Chemin de l'amitié (le) - Actualité manga

Chemin de l'amitié (le) : Critiques

Kimi to Ginmokusei ni

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 21 Juin 2024

Elle nous avait totalement conquis entre novembre 2019 et juin 2022 avec sa très belle série "Demande à Modigliani!", et on l'avait ensuite retrouvée avec plaisir en novembre de cette même année 2022 via le one-shot "Bienvenue au café des chats!" : en ce mois de juin, Ikue Aizawa est de retour dans le catalogue des éditions naBan avec une troisième oeuvre, "Le chemin de l'amitié", une histoire dont les 15 très courts chapitres furent initialement prépubliés au Japon de 2020 à tout début 2022 dans le magazine mensuel Manga Town des éditions Futabasha (dans lequel l'autrice avait déjà proposé "Bienvenue au café des chats!", avant d'être regroupés là-bas en un unique volume d'environ 120 pages paru le 12 avril 2022.

De son nom original "Kimi to Ginmokusei ni" (littéralement "À toi et à l'arbre d'argent"), cette courte oeuvre commence par nous immiscer dans un village de pleine campagne japonais auprès d'Izumi Aikawa, un jeune garçon qui, parce qu'il préfère garder pour lui l'argent du bus que ses parents lui donnent, marche pendant deux heures chaque matin pour se rendre au collège. C'est précisément sur le chemin de l'école que, souvent, il croise un autre garçon de son âge qui marche dans l'autre sens, pour se rendre à un autre bahut que le sien. A force, Izumi en est venu à se poser des questions sur ce garçon: pourquoi lui aussi va à l'école à pieds alors qu'il semble riche au vu de son uniforme de collège privé ? Est-ce que lui aussi "détourne" l'argent donné par ses parents ? Pourquoi semble-t-il parfois un peu dans la lune en regardant les paysages autour de lui ? C'est finalement par une journée très chaude et ensoleillée qu'Izumi finit par adresser la parole à ce garçon, en lui proposant un jus de fruits. C'est là le premier pas vers une nouvelle relation qui pourrait leur apporter beaucoup.

Rien de plus qu'une jolie amitié, que le chemin vers l'école qui lui a donné naissance, et qu'un autre type de chemin, à savoir celui des différentes petites étapes qui vont amener Izumi et le dénommé Yôsuke Aihara à enrichir et à chérir ce lien. C'est tout ce que nous propose "Le chemin de l'amitié", un titre français qui est donc particulièrement bien trouvé, pour une lecture qui fait plutôt du bien, de la manière la plus simple qui soit.

En effet, il n'y a aucun grand chambardement au fil de cette lecture: au gré des saisons et de divers événements souvent classiques de cette période de la vie, on suit simplement ces deux garçons discuter avec plaisir et joie, se découvrir l'un l'autre, faire part de leurs loisirs et de leurs rêves, évoquer leurs petits échecs et autres déboires personnels... en ne perdant jamais de vue l'envie de juste profiter ensemble du moment présent avec une part d'insouciance propre à la jeunesse, en se disant tout, voire en s'encourageant quand ça va un peu moins bien. Dans cette sorte de poésie du quotidien assez lumineuse pour les deux garçons tout comme pour le lectorat, Ikue Aizawa n'oublie pourtant pas d'esquisser en filigranes, rapidement mais efficacement, deux contextes familiaux un petit peu délicats par certains aspects (il sera question de castration parentale, de divorce...), qui rendent cette amitié d'autant plus libératrice, en permettant même à nos héros de s'ouvrir encore un petit peu plus à d'autres personnes (on pense à Aiko, une fille très chouette derrière ses airs de déléguée trop sérieuse) et à découvrir des émotions nouvelles, voire des sentiments nouveaux. Et qui plus est, à travers le rêve de Yôsuke, la mangaka inclut à nouveau la question du rapport à l'Art et à l'imagination ainsi que ce que cela peut nous apporter, thème qui était déjà au coeur de "Demande à Modigliani!".

Forcément, la patte visuelle bien reconnaissable de la mangaka est impeccable pour porter ce genre de récit: on retrouve avec plaisir son rendu très artistique où elle se passe de toute trame classique pour plutôt offrir des décors et des remplissages manuels, ainsi que ses designs assez ronds, doux, expressifs et chaleureux. Surtout, son travail sur les décors autour du fameux chemin et de la campagne environnante contribue beaucoup au charme de l'ensemble, tant ces décors se veulent à la fois riches, clairs et agréables, d'autant plus qu'ils varient au fil des saisons.

Finalement, la seule grosse limite de cette oeuvre, c'est sa fin: même si la mangaka véhicule assez bien l'essentiel, la conclusion reste très abrupte, au point qu'une partie du lectorat pourra avoir le sentiment qu'elle n'a rien d'une fin. Et cette impression, évidemment, est renforcée par le fait que l'oeuvre soit courte en s'étendant sur à peine 120 pages. Néanmoins, cela ne gâche que très peu le ravissement simple que procure cette petite lecture, à même de séduire tout fan de jolies tranches de vie et tout adepte de la patte si jolie, personnelle et artistique d'Ikue Aizawa.

Enfin, du côté de l'édition française, c'est quasiment du tout bon, à commencer par le grand format qui permet de profiter au mieux du travail visuel d'Aizawa, mais aussi de ranger l'oeuvre à côté de ses précédents mangas qui sont au même format. A l'extérieur, la jaquette, sans fioritures, reste fidèle à l'originale japonaise. Et à l'intérieur, le papier est agréable à manipuler malgré une transparence parfois très prononcée, l'impression est bonne, le lettrage signé Ledocteurno est propre, et la traduction assurée par Pierre Sarot (qui était déjà à l'oeuvre sur les deux précédents mangas de l'autrice) est très claire.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs