Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 02 Mars 2020
Chronique 2
Le label Moon Light, nouvelle collection des éditions Delcourt/Tonkam qui ne se veut pas assigné à un type éditorial tel que le shônen ou le seinen, a été lancée de belle manière en février 2020. Avec un light-novel et trois mangas, les lecteurs avaient de quoi se faire une première belle idée sur ce segment de l'éditeur, surtout marqué par des atmosphères mélancoliques. En parallèle au Prix du reste de ma vie et à Parasites Amoureux, c'est une autre adaptation d'un roman de Sugaru Miaki qui nous est proposé avec Derrière le ciel gris.
A l'origine du titre, on trouve le roman écrit par Sugaru Miaki, paru en 2016 au Japon. Le manga, lui, a démarré la même année, sous le crayon de loundraw qui se spécialise dans les versions mangas de romans comme dans l'illustration de light-novel. Prépublié sur Pixiv, il est édité physiquement aux éditions Kadokawa Shoten et compte actuellement deux volumes pour l'heure, au Japon.
Kumorizora a un don très spécial, celui de pouvoir contrôler les gens physiquement. Son pouvoir est utilisé par autrui, le garçon se voyant confier des « cibles » qu'il doit éliminer en faisant passer l'acte pour un suicide.
C'est ainsi que lui est confié le cas d'une adolescente, une lycéenne discrète et sans attache, qui a le portrait idéal pour le passage à l'acte. Mais la mission n'aurait pas de saveur si celle-ci était trop simple, aussi Kumorizora va chercher à faire prendre goût à la vie à la jeune fille, avant de mener à bien sa mission.
Le fantastique et la tranche de vie se côtoient une nouvelle fois dans un récit initié par Sugaru Miaki, proposant cette fois le concept d'un homme capable de manipuler ses victimes pour déguiser leurs assassinats en suicides. Sans réelle introduction, ce premier tome démarre alors que la mission du protagoniste a déjà débuté, et narrera l'évolution de celle-ci, jusqu'à certaines révélations qui auront pour effet de créer une certaine attente pour la suite de l'histoire.
Car c'est un démol de ce premier volume : Si celui-ci se lit facilement et divertit sans mal, l'intrigue manque encore un peu de punch, ce que la fin de tome apporte pour créer certaines ambitions, et donner l'impression d'un véritable mystère derrière les pouvoirs de Kumorizora. Car avant ça, le récit se résume à la relation très particulière entre les deux personnages principaux, à savoir le protagoniste qui n'attire que le dégoût du lecteur, et la demoiselle qui, tout au contraire, gagne notre compassion, à chaque fois un peu plus au fil des pages.
Et si l'ambiance mélancolique subsiste, et révèle une certaine efficacité grâce à cette même héroïne, il y a de quoi ne pas être toujours convaincu par cette relation hautement toxique entre l'adolescente et son futur bourreau. Oui, ce premier volume tente de développer une réflexion sur le prix de la vie, sur la liberté de chacun de quitter ce monde en temps voulu aussi, peut-être. Mais le tout manque encore un peu de richesse, mais les derniers éléments scénaristiques apportés par le tome pourraient bien y remédier, pour amener une suite plus percutante.
On ne reviendra donc pas sur Kumorizora, tête d'affiche de l'histoire qui s'apparente à un vulgaire héros cruel de manga à sensation pour adolescent. La psychologie de l'individu est encore très limitée, et c'est aussi un point qu'on aimerait voir étoffé dans la suite de l'histoire.
Visuellement, loundraw s'en tire très habilement, via un style très terne mais qui sublime l'ambiance mélancolique du titre. Ses personnages ne sont guère expressifs et affichent des visages souvent maussades ou renfrognés, ce qui semble être un parti-pris réfléchi par rapport à toute l'ambiance de l'intrigue. C'est finalement agréable, appuyé par une mise en page claire et efficace.
Côté édition, Delcourt/Tonkam nous offre un tome de bonne facture, proposant un papier fin et correct, ainsi qu'une bien belle couverture sublimée par un vernis sélectif bien utilisé. Le studio Charon est à la traduction et au lettrage, garantissant un bon travail, notamment dans l'atmosphère dégagée par le texte.
