Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 31 Janvier 2011
"Puisque Karl Marx n'est plus de ce monde, laissez-moi vous expliquer..."
Après un premier tome qui présentait, au travers de l'histoire de Robin, un exemple de la dérive d'une société organisée selon les règles du capitalisme, l'adaptation manga du Capital prend ici un tout autre aspect, tant dans la forme que dans le fond ! En effet, nous serons surpris de voir apparaître à l'ouverture du tome le personnage de Friedrich Engels, confrère de Karl Marx et auteur de deux parties de l'œuvre. Personnalisé, "manga-isé", Engels devient alors le narrateur de cette partie, et joue le rôle de professeur en développant de nombreuses situations pour comprendre comment le système capitaliste est né, quels sont ses rouages, et ses travers.
Après avoir posé les concepts de bases que sont "valeur d'usage" et "valeur d'échange", Engels repart aux sources du système de troc, puis de système monétaire, et ainsi de suite. Puis, la notion de valeur de la force de travail, définie comme le nœud du problème capitaliste et déjà évoquée dans le premier opus, est ici particulièrement détaillée, décortiquée et désamorcée. Le tout, avec des mots et exemples simples, pour ne pas perdre le lecteur, et ce malgré des passages profondément techniques et poussés. Le cercle vicieux du système y apparait alors comme une évidence.
Mais que ceux qui ont apprécié l'histoire du premier volume se rassure : elle ne tardera pas non plus à revenir ! Servant de fil rouge aux démonstrations d'Engels, nous retrouvons la progression de Robin dans son exploitation fromagère. Si son affaire augmente, il ne peut s'empêcher d'exprimer quelques regrets quant à la mauvaise humeur de son personnel, regrets que Daniel ne tarde pas à réfuter en prétextant la (relative) liberté des ouvriers. Le récit fait ensuite la critique des systèmes bancaires, et introduit également une entreprise annexe dans l'affaire, histoire de dénoncer la fragilité de ce château de cartes pouvant avoir de terribles répercussions à sa chute pour tous les partenaires. Une chute qui ne tarde pas à arriver lorsque s'installe la concurrence...
Ainsi, les deux récits interviendront en parallèle, l'un ponctuant l'autre, de manière efficace et jamais artificielle. En se posant à la fois à une échelle humaine et à une vision plus globale du problème, la narration offre une relecture brillante de Marx, tombant peut-être dans un côté pédagogique scolaire, mais particulièrement efficace. On regrettera peut-être que la fin du récit soit paradoxalement assez optimiste pour Robin et la libération de ses problèmes. Néanmoins, cette version manga du "Capital" atteint pleinement son but : nous faire prendre conscience des failles du système qui régit nos vies depuis des dizaines d'années. De quoi réveiller quelques consciences !