Eclat(s) d'âme Vol.1 - Actualité manga
Eclat(s) d'âme Vol.1 - Manga

Eclat(s) d'âme Vol.1 : Critiques

Shimanami Tasogare

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 23 Février 2018

Critique 2


Onomichi, une ville de la préfecture de Hiroshima, partagée entre mer et montagne et dont la population s'étiole. C'est là que, depuis quelques mois, vit Tasuku Kaname, un lycéen discret, mais membre du club de ping pong et qui s'est fait quelques amis. Une vie adolescente tout à fait ordinaire... jusqu'à ce jour où, pour rire, des camarades de classe prennent son smartphone et découvrent qu'il regarde des vidéos porno gay. Dès lors, ça commence à jaser, la rumeur se répand rapidement, et Tasuku déjà désemparé par la peur de voir sa vie se briser songe à se suicider. Mais au moment de sauter à sauter dans le vide, il aperçoit au loin, une autre silhouette qui s'apprête à sauter elle aussi, et qui s'exécute. Paniqué, le jeune garçon se précipite sur les lieux, pour découvrir que la femme qu'il a vu sauter est toujours en vie, et qu'elle est en quelque sorte l'hôte d'une étrange résidence nommée "salon de discussion". Là se croisent diverses personnes qui y viennent quand elles en ont envie pour échanger entre elles, pour évacuer leur ressenti sans être jugé par personne, et dont le seul point commun est d'être toutes LGBT. Invité par la mystérieuse hôte à revenir quand il veut, l'adolescent va aller de rencontre en rencontre, et chacune d'elles risque de changer son existence...


Il y a encore énormément à faire pour la bonne compréhension et l'acceptation de la communauté LGBT en société, et les éditions Akata l'ont bien compris. Après le magnifique Mari de mon frère, l'éditeur remet le couvert avec une autre série abordant le sujet, et une nouvelle fois c'est un(e) mangaka très concerné(e) qui se cache derrière. Déjà connu(e) en France pour le très sympathique Nabari, Yûki Kamatani est né(e) femme, mais ne cache désormais plus être X-gender.


Le récit commence vite et bien, dans la mesure où tout est bien posé dès les premières pages. On cerne d'emblée tout le mal-être qui peut s'emparer de Tasuku, qui souffre profondément d'être outé (pour ceux qui ne connaissent pas encore le mot, c'est quand l'homosexualité d'une personne est révélée publiquement par un tiers, avant même que le ou la principal(e) concerné(e) n'ait pu faire son coming autour soi-même). Dès lors que ses vidéos porno gay sont remarquées, sa crainte de voir sa vie brisée monte en flèche, ce qui, en soi, est déjà un signe qu'il reste beaucoup à faire pour l'acceptation des LGBT par tous. Mais surtout, Kamatani interpelle brillamment sur l'horreur que peut être outing, une chose que ceux qui en sont responsables n'ont pas forcément toujours conscience, car ils la comprennent mal. Les camarades de classe de Tasuku se mettent à en discuter y compris devant lui, autour de lui, mais en parlent comme un sujet de distraction pendant qu'il souffre, en plaisantant... Idem au club de ping pong où son ami Tachibana, un garçon pourtant gentil, est persuadé que la rumeur est fausse, mais se met à sortir des blagues douteuses... Tous ces gens ne se pensent pas forcément homophobes, pourtant tout ce qu'ils disent et font l'est, mais ils n'en ont pas toujours conscience. Et rien que pour ça, la série mérite déjà d'être conseillée à ce type de personnes, tant Kamatani adopte un ton qui pourrait permettre de mieux comprendre.


Au-delà de ça, les principaux développements se font autour du salon de discussion, safe space où chacun peut aller, venir et s'exprimer librement sans aucun jugement, mais en trouvant parfois oreille attentive, car Tasuku remarquera bien que toutes les personnes présentes sont "comme lui". On croise déjà pas mal de visages intrigants et que l'on a facilement envie de connaître, on suit certains dans leurs activités bénéfiques (par exemple, l'association pour réhabiliter les maisons vides)... et parmi ceux-ci, le pus intéressant du premier tome est sûrement Daichi, une femme homosexuelle vivant avec sa copine (qu'elle rêve de pouvoir appeler un jour sa "femme"), qui fait au jeune garçon son coming out le plus naturellement du monde, et dont on découvre le parcours, le passé et le présent familial pas forcément aussi idéaux que son sourire pourrait le laisser penser. Seulement, Daichi a su faire le choix d'être elle-même, et cela pourrait avoir un impact important sur Tasuku, qui a tout simplement peur d'être lui aussi "lui-même"... Pourtant, quel mal y aurait-il à ça ?