Alors, si Derrière le ciel gris est un titre plein de promesse, il faudra peut-être attendre la suite pour voir celles-ci honorées. Les ambitions font surface vers la fin de ce premier volet, tandis que les personnages manquent encore un chouïa de consistance, surtout le détestable protagoniste. A voir sur la suite, mais le titre ne sera probablement pas le plus marquant de la collection Moon Light, même s'il garde ses qualités.
Chronique 1
Ce mois de février 2020 semble assez important pour les éditions Delcourt/Tonkam avec le lancement d'une toute nouvelle collection: Moonlight. Derrière ce nom un peu cliché se cache une collection dans laquelle l'éditeur compte proposer des oeuvres basées sur l'émotion : touchants, mélancoliques, oniriques, etc... On est bien d'accord que ça ne veut pas dire grand chose (par nature, toute oeuvre peut provoquer de l'émotion, non ?), mais bon, ça a été présenté comme ça. Mais il reste que cette nouvelle collection pique la curiosité car elle ne se limitera pas au manga et proposera aussi des romans/light novels. Ainsi, ce sont un roman et trois tomes 1 de mangas qui débarquent simultanément ce mois-ci, et toutes ces oeuvres ont pour point commun d'avoir pour auteur d'origine Sugaru Miaki, un jeune romancier qui s'est fait remarquer au Japon à partir de 2013 avec son premier récit publié en version papier, le best seller Mikkakan no Kôfuku, paru en France l'année dernière dans la collection Young Novel des éditions Akata sous le titre Pour trois jours de bonheur j'ai vendu le reste de ma vie. Les quatre nouveautés en question sont donc le roman Parasites Amoureux, son adaptation manga, le manga Le prix du reste de ma vie (qui adapte le roman Pour trois jours de bonheur paru chez Akata)... et le mangaka qui nous intéresse aujourd'hui, Derrière le ciel gris.
De son nom original Aozora to Kumorizora, l'oeuvre est, à l'origine, une nouvelle que Sugaru Miaki a écrite en 2012, donc un peu avant ses débuts professionnels. C'est en 2016 qu'il a décidé de réécrire cette histoire professionnellement en l'enrichissant, et dans la foulée son adaptation manga a été lancée cette même année au Japon aux éditions Kadokawa. Au dessin de cette version manga, on trouve un nom qui vous dira peut-être quelque chose: loundraw, artiste multifacettes exerçant dans plusieurs domaines. Bien connu par avoir illustré l'édition japonaise du roman Je veux manger ton pancréas, il a aussi conçu des illustrations pour bien d'autres ouvrages, a effectué plusieurs travaux dans l'animation (character design de la série Tsuki ga kirei, réalisation, scénario, storyboard et animation du court-métrage Yume ga Sameru made qui a connu un beau succès sur internet, fondateur du studio Flat Animation en janvier 2019...), et est même le créateur et parolier du groupe de musique Chronicle. Derrière le ciel gris est son premier manga professionnel.
Dès les premières pages de ce manga, nous voici plongés auprès d'un être à la fois mystérieux puisqu'on n'apprend son nom que tardivement, et étrange de par le "travail" qu'il exerce: il appelle ça "nettoyeur", et il provient d'un don bizarre qu'il a vu naître en lui il y a quelque temps, celui de pouvoir prendre possession du corps d'autres personnes... afin de les pousser au suicide sans laisser de trace. Il ne semble pas trop savoir d'où lui vient cette mission: régulièrement, on lui indique de façon nébuleuse ses cibles, et à chaque fois c'est donc le même schéma. Prend le contrôle du corps de la cible, agir auprès des autres comme si elle pensait au suicide afin d'éveiller tout doucement leurs soupçons (de manière à ce que l'entourage se dise, une fois la cible morte, que son suicide n'est pas surprenant), faire le ménage dans ses affaires, écrire un message d'adieu, et enfin "se suicider". Il a déjà éliminé ainsi 6 cibles, sans savoir que sa septième proie, une adolescente semblant aussi fragile que pure, sera sa dernière mission, et va le bousculer en profondeur...
Si l'on se fie à ce que Sugaru Miaki a pu faire dans son roman Pour trois jours de bonheur, il y a une chose qu'il risque de falloir prendre en compte pour apprécier au mieux ce récit: l'absence de réelle explication sur le fonctionnement de la part surnaturelle des choses. Une nouvelle fois, cette part surnaturelle risque surtout d'être là uniquement pour servir le vrai propos de l'histoire, ici autour du suicide, de la mort et par celle-ci des bonheurs pouvant faire la vie.
Car ici, au fil de ce premier tome servant surtout à installer le rapport étrange de la fille-cible et du garçon devant la "suicider", on deviner tout un propos qui s'immisce tout doucement, au fur et à mesure que l'adolescente étonne notre "héros" au gré de ses réactions. Elle ne semble aucunement étonné d'avoir son corps possédé par un autre, parvient régulièrement à lui résister... et, surtout, ne semble aucunement attachée à la vie, au point de souhaiter que le garçon qui la possède parvienne au plus vite à la tuer comme il se doit. Mais le bonhomme semblant un peu sadique, il émet une décision tout autre: d'abord parvenir à redonner goût à la vie à cette jeune fille, pour mieux la tuer quand elle goûtera enfin à la joie de vivre.
Et on atteint là un peu les deux principales limites du scénario. Tout d'abord, le manque de cohérence du plan du gars: le voici qui prend possessions du corps de la demoiselle pour tenter de la sociabiliser, de la lier à ses camarades de classe, etc, alors que dans sa mission il doit précisément faire le contraire, à savoir donner l'impression à son entourage qu'elle n'est pas heureuse et pense au suicide. Ensuite, l'antipathie que dégage ce "nettoyeur": il pourrait effectuer sa mission vite fait, l'adolescente ne demandant pas mieux, et pourtant il ne peut s'empêcher d'avoir envie de la faire souffrir avant. Alors, est-ce que ce comportement cachera autre chose concernant ce garçon ? Ca, seule la suite nous le dira. Après tout, le héros du roman Pour trois jours de bonheur était lui-même très complexe dans ce qu'il pouvait dégager de bon ou de moins bon, alors peut-être que le roman d'origine de Derrière le ciel gris est pareil, et que c'est juste le manga qui peine à faire ressortir cette complexité pour l'instant.
A part ça, pourtant, hé bien ce récit dégage quelque chose d'assez hypnotique. Pas forcément dans les quelques rebondissements/révélations de l'histoire, qui sont pour l'instant on ne peut plus prévisibles. Mais plutôt pour le parfum de spleen qui se dégage de cette cible ayant elle-même traversé bien des choses, avec à la clé de possibles réflexions à venir sur la vie et ce qui peut faire son bonheur, entre autres choses.
Ensuite, la patte visuelle de loundraw n'est pas déplaisante du tout. On ne va pas se le cacher, il y a pas mal de petites inégalités, que ce soit dans les angles, dans les décors parfois trop pauvres, dans certaines cases où les silhouettes se distinguent mal... mais il y a aussi beaucoup de jolies choses, surtout dans la narration qui s'écoule avec une fluidité exemplaire sans jamais se brusquer, et dans les émotions très diffuses que dégagent discrètement et avec une certaine sensibilité les personnages (surtout l'héroïne, à vrai dire). Une copie visuelle imparfaite mais tout de même pleine de certaines qualités.
Difficile de juger l'oeuvre sur ce seul premier volume, mais dans l'ensemble Derrière le ciel gris s'offre une entre en matière intrigante, dotée d'une sensibilité contenue qui capte sans mal l'attention. En attendant de voir où le scénario va nous mener, et ce que l'oeuvre a réellement sous le coude !
En ce qui concerne l'édition, Delcourt/Tonkam veut visiblement bien faire les choses pour cette collection Moonlight, avec un logo spécifique démarquant bien la collection du reste du catalogue de l'éditeur, et une jaquette dotée d'un petit vernis sélectif sur le logo-titre. A l'intérieur, le papier est d'honnête qualité en étant souple et sans transparence, l'impression est globalement bonne même si certaines pages souffrent d'un moirage, et le travail de traduction et de lettrage du studio Charon est convaincant. On reprochera juste des fautes d'orthographe/conjugaison parfois grosses, mais rien qui n'entache vraiment le plaisir de lecture.
Le label Moon Light, nouvelle collection des éditions Delcourt/Tonkam qui ne se veut pas assigné à un type éditorial tel que le shônen ou le seinen, a été lancée de belle manière en février 2020. Avec un light-novel et trois mangas, les lecteurs avaient de quoi se faire une première belle idée sur ce segment de l'éditeur, surtout marqué par des atmosphères mélancoliques. En parallèle au Prix du reste de ma vie et à Parasites Amoureux, c'est une autre adaptation d'un roman de Sugaru Miaki qui nous est proposé avec Derrière le ciel gris.
A l'origine du titre, on trouve le roman écrit par Sugaru Miaki, paru en 2016 au Japon. Le manga, lui, a démarré la même année, sous le crayon de loundraw qui se spécialise dans les versions mangas de romans comme dans l'illustration de light-novel. Prépublié sur Pixiv, il est édité physiquement aux éditions Kadokawa Shoten et compte actuellement deux volumes pour l'heure, au Japon.
Kumorizora a un don très spécial, celui de pouvoir contrôler les gens physiquement. Son pouvoir est utilisé par autrui, le garçon se voyant confier des « cibles » qu'il doit éliminer en faisant passer l'acte pour un suicide.
C'est ainsi que lui est confié le cas d'une adolescente, une lycéenne discrète et sans attache, qui a le portrait idéal pour le passage à l'acte. Mais la mission n'aurait pas de saveur si celle-ci était trop simple, aussi Kumorizora va chercher à faire prendre goût à la vie à la jeune fille, avant de mener à bien sa mission.
Le fantastique et la tranche de vie se côtoient une nouvelle fois dans un récit initié par Sugaru Miaki, proposant cette fois le concept d'un homme capable de manipuler ses victimes pour déguiser leurs assassinats en suicides. Sans réelle introduction, ce premier tome démarre alors que la mission du protagoniste a déjà débuté, et narrera l'évolution de celle-ci, jusqu'à certaines révélations qui auront pour effet de créer une certaine attente pour la suite de l'histoire.
Car c'est un démol de ce premier volume : Si celui-ci se lit facilement et divertit sans mal, l'intrigue manque encore un peu de punch, ce que la fin de tome apporte pour créer certaines ambitions, et donner l'impression d'un véritable mystère derrière les pouvoirs de Kumorizora. Car avant ça, le récit se résume à la relation très particulière entre les deux personnages principaux, à savoir le protagoniste qui n'attire que le dégoût du lecteur, et la demoiselle qui, tout au contraire, gagne notre compassion, à chaque fois un peu plus au fil des pages.
Et si l'ambiance mélancolique subsiste, et révèle une certaine efficacité grâce à cette même héroïne, il y a de quoi ne pas être toujours convaincu par cette relation hautement toxique entre l'adolescente et son futur bourreau. Oui, ce premier volume tente de développer une réflexion sur le prix de la vie, sur la liberté de chacun de quitter ce monde en temps voulu aussi, peut-être. Mais le tout manque encore un peu de richesse, mais les derniers éléments scénaristiques apportés par le tome pourraient bien y remédier, pour amener une suite plus percutante.
On ne reviendra donc pas sur Kumorizora, tête d'affiche de l'histoire qui s'apparente à un vulgaire héros cruel de manga à sensation pour adolescent. La psychologie de l'individu est encore très limitée, et c'est aussi un point qu'on aimerait voir étoffé dans la suite de l'histoire.
Visuellement, loundraw s'en tire très habilement, via un style très terne mais qui sublime l'ambiance mélancolique du titre. Ses personnages ne sont guère expressifs et affichent des visages souvent maussades ou renfrognés, ce qui semble être un parti-pris réfléchi par rapport à toute l'ambiance de l'intrigue. C'est finalement agréable, appuyé par une mise en page claire et efficace.
Côté édition, Delcourt/Tonkam nous offre un tome de bonne facture, proposant un papier fin et correct, ainsi qu'une bien belle couverture sublimée par un vernis sélectif bien utilisé. Le studio Charon est à la traduction et au lettrage, garantissant un bon travail, notamment dans l'atmosphère dégagée par le texte.
