Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 16 Décembre 2024
Le père de Sachi est de retour au bercail, et ce dernier n'accueille pas la grossesse de sa fille avec enthousiasme, loin de là. Un soir, l'adolescente se retrouve enfermée, hors de chez elle, en plein froid hivernal. Heureusement pour elle, Takara était de passage à ce moment-là. Face à la faiblesse physique de sa petite amie et étant donné ses choix, le garçon se montre incompréhensif, et une première dispute entre les deux futurs parents éclate...
Aussi instructif sur le système japonais de la grossesse et de la maternité tout en étant poignant, équilibré et intime, le récit d'Aoi Mamoru flirte avec le sans faute depuis son départ. Mais avec ce cinquième volume, la mangaka nous chamboule davantage grâce à des éléments nouveaux, percutants, tout en confirmant les acquis de son œuvre.
C'est notamment du côté de Sachi et de Takara que cette suite vient immédiatement se saisir de nous. Jusqu'ici, le jeune couple, candide et maladroit, restait sur une alliance complice et sereine, ce qui pouvait être perçu comme peut-être trop idéaliste pour de jeunes gens de cet âge. Le tome se fait davantage crédible dans sa première partie, abordant pour la première fois une querelle au sein du couple, via des incompréhensions mutuelles que la mangaka calibre avec la justesse qu'on lui connaît. Une dispute où les arguments fusent des deux côtés, mais qui permet aussi de remettre les choses à plat pour permettre aux protagonistes d'avancer et de se retrouver, sans jamais renier leurs liens puissants. Le développement est d'autant plus puissant que Aoi Mamoru en profite pour pointer du doigt la société patriarcale et la codification absurde des mœurs liées aux genres, via un moment fusionnel et poignant tant dans le texte que dans la narration. Dans ce récit qui sonne parfois injuste, la séquence est possiblement l'une des plus fortes jusqu'à présent.
"Injuste" est d'ailleurs le maître mot de la deuxième partie du tome qui revient à des éléments amorcés par l'opus précédent. Enceinte, Sachi veut tout de même achever sa scolarité lycéenne et en sortir diplômée. Un choix qui n'appartient qu'à elle, mais qui se heurt à une hiérarchie du corps enseignant parfois plus intéressée par le prestige fallacieux de l'établissement que le bien-être des élèves. Une direction toutefois nuancée, par des points de vue qui évoluent et qui finissent par trouver un équilibre et une humanité... tandis que d'autres drames se mettent en place du côté des élèves. Le harcèlement scolaire est un thème récurrent dans les récits de vie collégienne ou lycéenne, et il est particulièrement important tant le phénomène est universel et doit alerter chacun d'entre nous. La mangaka en fait ici un élément particulièrement révoltant par les proportions qu'il prend, ajoutant une épreuve supplémentaire sur les épaules de Sachi et de Takara, tout en annonçant malheureusement une ampleur supplémentaire à venir. Si la thématique est déjà vue, elle prend une tonalité toute particulière étant donné le contexte de la série et sachant que Sachi mène un vrai combat de tous les instants pour sa liberté et celle de son futur enfant.
Vous l'aurez compris, "L'enfant en moi" progresse tant dans sa trame principale (le grossesse de l'héroïne) que dans ses sujets qui se renouvellent au même titre que les interactions. Toujours instructif et souvent puissant émotionnellement, le manga de Aoi Mamoru est une lecture qui s'impose comme indispensable étant donné la variété de sujets traités et la manière dont ils sont décortiqués.