Kamatani trouve toujours le bon ton, sensible sans être alarmant, porté sur la compréhension, sur la communication et sur l'évolution de Tasuku et des autres. Mais à cela, l'artiste ajoute une étonnante pointe de fantastique, autour d'un seul être, l'hôte. Personne ne connaît le nom de cette femme, elle semble arriver un peu comme par magie parfois devant Tasuku, elle s'envole dans le vide pour disparaître et réapparaître plus tard, et offre un lieu de discussion aux autres sans rien demander au point qu'on la pense parfois cinglée... Kamatani enveloppe son personnage dans une aura d'étrangeté et de mystère assez captivante, on attend alors impatiemment de savoir ce que l'hôte représente.


Visuellement, Kamatani avait déjà un beau style dans Nabari, mais fait ici de véritables merveilles plus d'une fois. Déjà, l'artiste cherche à tirer le meilleur de la ville prise pour cadre, Onomichi, dont on découvre de très nombreuses vues et sur laquelle on apprend certaines choses, ce qui ancre bien le récit dans la réalité. Mais en plus, il y a de très nombreux partis pris séduisants. On peut noter le soin accordé aux visages et à certains regards et plans rapprochés, certaines métaphores visuelles superbes (comme quand ça "craque" en Tasuku vers la fin du tome), des éléments symboliques (briser le mur, autant de la maison que de ce qu'on est réellement), quelques jeux sur les perspectives (par exemple, les perspectives courbées quand Tasuku entre dans la salle de classe et qu'on l'accueille par un "salut, le pédé", ce qui montre bien que sa "réalité idéale" se tord), de nombreux angles de vue sublimes (par exemple, quand l'intérieur du salon de discussion est vu pour la première fois, depuis les poutres du plafond, ce qui pose un cadre à la fois à la fois familier par son aspect restreint, et atypique dans ses objets), ou très intelligents dans leur symbolique (on pense à la vue de dessus sur Daichi quand elle mange avec ses parents, une vue qui montre qu'elle est accablée par le poids des paroles de son père), au champs-contrechamps quand tous les regards se posent sur Tasuku après qu'il a crié "fermez-là" en classe... Kamatani démontre une vraie science de la mise en scène, qui n'est pas là uniquement pour faire belle, tant de nombreux choix visuels ont un sens. C'est très beau, et véritablement artistique.


On n'en est encore qu'à une phase d'introduction, mais il y a déjà de belles avancées, des réflexions et portraits très intelligents, toute une patte visuelle qui est déjà bluffante par son ton capable d'être réaliste, poétique ou un brin fantastique... Eclat(s) d'âme a tout d'une future grande série, et aura toute notre attention sur la longueur.


Les éditions Akata livrent une excellente copie, portée par la traduction sans fausse note, crédible et sensible sans en faire trop, que l'on doit à Aurélien Estager. Le travail sur les onomatopées est très soigné, le papier et l'impression sont d'excellente qualité, la première page en couleurs constitue toujours un petit plus sympathique... Rien à redire.


Critique 1


Ça faisait longtemps que nous n'avions pas lu, en France, une œuvre de Yûki Kamatani. Le mangaka s'est fait découvrir pour la première fois en France avec Nabari en 2009, titre ayant une certaine réputation, qui s'est terminé après 14 tomes, en 2011 chez nous. Depuis, plus rien, l'auteur a pourtant une activité au Japon. C'est donc Akata qui nous permet de renouer avec Yûki Kamatani avec un titre très différent du précédent. Avec Eclat(s) d'Âme, l'auteur nous propose une œuvre assez personnelle, ayant pour sujet l'homosexualité et le coming-out. Personnelle puisque le mangaka, né femme, se considère aujourd'hui comme non binaire, autrement dit n'étant pas en accord avec l'idée d'appartenance aux genres homme ou femme, préférant une autre appartenance. Une idée qui n'est finalement pas inédite avec l'auteur, le personnage de Yoite de Nabari incarnait déjà cette identification, à l'époque.


Publié dans le magazine Hibana des éditions Shôgakukan, Éclat(s) d'Âme compte actuellement trois tomes au Japon, la série étant toujours en cours.


