En proie au silence Vol.5 - Actualité manga
En proie au silence Vol.5 - Manga

En proie au silence Vol.5 : Critiques

Sensei no Shiroi Uso

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 02 Février 2021

Chronique 2 :

« Pourquoi... Vous pensez ne pas pouvoir être heureuse ? »
La question de Niizuma traduit tous les troubles qui traversent Misuzu, meurtrie par le viol qu'elle a subi par Hayafuji. Pourtant, elle sent que ses sentiments envers son élève évoluent, aussi elle accepte un baiser de celui-ci. Chez les deux individus, un tourment d'émotions et de questionnements les traversent. Le lycéen en vient à s'interroger sur ses sentiments et sa libido, en venant même à profiter de moments intimes avec une parfaite inconnue.
Un tumulte qui résonne dans l'entourage de chacun des personnages. Car en parallèle, Hayafuji ne semble pas assumer la nouvelle vie portée par sa fiancée qui craint la fausse-couche, tandis que Reina continue de mener le jeu à sa guise, du moins pour le moment...

Depuis son tout départ, la série d'Akane Torikai narre le quotidien d'une poignée de personnages rongés par les doutes, tous plus ou moins liés à l'état de la société, le patriarcat régnant, le sexisme ordinaire, voire purement l'adolescence. Et avec ce cinquième tome, synthétiser En proie au silence à ce pitch n'aura jamais été aussi vrai, dans l'opus s'intéresse à tous les tourments des protagonistes, amenant une véritable spirale dramatique qui remet en cause bien des aspects de notre réalité.

Misuzu et Niizuma, son élève, restent évidemment aux premières loges de ce théâtre épineux, chacun se questionnant sur son rapport à l'autre, tout le long du tome. L'autrice développe une réelle romance entre les deux personnages, mais une relation qui ne pourrait se limiter à un amour simple et lisse. N'est-ce là qu'un attachement éphémère ? Une réaction aux doutes qu'éprouve chacun des deux personnages ? Tout le lien entre la professeure et son élève est d'une réelle subtilité d'écriture tant il évolue avec beaucoup d'humanité, ce qui implique une certaine complexité. Si bien des tranches de vie aux élans romantiques cherchent, entre autre, à faire rêver, la relation présence nous questionne sans cesse comme elle interroge ses personnages, en traitant les dilemmes de chacun, et même en inversant les rôles sur la phase finale du tome, un climax qui atteste avec finesse l'évolution de la protagoniste de l'oeuvre. Aurait-elle été sauvée par son élève ? En tout cas, c'est à elle de lui apporté une aide.

Et ce cinquième tome ne se limite pas aux deux têtes d'affiche, comme nous l'avons évoqué. Les trois autres personnages majeurs que sont l'odieux Hayafuji, la naïve Minako et la solitaire Reina voient leurs chemins évoluer, via des remises en questions permanentes de leur entourage. Il en résulte une réelle dynamique de personnages, à tout les instants, qui donne au titre une intensité toute particulière. Parfois, ce sont les évolutions proposées qui surprennent véritablement, comme celle de Hayafuji dont la parole se délie au fil des tomes. Oh, l'homme reste une ordure de première, et il ne pourrait en être autrement. Mais par la mise en parole de ses pensées sur la gente féminine, l'autrice traduit avec pertinence certains maux de notre société, tout en rendant le personnage peut-être plus monstrueux qu'il ne l'était déjà. Un monstre... Mais paradoxalement un humain vicieux construit par le sexisme ordinaire.

Encore une fois, Akane Torikai frappe fort avec ce cinquième tome. Si le chemin des personnages progresse, leurs introspections restent saisissantes tant elles les font évoluer avec pertinence, tout en étayant le propos sociétal si cher à la mangaka. Il ne reste que trois tomes avant la conclusion de l'histoire, tant de volumes qu'on espère aussi forts que le présent opus.