Alors, si Derrière le ciel gris est un titre plein de promesse, il faudra peut-être attendre la suite pour voir celles-ci honorées. Les ambitions font surface vers la fin de ce premier volet, tandis que les personnages manquent encore un chouïa de consistance, surtout le détestable protagoniste. A voir sur la suite, mais le titre ne sera probablement pas le plus marquant de la collection Moon Light, même s'il garde ses qualités.
Chronique 1
Ce mois de février 2020 semble assez important pour les éditions Delcourt/Tonkam avec le lancement d'une toute nouvelle collection: Moonlight. Derrière ce nom un peu cliché se cache une collection dans laquelle l'éditeur compte proposer des oeuvres basées sur l'émotion : touchants, mélancoliques, oniriques, etc... On est bien d'accord que ça ne veut pas dire grand chose (par nature, toute oeuvre peut provoquer de l'émotion, non ?), mais bon, ça a été présenté comme ça. Mais il reste que cette nouvelle collection pique la curiosité car elle ne se limitera pas au manga et proposera aussi des romans/light novels. Ainsi, ce sont un roman et trois tomes 1 de mangas qui débarquent simultanément ce mois-ci, et toutes ces oeuvres ont pour point commun d'avoir pour auteur d'origine Sugaru Miaki, un jeune romancier qui s'est fait remarquer au Japon à partir de 2013 avec son premier récit publié en version papier, le best seller Mikkakan no Kôfuku, paru en France l'année dernière dans la collection Young Novel des éditions Akata sous le titre Pour trois jours de bonheur j'ai vendu le reste de ma vie. Les quatre nouveautés en question sont donc le roman Parasites Amoureux, son adaptation manga, le manga Le prix du reste de ma vie (qui adapte le roman Pour trois jours de bonheur paru chez Akata)... et le mangaka qui nous intéresse aujourd'hui, Derrière le ciel gris.
De son nom original Aozora to Kumorizora, l'oeuvre est, à l'origine, une nouvelle que Sugaru Miaki a écrite en 2012, donc un peu avant ses débuts professionnels. C'est en 2016 qu'il a décidé de réécrire cette histoire professionnellement en l'enrichissant, et dans la foulée son adaptation manga a été lancée cette même année au Japon aux éditions Kadokawa. Au dessin de cette version manga, on trouve un nom qui vous dira peut-être quelque chose: loundraw, artiste multifacettes exerçant dans plusieurs domaines. Bien connu par avoir illustré l'édition japonaise du roman Je veux manger ton pancréas, il a aussi conçu des illustrations pour bien d'autres ouvrages, a effectué plusieurs travaux dans l'animation (character design de la série Tsuki ga kirei, réalisation, scénario, storyboard et animation du court-métrage Yume ga Sameru made qui a connu un beau succès sur internet, fondateur du studio Flat Animation en janvier 2019...), et est même le créateur et parolier du groupe de musique Chronicle. Derrière le ciel gris est son premier manga professionnel.
Dès les premières pages de ce manga, nous voici plongés auprès d'un être à la fois mystérieux puisqu'on n'apprend son nom que tardivement, et étrange de par le "travail" qu'il exerce: il appelle ça "nettoyeur", et il provient d'un don bizarre qu'il a vu naître en lui il y a quelque temps, celui de pouvoir prendre possession du corps d'autres personnes... afin de les pousser au suicide sans laisser de trace. Il ne semble pas trop savoir d'où lui vient cette mission: régulièrement, on lui indique de façon nébuleuse ses cibles, et à chaque fois c'est donc le même schéma. Prend le contrôle du corps de la cible, agir auprès des autres comme si elle pensait au suicide afin d'éveiller tout doucement leurs soupçons (de manière à ce que l'entourage se dise, une fois la cible morte, que son suicide n'est pas surprenant), faire le ménage dans ses affaires, écrire un message d'adieu, et enfin "se suicider". Il a déjà éliminé ainsi 6 cibles, sans savoir que sa septième proie, une adolescente semblant aussi fragile que pure, sera sa dernière mission, et va le bousculer en profondeur...
