Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 11 Mars 2016
La femme d’un magicien qui vient de se suicider rend visite au détective Mouri, le décès de son défunt mari lui semblant suspect. La petite famille part aussitôt sur les lieux et rencontre les différents disciples du magicien. Si meurtre il y a eut, le coupable est parmi eux… Mais quelque chose de plus inquiétant guette Conan : Ran a de sérieux doutes sur son identité, ses réflexions comme son visage lui rappelant Shinichi…
Deux affaires complètes et le début d’une troisième composent ce quatorzième volume qui, s’il s’avère très classique dans sa forme, maintient aisément en haleine grâce à quelques petits éléments.
La première enquête qui nous est présentée est très classique et peu surprenante dans son traitement comme dans son dénouement. Gosho Aoyama se trahit même assez facilement puisqu’un certain rebondissement du début de l’affaire nous permet de deviner qui est le coupable, ce qui gâche quelque peu la résolution de notre cher Conan. En revanche, l’auteur s’avère plus audacieux quand il remet sur le tapis les doutes de Ran pour notre détective en herbe. Etant donné que le titre n’est encore que peu avancé, cela ne garde que peu d’impact, mais apporte une certaine tension tout le long de l’investigation, sans compter qu’il est agréable de constater que de temps à autres, des personnages s’interrogent sur l’esprit de déduction sans faille de l’enfant…
La deuxième affaire du volume est encore plus intéressante, cette fois dans son fond comme dans sa forme. Fait inédit, la mère de Shinichi occupe une place principale au cours de l’enquête, tout ce passage joue même volontiers avec la particularité des parents du héros ce qui est une excellente idée qui permet de renouveler un peu le casting accompagnant Conan au cours de ses aventures. Aoyama continue d’exploiter ses différents personnages, une qualité qui se confirme au fil des tomes, et ce même si la série se construit toujours autant sur une succession d’affaires ordinaires.
L’enquête elle-même est plus inventive que les précédentes tant sa résolution est impossible. En effet, le mangaka prend ici à contrepied le schéma classique et la résolution banale tels que les œuvres policières nous les dépeignent, si bien que la finalité de cet épisode surprend véritablement. Ici, bien malin sera celui qui devinera le fin mot de l’histoire tant cette intrigue d’héritage familial est bien pensée !
Enfin, c’est une troisième enquête qui s’ouvre en fin de tome, une affaire en lieu inaccessible comme on a déjà pu le voir dans le cinquième opus, ce qui permet d’entretenir une atmosphère d’angoisse. On a alors hâte de lire le prochain tome pour voir jusqu’où cette enquête pourra aller…
En définitive, c’est un tome classique, mais bien mené qui nous attend ici. Gosho Aoyama se plaît à développer un manga policier épisodique, ce qui pourrait lasser ceux qui ne sont attirés que par le scénario principal, mais les idées du mangaka sont toujours foisonnantes et celui-ci parvient à manier habilement tous ses personnages secondaires pour apporter un peu de renouveau quand il le faut. Pourtant, même dans les enquêtes plus traditionnelles, la série n’a pas encore montré le meilleur d’elle-même…
Critique 2
La femme d'un célèbre magicien contacte le détective Mouri, convaincue que le suicide de son mari cache autre chose. Celui-ci avait été découvert dans son atelier, une pièce fermée de l'intérieur dont il aurait pu s'échapper à n'importe quel moment ou appeler à l'aide en se servant du téléphone s'il s'était senti en danger ou s'il avait réalisé qu'il avait ingurgité accidentellement un poison. Toutefois sa femme n'arrive pas à croire qu'il ait pu vouloir mettre fin à ses jours et elle demande au détective de mener l'enquête afin de déchiffrer l'étrange message que son mari aurait pu laisser derrière lui. Accompagnant Kogoro, Conan réalise vite de nombreuses incohérences dans la théorie du suicide, mais il doit se montrer particulièrement vigilant, car Ran a finalement fait le rapprochement avec la disparition de Shinichi et elle est bien déterminée à prendre le jeune détective sur le fait pour lui couper toute retraite possible.
Conan accompagne ensuite sa mère Yukiko Kudo chez son amie d'enfance qui lui demande d'enquêter au sujet d'un homme qui prétend être son oncle longtemps perdu de vue et qui serait réapparu subitement en pleine crise d'héritage. Une affaire étrange qui tourne à la série de meurtres atroce lorsque la seconde épouse du défunt patriarche est retrouvée morte au fond du puits du domaine, dans les mêmes circonstances où sa première épouse avait péri des années plus tôt. Quel sombre secret cache toute cette histoire et quel message le meurtrier tente-t-il de faire passer aux enquêteurs ? Malheureusement, l'inspecteur de police envoyé par le département de Gunma, Yamamura, est un empoté complet et seuls Conan et Yukiko sont en mesure de faire toute la lumière sur cette affaire très particulière.
