Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 10 Septembre 2025
Suite à son rendez-vous secret de la veille avec son idole pour parler de cinéma et où un célèbre réalisateur a fini par les rejoindre, Miwa semble sur un petit nuage. Ayant presque l'impression que tout ceci n'était qu'un rêve, elle se remémore tout ça, notamment l'instant où Takashi Yatsumi lui a dit qu'elle était irremplaçable. Mais quand, un soir, elle croise dans la rue son ex ainsi que ses anciens collègues du vidéo-club avec qui elle avait du mal à s'entendre, et que ceux-ci la poussent à venir boire un verra avec elle "en souvenir du bon vieux temps", voici notre héroïne embarquée dans une nouvelle épreuve dont elle se serait bien passée...
Occupant une grosse première partie du volume, ces retrouvailles autour d'un verre sont, en premier lieu, l'occasion de mieux poser Kentarô Kidô, l'ex de Miwa, ainsi que Haruka et Abe, ses anciens collègues du vidéoclub, et de bien nous faire sentir les raisons pour lesquelles notre héroïne ne s'est jamais sentie à l'aise avec eux. Car chez ces trois-là, tout semble reposer sur les apparences, les querelles d'ego et les petites piques discrètes envers les autres pour mieux se mettre en avant, soit tout ce que Miwa n'est pas, elle la jeune femme simplement sincère dans sa passion pour le cinéma. Ainsi a-t-on un Abe jouant les faux-modestes, une Haruka langue de vipère en lâchant ses petits mots qui rabaissent l'air de rien... mais c'est surtout le fameux Kido qui a tout de détestable dans sa façon d'être. Une façon d'être où on le découvre calculateur, un brin stalker puisqu'il fait tout pour refaire tomber Miwa entre ses griffes, plein d'aplomb même quand il s'amuse à juger les gens sur trois fois rien, dénigrant les passions des autres, ressentant du plaisir en broyant les convictions des autres... En somme, le parfait pervers narcissique.
Uhei Aoki nous dépeint d'autant mieux le bonhomme que la majeure partie de ce passage est présenté à travers ses pensées, en faisant ressortir de plus belle son mode de fonctionnement, ses envies malsaines à l'égard de notre héroïne, et ces relations hypocrites où les belles paroles cachent les combats d'ego. Mais alors que Kido pense déjà pouvoir refaire tomber Miwa dans ses filets, il va petit à petit se confronter à une chose à laquelle il ne s'attendait pas: mine de rien, celle qui était si peu sûre d'elle autrefois a changé, sans pour autant trahir sa sincérité. pas de question d'ego chez elle, mais simplement une affirmation qui continue et dont les trois hypocrites en face d'elle ne manqueront pas de faire les frais grâce à ses paroles bien placées. Sans doute regrettera-t-on juste l'irruption finale de Takashi Yatsumi (qui arrive décidément partout au bon moment) qui a un goût de deus ex machina pour achever de façon trop facile toute cette séquence, mais on préférera vraiment retenir de ces dizaines de pages cette façon dont Miwa gagne en confiance sans en avoir conscience, et où son innocence et son absence de mauvaises attentions suffisent à fermer le clapet de ses interlocuteurs, simplement par la force de mots bien placés.
Une question se pose alors au bout de tout ça: d'où vient exactement ce changement en Miwa ? Bien sûr, les moments passés avec son idole Takashi Yatsumi n'y sont pas étrangers, tant ses échanges avec lui vont dans le bon sens, et tant, comme il est dit dans le tome, certains mots ont le pouvoir insoupçonné de changer une vie. Mais de manière générale, il faut surtout retenir la manière dont la jeune femme se sent acceptée pour ce qu'elle et pour sa passion au sein de la résidence de l'acteur, et c'est ce que la dernière partie du tome va s'appliquer à souligner, que ce soit à travers la question de la confiance que la pourtant si stricte Fujiura lui accorde, ou via la sympathie a priori non-feinte de sa collègue Ikezumi à son égard.
A l'arrivée, une fois les habituelles petites facilités occultées, on a un volume qui séduit beaucoup pour tout ce qu'il nous montre de Miwa, de sa sincérité pure face aux hypocrisies relationnelles, de l'évolution qu'elle connaît doucement mais sûrement sans que ça lui monte à la tête... le tout dans un travail d'écriture souvent très efficace, et avec toujours ce qu'il faut de références au cinéma.