The Dovecote Express - Actualité manga

The Dovecote Express : Critiques

Shindai Kyûsha

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 23 Août 2022

En mars dernier, les éditions Noeve Grafx nous proposaient d'enfin découvrir en France le style unique et fascinant de la mangaka Ikuko Hatoyama avec A Tire-D'aile, excellent récit aux multiples influences où elle adaptait à sa sauce une nouvelle méconnue de l'écrivain Tatsuo Hori. Visiblement tombé amoureux de l'autrice (on le comprend), l'éditeur récidive donc en ce mois d'août en publiant The Dovecote Express, où Hatoyama nous offre cette fois-ci une histoire de son cru, totalement originale.

De son nom original Shindai Kyûsha (littéralement "Colombier de Couchage"), ce récit en 3 chapitres (plus un épilogue et un chapitre bonus sur le personnage de Mattiesko, pour un total d'un peu plus de 190 pages) fut initialement prépublié au Japon en 2015-2016 (juste avant A Tire-D'aile, donc) sur le site de manga en ligne Poco Poco de l'éditeur Ohta Shuppan, site ayant également accueilli, entre autres, les mangas Shino ne sait pas dire son nom de Shuzo Oshimi, Souvenirs de la mer assoupie de Shinya Komatsu et La grande invasion mongole de Shintaro Kago. Bref, un site ayant à coeur de laisser s'exprimer des talents très personnels et immédiatement identifiables.

Pour cette nouvelle publication française de la mangaka, Noeve Grafx a eu l'excellente idée de proposer une qualité éditoriale tout aussi qualitative que pour A tire-D'aile, avec une charte graphique similaire entre les deux livres, un grand format identique, une excellente qualité d'impression sur un papier assez épais et souples, un épilogue teinté de bleu ciel, une traduction soignée de Yukari Maeda et Patrick Honnoré, un lettrage tout aussi propre de la part d'Elsa Pecqueur... sans oublier les habituels bandeau et carte à collectionner typiques de l'éditeur ainsi qu'un petit bonus supplémentaire, à savoir une reproduction d'un ticket du Central Railway. En somme, tout est réuni pour offrir un beau confort de lecture, et pour nous laisser exposer fièrement l'ouvrage à côté de son "grand frère" A Tire-d'Aile.

The Dovecote Express nous immisce auprès de Davy, un jeune garçon voyageant à bord d'un train avec ses parents pour se rendre à l'Exposition Universelle. Pour passer le temps, il entreprend de visiter chacun des wagons de l'express, sans se douter de la sinistre découverte qu'il va faire dans le tout dernier wagon en queue du train: dans ce wagon-lit sont allongés des jeunes garçons gravement blessés, dont un à qui il manque une jambes, et qui n'ont qu'une seule demande à faire à notre héros: qu'il prenne le tube qu'ils ont en leur possession et qu'ils aillent en livrer le message au "Maître". Effrayé, Davy fuit jusqu'au wagon de ses parents pour les informer de son effroyable rencontre, mais quand tout le monde s'empresse d'aller voir le fameux wagon-lit c'est pour y découvrir un grand vide, comme s'il n'avait jamais existé et comme si Davy avait tout inventé. Accusé de mentir par les adultes, l'enfant entreprend d'en découvrir davantage, jusqu'à faire de nouvelles rencontres, à entrevoir la vie dramatique voire insensée de ces "messagers", et à se voir lui-même confier une mission...

Ikuko Hatoyama nous plonge bien vite, dans le cadre superbement rendu du train, dans un récit d'époque prenant rapidement des allures aussi mystérieuses que surnaturelles. Pourquoi y a-t-il ces énigmatiques messagers dans ce train ? Pour qui sont leurs messages ? Y a-t-il vraiment quelqu'un qui les attend ? Pourquoi mettent-ils ainsi leur vie en péril pour les livrer ? Les réponses, que l'on peut deviner partiellement et qui se dévoilent assez vite pour la plupart, voient la mangaka se baser sur deux choses qui la fascinaient déjà dans A Tire-D'aile, à savoir les oiseaux avec leur notion d'envol, et l'inspiration trouvée dans l'Europe du début du XXe siècle, la réponse à nos interrogations dessinant effectivement une sorte de métaphore humanisée du rôle que purent avoir, pendant la Prmeière Guerre mondiale, les pigeons voyageurs, ces volatiles dressés pour servir de messagers essentiels sur le front et dans les tranchées, quitte à régulièrement y mourir ou à en ressortir amochés. L'idée est assez fascinante, d'autant plus que l'autrice, loin de s'arrêter à cela, va exploiter ce concept de départ pour esquisser nombre de choses au fil de son récit, que ce soit sur le "Maître" et sa boîte avec tout ce qu'il représente, sur certaines notions propres à la guerre comme la surveillance de correspondance, sur la place des enfants face aux adultes et des messagers face au maître (les messagers/pigeons étant tous des enfants/adolescents ici), sur ce que ces messagers (tels des pigeons) semblent uniquement attendre (ils ne demandent ni paie, si récompenses, ni pension, leur seul but étant de rentrer chez eux ou dans la maison de leurs camarades), sur l'aspect totalement vain de leur mission ici face à un Maître qui semble juste les manipuler... et, au bout de tout ça, sur leur possibilité ou non d'émancipation, d'envolée lointaine, sujet déjà au coeur d'A Tire-D'aile lui aussi.

La patte visuelle de Hatoyama, elle, est tout aussi sublime que dans A Tire-D'aile, entre son trait profond et noir de jais permettant de nombreux contrastes et jeux de lumière, ses designs précis, ses tenues inspirées entre autres de l'Europe du début XXe qui la fascine, ses tramages et encrages millimétrés apportant sans cesse une sensation de profondeur supplémentaire, ses peintures intérieures comme extérieures du train, ses différentes petites trouvailles visuelles à l'image du découpage d'un envol de pigeon en guise d'ouverture du livre ou du zoom sur le train en page 8 depuis le vol du pigeon... sont autant de choses nous en mettant plein les yeux en dégageant une poésie noire.

Tout comme A Tire-D'aile avant lui, The Dovecote Express séduit sans difficulté le temps de son voyage pas comme les autres, autant pour la patte visuelle d'Ikuko Hatoyama que pour ses idées entre fantastique et goût de l'Europe d'il y a un siècle, en passant par les gimmicks thématiques chers à la mangaka.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs