Dur-An-Ki - Actualité manga
Dur-An-Ki - Manga

Dur-An-Ki : Critiques

Duranki

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 07 Juillet 2022

Voici déjà plus d'un an, précisément le 6 mai 2021, que le grand Kentarô Miura nous quittait à seulement 54 ans, en laissant derrière lui des proches et des millions de fans éplorés à travers le monde. Les hommages se sont multipliés pour saluer l'auteur d'un des principaux monuments de dark fantasy de ces 30 dernières années, Berserk, tandis que l'avenir des aventures de Guts devenait forcément incertain. Mais si M. Miura n'est plus parmi nous, son oeuvre, elle, sera éternelle, et se poursuivra même en ayant été confiée entre de bonnes mains. Après bien des débats, on a effectivement pu apprendre, il y a quelques semaines, la reprise au Japon de Berserk depuis le 24 juin, avec aux dessins le Studio Gaga, qui n'est autre que le studio collectif créé par Miura il y a quelques années, et à la supervision Kouji Mori, mangaka bien connu chez nous pour les séries Suicide Island (Kazé Manga) et plus récemment Genesis (Vega-Dupuis). Notons que le choix de Kouji Mori pour poursuivre l'histoire est le plus logique, le plus évident, le plus symbolique aussi: cela fait plus de 35 ans, depuis l'époque du lycée, que l'auteur était un ami très proche de Kentarô Miura, à tel point que celui-ci lui a souvent demandé conseil pour Berserk, et qu'il est même le seul à qui le regretté mangaka a confié toutes les grandes lignes de sa série de dark fantasy culte jusqu'à la conclusion. Le fil directeur de l'équipe éditoriale et de Kouji mori sera donc évident: poursuivre Berserk en restant le plus fidèle possible à ce que Kentarô Miura voulait en faire. Berserk a donc encore de l'avenir, même si, en cette première semaine de juillet 2022, c'est un deuil qui a lieu pour tous les fans français de Berserk: avec la publication du tome 41, ce sont bel et bien les tous derniers chapitres dessinés par Kentarô Miura lui-même qu'il est possible de découvrir... mais ça, nous aurons l'occasion d'en reparler dans une chronique dédiée à ce volume, car c'est encore un autre projet de Miura et de son studio qui nous intéresse ici: Dur-An-Ki.


Publié également en France par Glénat le 6 juillet 2022, en même temps que le tome 41 de Berserk en éditions simple et collector, afin de parfaire l'ultime hommage de l'éditeur à Kentarô Miura, Dur-An-Ki est un projet que le mangaka lança en 2019, parallèlement à Berserk, avec le désir de créer un tout nouvel univers qui serait dessiné par les artistes qui l'assistent au quotidien, à savoir le Studio Gaga. Après pas mal de négociations et de remaniements de l'histoire, l'oeuvre fut lancée dans le magazine Young Animal Zero des éditions Hakusensha, mais restera inachevée après seulement 6 chapitres et environ 160 pages, du fait du décès de Kentarô Miura, et suite à plusieurs délibérations entre le Studio Gaga et l'équipe éditoriale. Afin de rendre honneur à ce qui restera le tout dernier scénario de Miura publié de son vivant, l'unique volume possible fut publié au japon le 24 décembre 2021. Et bien que l'on sache d'avance qu'il n'y aura aucune fin (le manga s'arrêtant même au beau milieu d'un combat), le fait d'avoir également droit à l'ouvrage en langue française aura de quoi satisfaire tout grand fan de Kentarô Miura.