Lycéen, Tasuku éprouve l'envie de mourir depuis que des camarades de classe ont fouillé l'historique de son téléphone portable pour y découvrir des vidéos porno gay. Car Tasuku est homosexuel, quelque chose qu'il n'a jamais voulut affirmer par peur que sa vie devienne un cauchemar. Pourtant, après la découverte de ses camarades, les brimades deviennent plus persistantes et l'intolérance plus vive, l'enfer a déjà commencé...


Perdu, Tasuku fait la connaissance d'une jeune femme qui s'avère être l’hôtesse d'un foyer, un lieu de rencontre où une poignée de personnes peut se rencontrer et échanger, sans avoir à être jugé. D'abord réticent, Tasuku va y découvrir un véritable lieu où il apprendra à vivre, en plus de rencontrer des individus dans la même situation que lui...


La communauté LGBT est un véritable sujet social, actuel et sérieux, qui intéresse de plus en plus les mangaka. On se souvient du Mari de mon frère, aussi émouvant qu'informatif, aussi Akata nous propose cette fois une œuvre différente avec Éclat(s) d'Âme, quelque chose de plus personnel, un peu plus sombre aussi, mettant en lumière des aspects et ressentis peut-être méconnus de la communauté homosexuelle.


Ainsi, l'histoire de Tasuku ne prête pas à sourire. Présentée sur les premières pages du tome, elle nous dépeint un jeune homme, gay, dont le secret semble avoir été découvert et qui projette de mourir, par peur de l'enfer qui l'attend. S'en suivront différentes rencontres qui feront évoluer le personnage, de quoi rendre peut-être ses pensées moins négatives à l'avenir.


Le coming-out est l'un des thèmes centraux du récit, du moins de ce premier tome. Si la définition du terme n'est un secret pour personne, sa signification pour une personne homosexuelle reste bien plus méconnue. Yûki Kamatani dépeint ainsi un décor particulièrement sombre, mettant en lumière les négligences de la société et le mépris affiché, de manière consciente ou non, envers les personnes homosexuelles. Ce premier volume se révèle engagé tant il montre certains éléments de ras-le-bol de la part des personnes concernées, ce qui est aussi particulièrement instructif. Pour autant, on ne peut considérer ce premier opus comme un tome pessimiste puisque plus le récit évoluera, et plus les nuances seront mises en évidences. Ainsi, à la manière du Mari de mon frère, Yûki Kamatani nous fera rencontrer différents personnages, humains et attachants, des profils vivant leur coming-out de manière différente. Certains l'assument, d'autres non, chacun ayant ses raisons et ses motivations. Éclat(s) d’Âme ne dicte donc pas une ligne de conduite, mais évoque des faits, tout en apportant un message d'espoir symbolisé par le foyer où tous interagissent sans jamais se juger. Pour Tasuku, en résultera une libération, une véritable symbolique quant au vivre ensemble, le fait que nos différences ne peuvent en aucun cas faire office de barrière pour s'épanouir ensemble. L'activité que découvrira Tasuku en est la preuve, aussi le tome sait se montrer assez émouvant, sans pour autant virer dans le pathos, un point marqué par les évolutions des personnages qui iront surtout du négatif vers le positif.


Éclat(s) d'Âme étant, pour le mangaka, un récit très personnel, sa narration l'est toute autant. Ainsi, c'est avec beaucoup de métaphores visuelles que Yûki Kamatani dépeint ce premier volume. Celle qui reviendra le plus sera celle d'une classe brisée, symbole de l'âme et marqueur de l'évolution de Tasuku dont les murs qui se dresseront face à lui devront être brisés un à un. « L’hôte », un personnage pour l'heure anonyme, s'ancre dans cette volonté narrative puisque plus qu'un personnage, la jeune femme représente un symbole, une sorte d'idée de l'évasion tout en donnant envie d'en apprendre plus sur son idée.


Alors, en plus du message social, ce sont des énigmes que plante ce premier tome, laissant le spectateur curieux de connaître la suite, que ce soit pour savoir qui est « l’hôte », ou comment Tasuku pourra s'accepter et s'affirmer par la suite. S'affirmer face aux comportements discriminatoires ou même en amour, d'ailleurs. Beaucoup de portes sont ouvertes pour la suite !


Visuellement, le style de Yûki Kamatani se retrouve avec un grand plaisir. Son style sur les personnages est reconnaissable, ceux-ci étant globalement tous longs et fins. Son goût pour la narration est aussi très présent, l'auteur ayant aimé, même depuis Nabari, construire des métaphores graphiques dans ses histoires.


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

16.5 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs