Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 20 Août 2024
Jiji, ami d'enfance et premier amour de Momo, est revenu dans la vie de cette dernière. Particulièrement déjanté, le garçon est aussi la cible d'une malédiction qui pèse sur sa famille et sur sa demeure. Afin d'en élucider les raisons, le petit groupe se rend à son domicile afin de débusquer ce qui hante les lieux. Mais avant l'investigation, tandis que Momo part se prélasser dans les sources chaudes locales, Okarun et Jiji continuent de faire connaissance, cette fois en confrontant leurs sentiments pour leur amie respective...
Par sa fraîcheur, son aspect de comédie romantique libéré, son inventivité hors norme et ses inspirations narratives surréalistes, Dandadan est un petit OVNI dont les débuts se sont montrés marquants. Pourtant, il y a une ombre noire au tableau à côté de laquelle il est difficile de passer. Alors, balayons directement le seul point négatif de cette suite : les nouvelles situations de harcèlement sexuel visant Momo. Sous couvert d'humour et, parfois, de grotesque, Yukinobu Tatsu nous ressort cette carte qui devient assez lourde en termes de lecture, mais aussi particulièrement gênante tant Momo finit par devenir un simple objet de désir pour les personnages qui l'entourent. Bref, on croise les doigts pour que cet artifice "comique" s'estompe par la suite.
En dehors de ça, force est de reconnaître que ce cinquième volume est d'une maîtrise assez folle tant il réunit les forces de l'œuvre qui sont sublimées par les talents de conteur et de dessinateur du mangaka. L'histoire de la demeure de Jiji occupe l'entièreté de l'ouvrage et se paie même le luxe d'un cliffhanger, de manière à rendre l'arc irrésolu après la lecture. D'une situation simple, celle d'une maison hantée, Yukinobu Tatsu développe un cadre encore plus hybride que les précédents, où chaque personnage secondaire fait figure de véritable monstre dont on ne saurait déceler la vraie nature, jusqu'à faire évoluer la bataille dans un énorme tumulte où se confrontent toutes les inspirations majeures connues de la série jusqu'à présent. C'est non seulement explosif en termes de rythme, alléchant dans le travail de composition, mais aussi diablement inventif sur l'imagerie utilisée. De bout en bout, l'auteur nous transporte, partant de la fameuse situation où un groupe de quarantenaire s'attaque à Momo dans des bains publics, jusqu'à évoluer vers un un champ de bataille surnaturel où occulte et cryptides s'opposent, le tout dans une certaine cohérence.
Un tel postulat peut laisser entendre que la carte de l'excentricité est jouée à fond, et que l'humour trouve une place omniprésente pour justifier ces éléments qui s'entrechoquent. Là est tout le talent du mangaka : ce sont aussi les ambiances qui s'opposent et s'associent, ce cinquième volume passant du tumulte nerveux et capillotracté à des moments beaucoup plus touchants, pour ne pas dire poignants. La mise au clair de la situation centrale passe par un développement plus intime de l'une des menaces pour aboutir à un traitement poignant qui fait basculer le récit vers une forme de tragédie, ce que le troisième volume avait déjà fait avec l'arc de l'Accro-soyeuse dont l'issue avait de quoi mettre une larme à l'œil. Par les intentions narratives et par le visuel, Yukinobu Tatsu réitère, et cette dimension touchante nous pique au vif avant de laisser place à un cliffhanger étonnant qui fera regretter aux lecteurs de ne pas avoir le sixième tome sur la main...
Par le génie du récit, l'inventivité de son auteur sur tous les plans et sa capacité à nous accrocher sur intensément de la première à la dernière page, Dandadan demeure un vrai petit bijou que seul le "comique" de répétition autour des agressions sexuelles ciblant Momo viennent entacher. À côté, le talent de Yukinobu Tatsu est monstrueux, et cet opus ne viendra pas contredire cette idée.