Chronique 1 :

Après tout ce qu'elle a subie, Misuzu a-t-elle encore une chance de se rendre heureuse ? Elle qui a souvent dit que non, elle est désormais en plein doute depuis que Niizuma lui a déclaré ses sentiments, qui semblent sincères. D'un côté, la jeune enseignante vit toujours les actes impardonnables de Hayafuji comme un traumatisme dont elle ne pourra jamais guérir vraiment. Mais de l'autre, elle sent bien qu'elle est de plus en plus attirée par Niizuma, et son corps lui envoie clairement des signes... Pourtant, Niizuma est lui-même tourmenté: son désir d'être avec Misuzu et de l'extirper de sa situation est bien là, alors pourquoi son corps à lui refuse-t-il justement de lui transmettre certains signaux ? Pour essayer d'en savoir plus, Wadajima lui fait une bien surprenante recommandation: tester son corps avec une autre fille, qu'il n'aime pas, contre de l'argent...

Ce cinquième volume d'En proie au silence nous fait entamer la deuxième moitié de la série, et le fait avec force tant Akane Torikai a encore des choses à dire, en premier lieu sur les troubles de Misuzu et de Niizuma concernant leurs sentiments et la réponse que leur corps donne à ceux-ci. D'un côté, on a une Misuzu qui essaie de s'ouvrir un peu, de se confier sur les sentiments incertains qu'elle commence à ressentir. De l'autre, on a un Niizuma qui, sur les conseils de Wadajima, prend une autre voie pour essayer de faire le point sur lui-même quitte à le regretter ensuite... Dans ses doutes, ses propres traumatismes, les regrets qu'il a en se pliant à certaines choses immorales mais dont nombre de personnes ne s'offusquent par dans la société patriarcale, Niizuma reste vraiment un personnage intéressant, surtout à côté de nombre d'autres visages masculins qui, eux, continuent de véhiculer bien des tares masculines. On pense au regard masculin sur des filles comme Yuki, ou encore à Wadajima et son idée bien masculine de délivrer la faible femme en détresse Misakana, ce qui nous permet d'en venir au fait que, bien sûr, Torikai est à nouveau très loin de s'intéresser uniquement à Misuzu et Niijima, et continue de véhiculer beaucoup de choses via ses autres personnages...

"On vous traite comme des moins-que-rien et vous, vous attendez que ça passe en riant bêtement ? Ca vous rend heureuses, ça ?"

L'une des marques de fabrique du manga de Torikai est sans nul doute son cynisme, un cynisme cherchant surtout à remuer en profondeur ses lectrices (et ses lecteurs, aussi), et peut-être en a-t-on l'un des exemples les plus marquants et déstabilisants ici, dans la mesure où cette phrase, au fond pourtant très juste, est dite par la pire des ordures, Hayafuji, et clairement pas pour les bonnes raisons. Dans cette société patriarcale, Hayafuji est de ceux qui ont pleinement conscience de leur pouvoir néfaste sur les femmes, mais qui n'hésitent pas à s'en servir car a priori rien ne peut les toucher. Ainsi, s'il dit cela, c'est pour mieux manipuler Reina qui refuse de voir la réalité en face, et qui est alors poussée à commettre une chose qui fait d'ores et déjà froid dans le dos...

En parallèle, on alors très peur pour un autre personnage, Minako. Enceinte, heureuse à l'idée de fonder son idéal familial (enfin, est-ce son idéal, ou celui imposé par la société ?), elle jure déjà de tout faire pour le bonheur de son couple et de son futur enfant, se persuade même que si Hayafuji est si rarement c'est parce qu'il fait des efforts au travail pour elle et le bébé... Si seulement elle connaissait la vérité. Mais cette vérité, peut-être est-il désormais bien trop tard pour la révéler sans risquer de briser totalement la jeune femme. Preuve que, même s'il est dur de ce frotter à des réalités pareilles, il ne faut vraiment pas faire comme Misuzu et s'enferme si longtemps dans le silence.

Et bien sûr, les autres personnages ne sont pas en reste, en particulier Misakana, entre le début de tome où elle doit se frotter à un camarade de classe qui essaie de la faire chanter, et une fin de volume malaisante à souhait... Dans tous les cas, Akane Torikai frappe toujours aussi fort, avec un cynisme qui fait autant mouche que ses textes où aucun mot ne semble dit au hasard (parler de "fournir une fille" comme si c'était une marchandise...). La mangaka continue de remuer, avec toujours plus de puissance, son lectorat, en nous confrontant à la violence permanente que la société peut montrer envers les femmes, pour un résultat qui nous fait aller ici de mal en pis... ce qui assure un récit-choc toujours aussi brillant.
  

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Takato

16.5 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction