Coffee Moon Vol.1 - Manga

Coffee Moon Vol.1 : Critiques

Coffee Moon

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 19 Octobre 2022

Le moins que l'on puisse dire est que les éditions Doki-Doki semblent beaucoup croire en leur nouveauté de cette semaine, Coffee Moon, dont le premier tome paraît aujourd'hui-même: en plus d'être proposée en grand format (une chose rare chez l'éditeur), l'oeuvre a également droit à une jolie opération promotionnelle puisqu'un portfolio de cinq illustrations est offert pour l'achat du tome 1, évidemment dans la limite des stocks disponibles. Alors, cet engouement de l'éditeur pour son nouveau bébé est-il mérité ? C'est ce que nous allons essayer de voir dans les lignes qui suivent.

Derrière cette série, on retrouve un auteur déjà publié en France par le passé, mais dans un registre totalement différent: actif au Japon depuis le milieu des années 2010, Mochito Bota a effectivement commencé sa carrière, comme pas mal de mangakas, dans le hentai, et son recueil 18+ Milky Time est paru dans notre pays aux éditions Hot Manga en été 2019. Repéré pour ses qualités graphiques, il a ensuite pu lancer en 2020 au Japon sa toute première série "tout public", Coffee Moon, dans le magazine Dengeki Maoh de l'éditeur ASCII Media Works appartenant au groupe Kadokawa Shoten. La série compte 5 tomes à ce jour, et est toujours en cours.

Coffee Moon nous immisce auprès d'une pétillante adolescente du nom de Pieta. Le jour de son 16e anniversaire étant arrivé, elle semble particulièrement enjouée sur le chemin pour aller au lycée. Pourtant, les petits malheurs s'enchaînent sur son chemin: la pluie tombe en trombes, elle se fait éclabousser, elle s'assied sur un banc tout juste repeint... mais rien ne semble pouvoir entacher sa joie, à tel point qu'elle semble s'en persuader elle-même le plus possible. C'est un peu le même topo quand, à l'école, son amie Danaelo lui offre un surprenant cadeau qui n'a pas l'air de trop la surprendre, et quand, une fois revenue chez elle, sa mère lui fait une petite fête avec un gâteau et un cadeau auxquels elle semblait s'attendre. Oui, on le sent bien, quelque chose ne tourne pas tout à fait rond, et pour cause: cette journée, Pieta la revit pour la 1033e fois. Coincée dans une étrange boucle temporelle où elle revit en permanence le même jour, elle semble s'être résolue à trouver du bonheur dans cette routine. Du moins, jusqu'à ce qu'une simple petite discussion avec Danae ne bouleverse ce train-train...

Dès le départ, on peut assurément dire que Mochito Bota pique très bien la curiosité grâce à la construction de ses premières dizaines de pages: loin de dévoiler immédiatement la vérité sur cette boucle temporelle, l'auteur tâche plutôt de nous la faire sentir à travers le comportement de son héroïne qui, entre l'auto-persuasion que tout va bien et certains détails très intrigants (en tête quelques apparitions d'une mystérieuse fille lui ressemblant et lui adressant des paroles étranges), a quelque chose de faux.

L'intrigue nous happe alors assez facilement grâce à ce démarrage un brin ambitieux... Mais si l'atmosphère mystérieuse et un peu sinistre de cette situation est si réussie, c'est également en grande partie grâce au gros travail visuel du mangaka, où les designs résolument mignons des héroïnes (coupes de cheveux élaborées, traits assez ronds, tenues choupis, et surtout beaucoup d'expressivité notamment grâce aux yeux et à quelques exagérations) contrastent totalement avec des décors aussi omniprésents qu'ils sont angoissants et pesants. Ce côté pesant, on le ressent dès la première page où le dessinateur cristallise un peu tout les éléments contribuant à cette ambiance: des couleurs très grises et noires, une pluie qui s'abat sans fin, et une tour-horloge qui vient se refléter dans une flaque d'eau en semblant dominer en permanence le quotidien de Pieta avec sa masse imposante, comme pour lui rappeler constamment que le temps ne s'écoule plus normalement pour elle et qu'elle en est prisonnière. A cela, on peut ajouter d'autres choses: la chambre de notre héroïne bourrée de détails mais dont les murs semblent eux aussi l'enfermer, les gens tous vêtus en noir dans les rues et tenant tous le même parapluie sombre comme s'il étaient tous prisonniers d'une même chose, les hauts bâtiments et plus encore les grands gratte-ciels ternes semblant contenir toute la ville comme si on ne pouvait s'en échapper... Comme le dit alors si bien un certain personnage à un moment, ces gratte-ciels sous la pluie ressemblent à des tombeaux, et c'est alors comme si la ville tout entière assistait aux funérailles de la civilisation.

Le travail d'ambiance est tel qu'il justifie facilement le grand format, afin de s'y immerger au mieux. Mais évidemment, Coffee Moon ne se limite pas à un cadre pesant et à une jeune fille revivant en boucle la même journée: petit à petit, l'auteur distille ce qu'il faut de détails bizarres et d'éléments perturbateur, les premiers étant ce "sosie" énigmatique de Pieta qui se dresse parfois sur sa route, puis ce qui arrive à Danae: au contact de son amie, Pieta pourrait bien profiter encore plus de cette éternelle journée en osant sortir du droit chemin puisque, de toute façon, tout reviendra à zéro le lendemain... mais en réalité, notre héroïne n'a-t-elle pas déjà essayé ainsi de changer les choses ? On découvre alors une adolescente qui a préféré s'enfermer dans la routine car tout ce qu'elle a essayé auparavant ne l'a menée nulle part, voire a provoqué en elle des regrets, par exemple vis-à-vis de sa mère. Mais c'est aussi un autre élément qui pique la curiosité avec une chose évoquée dès les premières pages de façon discrète: le mystère de la société Tenebrism, du maire de la ville qui est aussi le patron de cette société et qui semble pas mal haï au point d'être la cible d'attentats, et surtout de sa fille Chiaro qui va rapidement prendre une place importante auprès de Pieta. Très solitaire, en apparence hautaine voire un peu inquiétante au départ, cette jeune fille se révèlera, peut-être, bien différente de l'image qu'elle renvoie. Enfin, à tout ceci, on peut ajouter quelques autres choses, notamment l'évocation d'une idée intéressante autour de la balance entre bonheur et malheur, et la façon dont les changements de comportement de Pieta d'un jour à l'autre risquent de dérégler les rouages de la journée, jusqu'à une issue possiblement dramatique.

On ne va pas le cacher: il est difficile de voir où l'auteur voudra nous mener exactement au bout de ce premier tome, mais ce n'est clairement pas pour nous déplaire. En attendant, le volume 1 de Coffee Moon accomplit très bien son rôle: piquer à vif la curiosité grâce à sa forte aura de mystère et aux différents éléments intrigants distillés, installer des héroïnes suffisamment plaisantes à suivre, et mettre impeccablement en place son atmosphère pesante grâce à un travail visuel suffisamment ambitieux.

Côté édition, en plus du grand format, on saluera aussi la présence de trois premières pages en couleurs sur papier glacé, un papier à la fois assez épais et souple permettant une bonne qualité d'impression, un lettrage soigné de Jean-François Leyssène, une traduction tout aussi convaincante de Jean-Benoît Silvestre, et une jaquette dont le concept reste très fidèle à celui de l'originale japonaise.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs