Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 28 Septembre 2023
Les derniers jours de ce mois de septembre sont l'occasion, pour les éditions Michel Lafon, de lancer dans leur collection Kazoku un nouveau manga quelque peu atypique dans son sujet: Dinosaurs Sanctuary. Nommée Dinosan dans son pays d'origine, cette tranche de vie est la deuxième série de la carrière d'Itaru Kinoshita, mangaka dont la première oeuvre Gigant wo ute (inédite en France) mettait déjà en scène des dinosaures. La série est prépubliée au Japon depuis 2021 dans le magazine Comic Bunch des éditions Shichosha, et compte 4 volumes à l'heure où ces lignes sont écrites.
Vous êtes-vous déjà demandé, dans les films Jurassic Park, comment se déroule le quotidien des soigneurs au sein des parcs à dinosaures ? Eh bien, c'est en quelque sorte ce que la série de Kinoshita nous propose de découvrir, non sans le soutien du professeur spécialisé Shin-ichi Fujiwara à la supervisions. Dans cette uchronie, une île abritant encore des dinosaures vivants a été découverte en 1946, et grâce à des manipulations génétiques le professeur Ichirô Suma réussit l’exploit de faire renaître de nombreux spécimens éteints à partir de l'année 1987, en donnant ensuite lieu à la création de plusieurs parcs pour les préserver, et en déclenchant un engouement mondial pour les dinosaures. Mais hélas, en 2006, un accident mortel a mis un gros frein à ce succès, si bien qu'aujourd'hui les gros dinos n'ont plus trop la cote, que les parcs à dinosaures sont en grande perte de vitesse et que plusieurs d'entre eux ont déjà fermé.
C'est dans ce contexte délicat que Sumire Suma, jeune femme dont le lien avec le fameux professeur ne fait aucun doute dès le départ, arrive en tant que nouvelle soignante au parc Enoshima Dinoland, situé sur l'île d'Enoshima, et plus petit parc à dinosaures du pays même s'il comporte tout de même 72 dinosaures de 24 espèces différentes. Véritablement passionnée et désireuse de redonner aux dinosaures leurs lettres de noblesse, elle se fait remarquer d'entrée de jeu et rencontre dans la foulée celles et ceux qui seront ses collègues: le directeur, Kaidô, Karin, Ami... Mais bien sûr, ce sont aussi nombre de dinosaures qu'elle va désormais côtoyer, en comprenant assez vite que, malgré toute sa passion, il n' est pas de tout repos de s'occuper de telles créatures, et cela pour plein de raisons...
Globalement, ce premier volume suit un schéma assez simple, avec la découverte par Sumire du quotidien de soigneuse au fil de plusieurs petits soucis impliquant à chaque fois une espèce de dinosaure différente. Evidemment, le premier intérêt est de faire découvrir ou redécouvrir plusieurs espèces parfois bien connues parfois moins: giganotosaure, troodon, dilophosaure, tricératops... Itaru Kinoshita ayant le mérite de tâcher de les dessiner avec le plus de rigueur et de précision possibles, pour un résultat tout à fait satisfaisant. Au gré des chapitres, notre héroïne découvre les spécificités d'un tel parc (taille des enclos, grillages électrifiés...), comprend qu'elle devra composer avec des tâches parfois très éprouvantes mais nécessaires (comme le nettoyage des excréments), et constate qu'en plus de devoir être très vigilante car la moindre erreur peut vite blesser gravement les humains face à des êtres aussi imposants, il faudra faire attention à un paquet de choses car les dinosaures sont des animaux comme les autres, avec leur sensibilité et leurs besoins spécifiques. Ainsi, faire attention à leur alimentation, surveiller la température de leur enclos, savoir détecter les signes d'une possible maladie, observer les dinosaures pour comprendre le caractère de chacun, sont autant de choses essentielles. Mais les problèmes peuvent aussi venir d'ailleurs, notamment du siège du parc ici, entre les restrictions budgétaires ne facilitant pas la tâche et des décisions pouvant démoraliser. Mais fort heureusement, malgré son statut de débutante, Sumire montre déjà qu'elle a de la ressource en plus de sa passion pour les dinos... Seulement, cela suffira-t-il pour qu'elle trouve pleinement sa place ?
En effet, derrière le schéma assez simple, Kinoshita finit aussi par amener, en fin de tome, d'autres considérations très intrigantes et plus dramatiques autour du passé de Suzume et de Kaido ainsi que du fameux accident mortel de 2006, éléments qui devraient a priori être développés dans le tome 2 en amenant sans doute plus de substance à cette tranche de vie.
En attendant de voir ça, ce premier volume se révèle être, dans l'immédiat, une très chouette mise en place, où le concept est installé et abordé avec une certaine rigueur (plus encore au vu des textes bonus entre les chapitres), si bien que l'on attendra la suite avec beaucoup de plaisir. Quant à l'édition française, elle est tout à fait satisfaisante avec une jaquette à la fois proche de l'originale japonaise et dotée d'un logo-titre soigné, un papier souple et suffisamment opaque permettant une qualité d'impression convaincante, un lettrage soigné de Corinne Luijten, et une impeccable traduction de la part d'Angélique Mariet.