DreaMaker Vol.1 - Manga

DreaMaker Vol.1 : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 07 Juillet 2023

Ce mois de juillet est l'occasion pour les éditions Ki-oon de lancer dans leur collection shônen leur toute nouvelle création originale 100% française, DreaMaker, une série que l'on doit à Zilo. Gagnante de la 3e édition du Tremplin Ki-oon en 2019 avec l'histoire courte "Birds Children", celle-ci a ainsi succédé à Yami-Shin (gagnante du 1er tremplin en 2015, et désormais autrice de Green Mechanic chez l'éditeur), puis à Vinhnyu (gagnant du 2e tremplin en 2017, dont on n'a plus aucune nouvelle). Mais parallèlement à cela, elle a également été remarquée pour un one-shot publié au japon sur le site en ligne de Shueisha, rien que ça.

Cette série nous plonge dans un univers fantastique où les hommes ont perdu depuis longtemps la capacité de rêver pendant leur sommeil, en perdant par la même occasion une partie de leur âme liée à l'imagination. C'est dans ce contexte que se sont développés les DreaMakers, des élus qui, avec leur magie, sont capables de créer artificiellement des rêves qu'ils vendent ensuite à leurs clients, et qui auraient même terrassé autrefois un démon avec l'aide de Marie, la sainte de ce monde.
Habitant Condate, un village à proximité de la "ville des lumières" et de la gastronomie Lugdunum (au moins, les clins d'oeil à Lyon sont évidents), le jeune Kiio Nyx, 12 ans, ne fait malheureusement pas partie de ces élus, loin de là: enfant délaissé, courant les rues et volants les marchands parfois, il a pour plus grande passion ces fameux Dreamakers, si bien qu'il rend régulièrement visite à celui des environs, qu'il appelle affectueuse "grand-père" même si c'est a priori un vieillard écarlate. Kiio rêve d'avoir un jour suffisamment de moyens pour acheter auprès de "grand-père" un vagus, un de ces êtres oniriques provoquant les rêves. Mais en cette journée presque comme les autres, il ne se doute pas, après avoir croisé la route d'un mystérieux garçon et avoir recueilli un étrange petit animal aux allures de chat noir, que son destin vient de faire un premier pas vers son basculement.

Le moins que l'on puisse dire est que le petit univers mis en place par Zilo a de quoi susciter la curiosité, car même si l'idée d'exploiter les rêves pour souligner l'importance de l'imagination n'a rien de spécialement neuf, la manière dont l'autrice le pense est intéressante, en premier lieu grâce à suffisamment d'éléments bien pensés sur le fonctionnement des vagus auxquels les DreaMakers donnent naissance. Ainsi apprend-on déjà qu'il en existe trois différents niveaux (lucioles, gnomes et gobelins) ainsi que différentes catégories à savoir "insomnium" (communs), "somnium" (sur-mesure) et "oraculum" (extrêmement rares, puissants et mystérieux). mais c'est aussi à travers son jeune personnage principal que ce concept de rêve se fait marquant, dès lors que l'on comprend qu'il en a envie pour échapper à une réalité terrible, sa situation familiale pouvant être qualifiée de véritable horreur, chose que la mangaka amène avec beaucoup de force émotionnelle et sans prendre de pincettes, en contrastant ainsi si efficacement avec tous les sourires si enjoués et en apparence insouciants dont cet enfant est capable. On a vraiment quelques visions effrayantes et brutales de la situation familiale de Kiio, qui retranscrivent à merveille une réalité cauchemardesque, sans aucun doute bien plus cauchemardesque pour lui que les rêves où il veut alors fuir.

Sans doute est-ce là la principale force scénaristique de ce début de série puisque, à côté de ça, les autres éléments restent un peu plus vagues pour l'instant. On note que Zilo met également en place des organismes nommés "Alliance" et "Organisation" qui ne sont qu'évoqués pour l'instant sans réelle substance. Mais aussi qu'elle installe rapidement quelques autres visages comme Alya dite "l'Artiste", l'une des plus douées DreaMakers, qui en impose d'emblée avec son côté badass. Et enfin, qu'elle suscite l'inquiétude autour des Phantasmas, des êtres qui naissent de la peur et de la souffrance des gens tombés dans le désespoir et qui se nourrissent de toute leur énergie négative: anxiété, insomnie, paranoïa, dépression, phobies... Reste à voir comment cet aspect-là se raccrochera au concept des Dreamakers et des rêves, car pour le moment c'est un peu flou, voire un brin brouillon puisque certains éléments ne sont vraiment évoqués que très, très brièvement.

Si le début du récit pourra éventuellement paraître un peu brouillon narrativement sur quelques aspects, la deuxième moitié du tome est, elle, assez phénoménale dans sa montée de tension et de drame au fil du chapitre 4, puis dans le 5e et dernier chapitre nous laissant sur des dernières pages assez intrigantes avec un danger devenant plus consistant. Et pour porter tout ça, on peut dire sans le moindre souci que Zilo a à coeur d'offrir un rendu visuel collant bien à l'imagination qu'elle veut véhiculer dans le concept des Dreamakers. C'est bien simple: il y a un nombre important de planches recherchant des compositions soignées et des mises en scène originale, et en guise d'exemple on ne citera que quelques exemples issus des débuts du tome: des bulles ou tuyauteries formant des cases, où encore une scène où "grand-père" arrache une bulle de dialogue. Zilo se fait plaisir avec des trouvailles foisonnantes, pour un résultat où c'est tantôt un peu confus dans le rendu mais généreux, tantôt vraiment impeccable, surtout pour certains découpages déstructurés et cauchemardesques qui font bien ressortir la détresse familiale de Kiio. A part ça, la dessinatrice livre des designs soignés aussi bien dans les décors que dans les personnages (tous bien reconnaissables), dans les vêtements et dans le petit bestiaire des vagus. Enfin, ses expressions faciales très marquées se font volontiers caricaturales quand il s'agit d'appuyer une bonne part d'humour, ces élans comiques étant parfois un peu mal intégrés et à d'autres moments beaucoup plus efficaces car bien amenés.

A l'arrivée, il y a de belles promesses dans ces débuts de DreaMaker. Si l'on sent que Zilo, dont c'est la toute première série, tâtonne un peu dans la narration et dans la mise en place de certains éléments, le potentiel autour de son concept est bien là, son jeune personnage principal est attachant à souhait au vu de ce qu'il traverse, et le travail de découpage et de mise en scène se veut généreux. On attendra alors la suite au tournant, en espérant qu'elle confirmera les bonnes impressions globales !

Côté édition, on est sur du Ki-oon tout craché avec un papier bien épais, souple et opaque, une excellente impression, un lettrage propre, et même cinq premières pages en couleurs sur papier glacé. Quant à la jaquette, elle donne bien le ton avec son logo-titre soigné et son illustration donnant une bonne idée du style expressif et foisonnant de l'autrice.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs