Color Recipe Vol.2 : Critiques

Voici déjà un long moment que Shôkichi subit les avances de son collègue du salon de coiffure Fukusuke, ce dernier semblant toujours plus amoureux de lui, si bien que les deux hommes ont fini par passer à l'acte ensemble. Cependant, Shôkichi n'affirme toujours pas un éventuel amour pour Fukusuke, si bien que ce dernier, même s'il a franchi un étape dans son rapprochement avec sa cible, n'est toujours pas satisfait: Shôkichi place toujours avant tout monsieur Mikado, son apprentissage et son travail. Or, Fukusuke ne sera satisfait que quand il sera le numéro 1 dans le coeur de Shôkichi et que ce dernier ne pensera plus qu'à lui... mais jusqu'à quelle extrémités cela risque-t-il de le conduire ?

On le sent bien, très vite: après un premier volume aussi chouette qu'ambigu, ce deuxième et dernier tome, au fil de ses 240 pages environ, est voué à amorcer un sérieux changement de ton, et cela ne manque vraiment pas. Dans un premier temps, tout commence par des petits détails et problèmes troublants au salon de coiffure, comme si quelqu'un cherchait délibérément à déstabiliser Shôkichi dans son travail, sous l'oeil inquiet de Fukusuke. S'agirait-il de Kazu, le nouvel apprenti avec qui Shô s'entend plutôt mal ? De Riku qui, derrière son joli minois, semble décidément cacher plus d'un secret ? Du stalker Kihara qui reviendrait à la charge malgré les menaces de Fukusuke ?

Bien que la réponse se devine assez facilement, ce qui en découle ne manque pas de dérouter volontairement le lectorat, tant Harada finit par y exposer toute l'ambiguïté et les aspects les plus inquiétants de son personnage principal. Cela passera pas des scènes de torture explicites quand le jeune homme se retrouve acculé, et surtout par la découverte du grand nombre de petites manigances effectuées pour manipuler sa cible afin qu'elle lui tombe dans les bras pour ne plus jamais en repartir. Et même quand on semble découvrir en Fukusuke un background plus compliqué et pouvant expliquer sa façon d'être (son incompréhension des relations humaines normales, sa peur d'être rejeté...), la mangaka parvient encore à nous faire douter dans une conclusion dérangeante à souhait.

On ne s'y attendait pas forcément au vu du premier tome, mais au final Color Recipe se classe parmi les mangas les plus dérangeants et malsains de Harada. Rien que pour ça, l'oeuvre divisera forcément, d'autant plus que l'aspect immoral perdure jusqu'au bout dans cette histoire où l'amour laisse largement plus place à la possessivité extrême et à la manipulation psychologique par un anti-héros proche du pervers narcissique par certains aspects. En revanche, on ne peut enlever à l'autrice que son histoire sort un peu des sentiers battus dans le genre, que son travail de manipulation et d'emprise fonctionne très bien via plein de petits détails, et que son rendu visuel reste aux petits oignons.