Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 12 Février 2025
La publication française d'un manga de l'excellente Akiko Higashimura est toujours un petit événement pour nous. Et du côté des éditions Akata, après avoir proposé il y a quelques années le très joli et touchant "Trait pour trait", on a décidé de publier, à partir de ce mois de février 2025, l'autre série autobiographique de l'autrice: "Mama wa tenparist" (qu'on pourrait traduire par "Maman est tempérée" ), efficacement renommée en France en "La couche est plein", un titre qui donne d'emblée une bonne idée du contenu et de l'ambiance !
Prépubliée au Japon entre 2008 et 2011 dans feu le magazine Chorus des éditions Shûeisha, cette série en quatre tomes a marqué un tournant dans la carrière de la mangaka, en ayant remporté plusieurs prix et en ayant été son premier grand succès, juste avant qu'elle ne commence dans la foulée son incontournable Princess Jellyfish.
Le principe de cette oeuvre est simple: Akiko Higashimura y revient tout simplement, au travers de chapitres généralement courts, sur son quotidien éreintant de mère mangaka, pendant les premières années de vie de son fils Gotchan qui avait alors un peu plus de deux ans au moment où elle a commencé la série. Devant jongler entre les besoins de son bébé et son travail, qui plus est seule (elle était mariée à l'époque, mais son époux et elle vivaient séparément), Akiko gère aussi bien que possible ses épuisantes journées qui, au fil du temps, ont été faites de nombreuses étapes: l'accouchement compliqué, la tétée et les difficultés qu'elle a eues à gérer à la fois ses montées de lait et le sevrage de son enfant, les moments typique du quotidien comme les repas, les bains, les mises au dodo ou inévitablement les bêtises, l'arrivée des premiers mots du petit garçon et des petits mensonges avec eux... sans oublier les petits combats journaliers de cette mère !
Evoquant déjà énormément de choses au fil des environ 120 pages de ce premier volume, Higashimura laisse pleinement entrevoir les difficultés à élever un bébé tout en travaillant, qui plus est en étant quasiment seule pour ça, mais elle sait aussi faire ressortir les petites joies d'une mère attachée à son enfant et qui le voit petit à petit grandir en étant à la fois réjouie et attristée. Surtout, la mangaka a le mérite d'éviter un gros écueil dans lequel il est facile de tomber dans ce type d'oeuvre: elle ne se veut jamais conseillère ou donneuse de leçons. Bien au contraire, avec son humour un peu déjanté assez typique et très expressif (notamment quand elle fait agir Gotchan un peu comme un enfant roi jouant sur ses bonnes bouilles pour manipuler son petit monde), ainsi qu'avec une forte part d'autodérision, elle met très souvent en avant ses propres petites errances ou erreurs qui sont toutes naturelles quand on devient mère pour la première fois, puis souligne les nombreuses fois où, épuisée, elle n'est pas loin de péter un câble... et cela a tout naturellement le don de rendre son oeuvre très vraie, et d'en faire un excellent moyen d'accompagner et de déculpabiliser nombre de mamans.
La couche est pleine se révèle, ainsi, déjà être une franche réussite dans son genre, avec ce premier volume drôle, franc, authentique et rondement mené ! Et pour bien accompagner la lecture, on peut compter sur le soin apporté à l'édition française: la jaquette est soigneusement adaptée de l'originale japonaise par Tom "spAde" Bertrand, ce dernier livre également un lettrage très soigné, la traduction de Miyako Slocombe est à la fois très vivante et très claire en collant bien à l'ambiance de l'oeuvre et au caractère des personnages, et le papier assez épais et opaque permet une qualité d'impression très satisfaisante.