Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 21 Janvier 2025
Sur son lit d'hôpital où il attend la mort tout en tâchant d'achever son dernier roman, Esemori a fini ses logues confessions auprès de Reiji, et ce dernier en ressort avec un arrière-goût particulièrement amer, en reprochant à cet homme (qui n'est, heureusement pour lui, pas son père) d'avoir ignoré les sentiments de Nagi dont il n'a jamais cherché à comprendre pourquoi elle voulait mourir, ainsi que ceux de Yûko qu'il a jugée sans jamais vraiment chercher à la comprendre, en continuant ainsi de se nourrir de leurs malheurs uniquement pour écrire son roman. Refusant de devenir comme ça lui aussi, l'adolescent se met alors en tête, plus que jamais, de retrouver Tchako et Gen avec qui il s'est enfui jusqu'à Tokyo, mais les indices sont très maigres, et c'est finalement par le biais d'autres retrouvailles qu'il pourrait avoir une piste: celles avec Nagi, croisée à l'hôpital. Passant du temps avec la jeune femme, il apprend notamment que celle-ci va bientôt avoir un rôle dans un film inspiré d'un roman d'Esemori, la nouvelle risquant d'avoir un impact fort sur Tchako, elle qui avait déjà le sentiment que l'idol ne cesse de lui voler tout ce qu'elle veut... Mais pour en voir plus de ce côté-là, il faudra patienter, car l'essentiel de ce volume continue de se dérouler dans l'étouffante ville d'origine des adolescents, principalement au sein de la maison des Kurose où bien des choses se passent encore.
Nous avions laissé Yuri Shibasawa alors que, sous l'impulsion de Yûko pour faire revenir Reiji, elle a envoyé un sms au jeune garçon, le message restant lu mais sans réponse. L'enseignante pourrait alors se contenter d'attendre et espérer le retour de son ancien élève avec lequel elle avait une relation étouffante, mais ce serait sous-estimer les deux autres pensionnaires de la demeure, jusque-là plutôt discrets: la grand-mère de Reiji, et son grand frère Kazu, qui ont eux-mêmes des choses à raconter sur certains secrets des Kurose, et qui semblent certains que Yûko manipule son monde depuis bien longtemps. Les nouvelles révélations, bien distillées, éclairent encore sous un jour nouveau certains éléments, et enrichissent même grandement le personnage de Kazu, via ses propres origines biologiques, son statut de grand frère et son rapport complexe avec Yûko. Et c'est dans ce contexte qu'un déclic a lieu en Yuri: va-t-elle suivre sagement ce que Yûko prévoit pour Reiji et elle (ce qui lui conviendrait tout à fait, dans le fond), ou va-t-elle choisir de se battre contre elle-même pour essayer de se libérer de ses chaînes ?
C'est surtout par l'intermédiaire de celle s'affichant avec détermination sur la jaquette que des choses bougent donc dans ce tome. Et pourtant, c'est toujours le cas de la mère de Reiji qui intrigue le plus, car derrière ses aspects les plus manipulateurs faisant aller les autres vers la mort, ce qu'elle dit de son propre passé à Yuri reste toujours assez certain a priori, puisque Esemori a raconté la même chose à Reiji. C'est là ce qui reste la principale force de Boy's Abyss: la complexité de personnages tous pris dans les chaînes de cette ville, de leur passé, de leur condition, et dans un rapport à la mort particulièrement dépressif. On se demande de plus belle où Minenami Ryo compte emmener ses personnages, et son lectorat par la même occasion. Mais une chose est sûre: on suit tout ça avec un intérêt décuplé, car après avoir connu quelques petites longueurs, la série reste sur une dynamique très intéressante depuis désormais trois tomes.