Détonations Vol.1 - Actualité manga
Détonations Vol.1 - Manga

Détonations Vol.1 : Critiques

Zankyô

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 17 Octobre 2018

Il a beau être considéré comme un mangaka incontournable, et avoir permis à Tsutomu Nihei de faire ses premières armes en étant son assistant, Tsutomu Takahashi n'est malheureusement pas forcément un mangaka très vendeur en France. Mais peut-être est-ce à cause du fait qu'en dehors de l'excellent Bakuon Rettô sorti chez Kana, tous ses autres titres parus en France (Sidooh, Soul Keeper, Sky High Karma, Alive, Blue Heaven) ont été publiés par un éditeur doté d'une très mauvaise réputation, à savoir Panini... Mais ça, c'était avant. Avec sa collection Graphic, Pika Edition compte bien continuer d'explorer l'univers d'auteurs plus atypiques, et nous propose donc de retrouver Takahashi avec une oeuvre assez récente: Détonations.  Au Japon, cette série a été publiée en 2015-2016 sous le titre Zankyô dans le magazine Big Comic Original des éditions Shôgakukan, et elle est finie en 3 tomes. En France, elle sera compilée en 2 grands et gros volumes d'environ 300 pages chacun. Au programme, comme toujours avec ce mangaka, un univers sombre. Mais, cette fois-ci, sur fond de misère sociale...


Tout commence lorsque Satoru, un jeune garçon complètement désabusé par la vie et vivotant dans son petit studio, se voit proposer une étrange mission par son voisin, Genji Segawa, un vieil homme alité qu'il a pris l'habitude de voir une fois par semaine après la visite de son infirmière. Ce jour-là, le vieillard affaibli a des choses à lui avouer, et à lui transmettre. En phase terminale de sa maladie, cet ancien yakuza s'apprête à mourir, mais conserve des regrets: avoir abattu il y a 50 ans trois compagnons de sang-froid. En échange de 5 millions de yen et d'un pistolet, Genji lui demande alors de faire à sa place ce qu'il n'a jamais fait: rendre honneur aux trois comparses tués autrefois, et dédommager ses héritiers. Mais avant ça, il a encore une ultime requête à adresser au jeune garçon: prendre l'arme à feu et l'abattre pour mettre fin à ses tristes jours, car après tout, même s'il n'est plus qu'un homme alité et ayant commis des actes sombres dans sa vie, lui aussi conserve une part de dignité. C'est seulement après ça que Satoru pourra accomplir sa mission, qui le fera voyager au coeur des bas-fonds japonais...


On le comprend dès le départ, Détonations est un récit voué à être sombre et brutal, et Tsutomu Takahashi nous le fait bien comprendre à l'instant même où Genji est abattu froidement par Satoru. Dès lors, on cerne que cette espèce de road-trip dans les bas-fonds nippons ne sera pas comme les autres voyages, et que l'évolution que va connaître notre héros ne sera pas forcément toujours la bonne. En effet, plus que l'argent, c'est l'arme à feu qui semble d'abord stimuler Satoru. Jusque-là jeune garçon ayant vécu sans but, sans ambition, après avoir connu une enfance sans possibilités (on le comprend au fil du tome), le voici avec, entre les mains, un instrument de mort et de pouvoir qui, à plusieurs reprises, semble presque le posséder. Pour la première fois, sa vie jusque-là dépourvue du moindre sens trouve un but, et le flingue semble d'abord être son meilleur et plus inquiétant allié. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que le titre français est "Détonations": ici, chaque coup de feu marque un virage scénaristique fort et parfois glaçant... Mais au fil de ce voyage, la violence est-elle tout ce que Satoru va trouver et découvrir ?


Il s'avère évidemment que non, car au fil des pages le jeune garçon va traverser nombre de lieux mal famés, croiser plusieurs personnages au destin pas toujours enviable, et se confronter à tout un monde de violence certes, mais surtout de misère. On pense à ces yakuzas ultra brutaux et sans foi ni loi, à cette femme prostituée sombrant dans l'alcool pour oublier sa misère, à ce petit garçon voyant quasiment sa mère se tuer sous ses yeux par désespoir d'une vie misérable,à ce couple malsain et peu scrupuleux vivant marginalement... et surtout à Daigo, jeune homme qui se sent femme, qui s'habille en tant que telle, dont le parcours est loin d'être enchanteur, et qui finira vite par accompagner Satoru dans son périple. Takahashi dresse ainsi tout un portrait d'êtres marginalisés et/ou vivant dans la misère, au coeur d'un monde sombre qui ne leur a jamais fait de cadeau. Pourront-ils s'en sortir ? Trouver autre chose que la violence au fil de ce qui peut être un peu vu comme une quête initiatique ? On a envie de l'espérer pour eux, tant leurs actes parfois sombres et furieux semblent surtout cacher une rage de s'en sortir et d'exister.


Et forcément, les visuels du mangaka accompagnent parfaitement un tel récit. Takahashi ne perd rien de son style très noir, avec des silhouettes et des décors sombres, un encrage impeccable, des hachures densifiant encore l'atmosphère pesante. La mise en scène est excellente, sait être brutale quand il le faut en s'offrant de brefs instants de violence qui imprègnent la rétine par leur force.


Détonations s'offre donc une première moitié de série puissante, et l'édition française rend honneur à l'oeuvre avec son grand format qui permet d'apprécier au mieux le travail visuel de l'artiste et l'ambiance qu'il installe. Pur le reste, concernant l'édition, on a droit à la charte graphique habituelle de la collection Graphic (avec notamment des couvertures différentes de l'édition japonaise et un logo-titre sobre), à un papier bine épais et restant assez souple, à une excellente impression, et à une traduction très soignée de Thibaud Desbief.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs