Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 14 Juin 2022
De son nom original Boku ga Shiranai Kimi no Kao, Ce côté de toi que je ne connais pas est un one-shot yaoi qui est venu enrichir le catalogue des éditions Hana au mois de mars dernier. Initialement prépubliée au Japon en 2021 dans le magazine Gateau d'Ichijinsha avant de sortir en tome broché en mai de la même année, cette mini-série en 5 chapitres (pour un total d'environ 160 pages) est le tout premier livre de la carrière d'une certaine Fuji, une mangaka très discrète, qui a débuté professionnellement en 2013 mais n'avait auparavant signé que des histoires courtes dans quelques anthologies collectives.
On suit ici deux jeunes garçons, à savoir Aoba, étudiant à l'université, et Shô, d'un an son cadet. Sans être spécialement amis d'enfance, ces deux-là se connaissaient depuis tout petit car ils étaient voisins, mais en grandissant cela ne les a pas empêchés de s'éloigner naturellement l'un de l'autre. Cela faisait même deux ans qu'ils ne s'étaient pas du tout vus, avant que le hasard des retrouvailles ne pousse Aoba à lui proposer de vivre en colocation avec lui. Il faut dire que, quelque part, Aoba, qui a pris conscience de son homosexualité en grandissant, garde certains souvenirs forts de Shô: la fois où il l'a vu rentrer chez lui en pleurs sous la pluie, le fait qu'il lui donnait un surnom affectueux... Simplement, Shô attire à présent Aoba, et a un corps qui l'excite. Ils n'en faudra pas forcément plus pour qu'une relation entre eux deux s'installent...
Avec cette histoire de deux connaissances d'enfance (l'une gay et l'autre qui ne sait pas trop au départ car il est certain d'aimer les filles) qui s'étaient perdues de vue avant de se retrouver vite fait en coloc', on ne peut pas dire que Fuji recherche un minimum d'originalité dans son pitch de départ, et c'est un sentiment qui va se confirmer tout au long d'une lecture cousue de fil blanc. Tout en découvrant mutuellement certains de leurs passe-temps et de leurs traits de caractère, Aoba et Shô vont se rapprocher d'une manière somme toute expéditive, non seulement parce que la brièveté du récit contraint l'autrice à aller très vite, mais aussi parce que, assez vite, les premières scènes un peu érotiques arrivent un peu comme un cheveu sur la soupe. Cette trop grande rapidité, on la retrouvera dans les quelques vagues rebondissements/épreuves devant au final renforcer la relation des deux jeunes hommes, jusqu'à une conclusion plutôt basique et un peu rushée elle aussi.
Mais le classicisme et la rapidité d'une histoire peuvent toujours être contrebalancées par les qualités visuelles, surtout dans ce genre de manga... mais malheureusement, ce n'est pas vraiment le cas ici. La jaquette et les premières pages ont pourtant quelques sérieux atouts à faire valoir, surtout au niveau de certains décors (intérieurs, végétation) sont joliment enrichis par les trames. Mais étrangement, plus l'histoire avance, plus les dessins s'appauvrissent, et plus les limites visuelles sautent aux yeux: les visages et corps sont plutôt lisses, certaines anatomies sont un peu approximatives (surtout certains bras tendus), les trames et traits se font parfois plus grossiers, les fonds tendent à trop disparaître... Ce n'est jamais franchement laid, mais quasiment jamais franchement joli non plus.
Et c'est, à l'arrivée, le constat que l'on pourra faire de ce one-shot: il n'est jamais désagréable à parcourir, mais il manque cruellement d'une personnalité ou d'une richesse graphique qui, si elles avaient été là, auraient pu contrebalancer le côté extrêmement banal du scénario. Un yaoi malheureusement très anecdotique, donc, mais toutefois servi dans une édition assez soignée avec une qualité de papier et d'impression honorable, une première page en couleurs, un lettrage basique mais sans couacs, et une traduction suffisamment claire (même si elle manque un peu de vivacité) d'Angélique Mariet.