Si l'on se fie à ce que Sugaru Miaki a pu faire dans son roman Pour trois jours de bonheur, il y a une chose qu'il risque de falloir prendre en compte pour apprécier au mieux ce récit: l'absence de réelle explication sur le fonctionnement de la part surnaturelle des choses. Une nouvelle fois, cette part surnaturelle risque surtout d'être là uniquement pour servir le vrai propos de l'histoire, ici autour du suicide, de la mort et par celle-ci des bonheurs pouvant faire la vie.
Car ici, au fil de ce premier tome servant surtout à installer le rapport étrange de la fille-cible et du garçon devant la "suicider", on deviner tout un propos qui s'immisce tout doucement, au fur et à mesure que l'adolescente étonne notre "héros" au gré de ses réactions. Elle ne semble aucunement étonné d'avoir son corps possédé par un autre, parvient régulièrement à lui résister... et, surtout, ne semble aucunement attachée à la vie, au point de souhaiter que le garçon qui la possède parvienne au plus vite à la tuer comme il se doit. Mais le bonhomme semblant un peu sadique, il émet une décision tout autre: d'abord parvenir à redonner goût à la vie à cette jeune fille, pour mieux la tuer quand elle goûtera enfin à la joie de vivre.
Et on atteint là un peu les deux principales limites du scénario. Tout d'abord, le manque de cohérence du plan du gars: le voici qui prend possessions du corps de la demoiselle pour tenter de la sociabiliser, de la lier à ses camarades de classe, etc, alors que dans sa mission il doit précisément faire le contraire, à savoir donner l'impression à son entourage qu'elle n'est pas heureuse et pense au suicide. Ensuite, l'antipathie que dégage ce "nettoyeur": il pourrait effectuer sa mission vite fait, l'adolescente ne demandant pas mieux, et pourtant il ne peut s'empêcher d'avoir envie de la faire souffrir avant. Alors, est-ce que ce comportement cachera autre chose concernant ce garçon ? Ca, seule la suite nous le dira. Après tout, le héros du roman Pour trois jours de bonheur était lui-même très complexe dans ce qu'il pouvait dégager de bon ou de moins bon, alors peut-être que le roman d'origine de Derrière le ciel gris est pareil, et que c'est juste le manga qui peine à faire ressortir cette complexité pour l'instant.
A part ça, pourtant, hé bien ce récit dégage quelque chose d'assez hypnotique. Pas forcément dans les quelques rebondissements/révélations de l'histoire, qui sont pour l'instant on ne peut plus prévisibles. Mais plutôt pour le parfum de spleen qui se dégage de cette cible ayant elle-même traversé bien des choses, avec à la clé de possibles réflexions à venir sur la vie et ce qui peut faire son bonheur, entre autres choses.
Ensuite, la patte visuelle de loundraw n'est pas déplaisante du tout. On ne va pas se le cacher, il y a pas mal de petites inégalités, que ce soit dans les angles, dans les décors parfois trop pauvres, dans certaines cases où les silhouettes se distinguent mal... mais il y a aussi beaucoup de jolies choses, surtout dans la narration qui s'écoule avec une fluidité exemplaire sans jamais se brusquer, et dans les émotions très diffuses que dégagent discrètement et avec une certaine sensibilité les personnages (surtout l'héroïne, à vrai dire). Une copie visuelle imparfaite mais tout de même pleine de certaines qualités.
Difficile de juger l'oeuvre sur ce seul premier volume, mais dans l'ensemble Derrière le ciel gris s'offre une entre en matière intrigante, dotée d'une sensibilité contenue qui capte sans mal l'attention. En attendant de voir où le scénario va nous mener, et ce que l'oeuvre a réellement sous le coude !
En ce qui concerne l'édition, Delcourt/Tonkam veut visiblement bien faire les choses pour cette collection Moonlight, avec un logo spécifique démarquant bien la collection du reste du catalogue de l'éditeur, et une jaquette dotée d'un petit vernis sélectif sur le logo-titre. A l'intérieur, le papier est d'honnête qualité en étant souple et sans transparence, l'impression est globalement bonne même si certaines pages souffrent d'un moirage, et le travail de traduction et de lettrage du studio Charon est convaincant. On reprochera juste des fautes d'orthographe/conjugaison parfois grosses, mais rien qui n'entache vraiment le plaisir de lecture.