Enfin, la dernière affaire amène Conan, Ran et Sonoko dans un chalet perdu en pleine montagne où ils retrouvent l'une de leurs anciennes institutrices en compagnie de plusieurs de ses collègues. Le séjour est toutefois gâché par une nouvelle série de meurtres et par l'arrivée impromptue d'un inquiétant journaliste faisant régulièrement allusion à une sombre affaire qui avait déjà impliqué ces différents protagonistes autrefois. Alors que Sonoko est agressée par le meurtrier et se retrouve à deux doigts de la mort, Conan réalise qu'ils sont tous menacés et qu'un psychopathe aux intentions troubles se trouve parmi eux. L'affaire en question est-elle vraiment à l'origine de cette série de meurtres lorsqu'une des victimes intentées n'a aucun lien avec cette dernière ? Ou l'objectif visé par le coupable est-il tout autre ?
Ces trois histoires, toutes très diversifiées et passionnantes, ont pour principal mérite d'arriver à raconter des affaires complexes et étonnamment captivantes tout en mettant en avant les développements des personnages de la série. Ca commence très fort avec une intrigue où Ran soupçonne d'emblée Conan Edogawa d'être son ami d'enfance disparu, le détective lycéen Shinichi Kudo. Si ce n'est pas une première, c'est toutefois la première fois que Gosho Aoyama aborde ce cliché narratif de manière aussi sérieuse, montrant une Ran déterminée à découvrir la vérité et beaucoup plus calculatrice et manipulatrice que par le passé, la menace étant cette fois beaucoup plus présente pour Conan qui ne se rend guère compte du danger qui le guette et du fait que la résolution de cette affaire risque de le confronter inévitablement aux soupçons de Ran à son égard. Si l'intrigue policière en elle-même n'est franchement pas l'une des plus réussies de la série, pas spécialement intéressante ou développée, l'intrigue entre Ran et Conan est bien le coeur de cette histoire et sa conclusion surprenante et inattendue est l'une des scènes les plus mémorables de ce début de série. Si bien évidemment l'auteur ne peut se permettre de faire découvrir la vérité à Ran à ce stade de l'histoire, ces événements vont toutefois avoir des conséquences qui vont se répercuter sur les volumes suivants pour atteindre leur finalité plus de dix tomes plus tard. Ran a enfin cessé d'être une potiche pour devenir un personnage à part entière de la mythologie de la série et de son évolution et l'intérêt du manga gagne énormément à avoir enfin un personnage féminin principal plus intéressant.
Après cette brillante entrée en matière, on poursuit avec le grand moment fort de ce volume: une enquête menée en famille par la mère et le fils Kudo. Entre l'affaire criminelle qui est tout bonnement excellente et bien complexe comme il faut et l'humour très présent et relevant de l'alchimie parfaite entre les personnages de Conan et de Yukiko, on tient ici une anthologie de la série. Les rebondissements ne manquent pas et le dénouement de l'affaire tient largement toutes ses promesses en terme de surprises, tout en introduisant enfin pleinement le personnage de Yukiko Kudo (trop brièvement aperçu au détour d'une affaire jusque là) dont le charisme fait immédiatement mouche, ainsi que l'inspecteur Yamamura dont la maladresse ne manque pas d'amuser la galerie, reprenant en quelque sorte le rôle d'un Kogoro qui est désormais représenté de manière un peu plus sérieuse durant certaines affaires. Si c'est de loin l'histoire la plus longue de ce volume avec pas moins de cinq chapitres, c'en est aussi indéniablement la meilleure et c'est à peine si on voit le temps passer à mesure que l'on tourne les pages.
Enfin, la dernière intrigue est le début d'une histoire de meurtres en série dans un chalet perdu en pleine montagne. La traditionnelle affaire à la Dix Petits Nègres où les personnages se retrouvent bloqués dans un lieu fermé en compagnie d'un meurtrier, ici un bâtiment coupé du reste du monde à cause d'une violente tempête de neige. L'auteur arrive à instaurer rapidement la nature dangereuse du lieu par le silence morne qui y règne, par l'agression rapide du personnage de Sonoko alors que les bases de l'affaire sont encore en train d'être posées (le criminel ne perd pas son temps pour attaquer), et surtout par une mise en scène impliquant une nouvelle fois le personnage de "l'ombre", révélant le coupable en pleine action sans toutefois dévoiler son identité. Si l'histoire n'est pas forcément particulièrement complexe, c'est sur la mise en scène que l'auteur met davantage l'accent pour le moment, créant une parfaite ambiance de thriller à mesure que les éléments continuent d'être introduits. On peut raisonnablement dire que le dernier élément important fait office de cliffhanger de fin de volume, marquant un tournant dans la narration de cette histoire. A partir de là, l'enquête (qui avait déjà débuté) va pouvoir se lancer dans une nouvelle direction...
Rien à redire de particulier sur ce tome qui est particulièrement plaisant à lire et, on peut raisonnablement le dire, l'un des meilleurs à ce stade de la série avec plusieurs affaires particulièrement réussies et des développements de personnages convaincants. Une lecture que je recommande à tous les fans du petit détective !