Dur-An-Ki nous immisce auprès d'un être promis à un incroyable destin: Usumgall, un enfant hermaphrodite né des anciens dieux, pourvu d'une grande beauté androgyne et de multiples facultés. Oui, tous semble lui sourire... mais ce bébé, qui n'est ni homme ni femme, ni humain ni divin, pourrait rester seul à tout jamais, comme le craignent ces concepteurs. Mais bientôt, alors que d'autres divinités les repèrent, les anciens dieux sont contraints d'abandonner le nouveau-né, non sans lui confier un artefact protecteur. Bientôt, dans le monde humain, un vieux couple de montagnards et leur chien découvrent ce mystérieux bébé, qu'ils décident d'élever. Quelques années passent, Usumgall a désormais grandi en devenant un enfant plein de vie, fort, agile, et toujours pourvu d'une incroyable beauté ni vraiment masculine ni vraiment féminine. Mais avec en guise de seul ami l'être mi-humain mi-bouc Pan, Usumgall n'a jamais côtoyé les humains, dont il a été préservé par ses parents pour qu'il ne souffre pas de ses différences. Alors quand l'hermaphrodite, après les avoir sauvés d'un combat contre un sanglier, rencontre le petit groupe d'enfants humains issus du village le plus proche et dirigé par Kirta (dont on soulignera la ressemblance physique avec Guts enfant), son quotidien risque bien de changer petit à petit...


Comme déjà dit, l'oeuvre a été abandonnée assez vite, après seulement 6 chapitres et 160 pages, en n'ayant donc finalement pas vraiment l'occasion de développer grand chose côté scénario: Usumgall rencontre Kirta et les autres enfants, découvre certaines choses de la vie humaine (des bonnes comme l'entraide ou certains outils, et des négatives comme la guerre et ses méfaits), s'adapte auprès de ses nouveaux compagnons qui semblent l'accepter tel qu'il/elle est (ce qui est clairement positif et moderne côté ouverture d'esprit), vit quelques premières petites péripéties tout en intrigant suffisamment sur le destin qui l'attend... et c'est à peu près tout. Il faut donc surtout prendre l'ouvrage pour ce qu'il est réellement, ce qui passe par deux choses.


Tout d'abord, l'esquisse d'un univers où Kentarô Miura s'est plu à imaginer un monde au croisement de multiples influences religieuses et mythologiques: des dieux des premières pages à Esculape et Dédale, à Pan l'être mi humain-mi-bouc, en passant par le peuple hourrite ou la manticore, l'auteur ne cesse de faire référence aux temps anciens, que ce soit les gréco-romaines, les mésopotamiens, ou encore les persans entre autres.


Ensuite, ce que cet univers permet sur le plan visuel: le Studio Gaga a tout le loisir de s'en donner à coeur joie sur les designs des humains comme des semi-humains et du bestiaire (la manticore, par exemple, a un rendu assez dense dégageant une certaine puissance), mais aussi d'imaginer des décors naturels touffus ainsi que des éléments plus architecturaux (le village, etc.) suffisamment travaillés et que l'on devine eux aussi inspirés de certaines civilisations anciennes. On passera alors outre les quelques transitions narratives trop abruptes pour plutôt profiter du spectacle.


Enfin, si le manga s'arrête abruptement après un peu plus de 160 pages, l'aventure Dur-An-Ki ne s'arrête pas tout à fait là: sur les 80 dernières pages constituant cet assez épais volume, le comité de rédaction du magazine Young Animal a décidé de nous plonger plus en profondeur dans ce que Miura avait imaginé, en publiant l'intégralité des textes de la première version du scénario laissés par Miura derrière lui, le projet ayant été en réalité imaginé dès 2015 avant d'avoir été longuement remanié afin d'aboutir à Dur-An-ki. Ce que l'on découvre dans ces lignes est souvent bien différent du manga, mais n'en reste pas moins intéressant, surtout pour les innombrables références aux civilisations et mythologies anciennes comme la Guerre de Troie entre autres. Et qui plus est, le tout est parsemé de croquis originaux, laissant définitivement sentir que Miura voulait offrir quelque d'assez ample.


Côté édition, Glénat a soigné les choses avec un objet facile à prendre en mains, grâce à un papier certes un peu fin et parfois légèrement transparent mais bien souple. La qualité d'impression est très honnête, le lettrage est propre même si certains choix de polices sont un peu plus durs à lire, la traduction d'Eléonore Mahmoudian est claire, le mini poster recto verso au début est un plus vraiment sympathique, et la jaquette reste proche de l'originale japonaise.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs