire, bien au contraire, puisque Kakeru continue de violenter la jeune fille, d'en faire sa chose, d'exercer toute son emprise sur elle sans que celle-ci ne puisse faire quoi que ce soit. Car crier au secours signifierait jeter le discrédit sur une famille aimante qui a eu la bonté de la recueillir quand ses parents sont morts. De plus, Kakeru paraît tellement bien sous tous rapports qu'elle se demande qui pourrait la croire. Dans l'impasse, Mana vit constamment un enfer, ne peut se libérer un peu qu'en allant pleurer dans la mer, mais est si désespérée qu'elle en est arrivée à souhaiter que demain n'arrive jamais... Jusqu'au jour où débarque dans son village insulaire Akihiro, un garçon de son âge, arrivé tout droit de Tokyo, qui la surprend dans l'eau et a le coup de foudre pour elle. Très vite, il propose à Mana de sortir avec lui. La jeune fille accepte, pense voir en ce nouveau venu le sauveur tant espéré, mais l'ombre de Kakeru n'est jamais loin, et menace de s'abattre à tout moment sur le jeune couple...

Que celles et ceux qui craindraient un récit à l'érotisme prononcé et de mauvais goût se rassurent : vous ne verrez rien de très concret, car la mangaka sait toujours s'arrêter au bon moment, ne présentant les nombreuses scènes délicates que de façon succincte, juste le temps de quelques cases et de façon éloignée, et en insistant plutôt sur les visages désespérés de son héroïne. Tout juste de quoi marquer le lecteur en profondeur, lui faire prendre conscience de l'horreur cloisonnée dans laquelle se trouve Mana, et créer une ambiance résolument malsaine. Ambiance qui contribue grandement à prendre Mana en pitié et à trembloter face à un Kakeru encore mis en avant par des expressions doucement inquiétantes et sournoises. Au milieu de cet enfer, les scènes où la jeune fille s'enfonce dans l'océan pour pleurer sonnent alors de façon très juste comme une échappatoire malheureusement trop courte. Côté mise en scène et ambiance, c'est donc franchement réussi. Le ton est dramatique, terrible, mais il y a un certain équilibre qui se met en place pour éviter à l'ensemble d'être beaucoup trop pesant. Et quand débarque sur les pages Akihiro, à la mine plus innocente et insouciante dans un premier temps, on ressent bien tout l'espoir que le jeune garçon représente pour Mana.

Mais malgré tout, de façon constante, la menace Kakeru est là, omniprésente, apparaissant à n'importe quel moment comme pour briser les brefs instants d'idylle et replonger Mana dans son enfer. Akihiro n'est pas dupe, aura une confirmation brutale de ce qui se passe... mais pourra-t-il changer les choses ? Rien n'est moins sûr, car en plus de ne pouvoir tout révéler sans jeter le discrédit sur la famille adoptive de Mana ou sur sa propre famille (pas sûr qu'on le croie, après tout...), il se rendra compte que la venue d'un tokyoïte dans ce village insulaire n'est pas forcément bien vue, que les rumeurs peuvent très vite courir sans qu'on ne puisse rien y faire, et que Kakeru sait habilement tromper son monde et se mettre les gens dans la poche, dusse-t-il dans la foulée manipuler une frêle amie d'enfance amoureuse de lui depuis toujours et prête à tout pour lui.

Il y a tout de même plusieurs petites choses à regretter, comme la rapidité de certains événements (Akihiro fait très vite sa déclaration à Mana) ou plusieurs étrangetés graphiques par moments (yeux beaucoup trop gros, trop écartés ou mal alignés, nez bizarrement dessinés, taille des jambes un peu disproportionnée...). Mais globalement, ce premier volume d'Enfer bleu, poignant et dramatique, met en place une histoire qui met mal à l'aise, et qui sonne terriblement juste dans la manière dont une spirale infernale se crée autour de Mana et Akihiro, les deux adolescents ne pouvant guère appeler au secours. Une solution, aussi désespérée et digne d'une romance d'aventure soit-elle, semble toutefois pointer dans les dernières pages, et on attend alors de voir ce que nous réserve la suite.


koiwai


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs