Bota Bota - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 02 Octobre 2025

Entre plusieurs séries longues, divers one-shot et une flopée d’histoires courtes, Paru Itagaki est une mangaka prolifique. A ce titre, chaque sortie chez nous est attendue, et Ki-oon doit désormais suivre le rythme d’une autrice incontournable de son catalogue. Après "Beastars", "SANDA" s’est longuement fait attendre, et il est probable que l’éditeur ait attendu le bon timing avec l’adaptation animée à venir. Et comme le fer doit être battu tant qu’il est chaud, Ki-oon profite de la période de diffusion de l’anime pour nous offrir "Bota Bota", one-shot de Paru Itagaki dont la connexion avec "SANDA" est certes fine, mais bien présente !

La genèse de l’ouvrage nous est racontée au sein même de celui-ci. En 2018, la mangaka publie l’histoire courte "Barbe blanche et Miss nénés" au sein du magazine seinen Manga Goraku de l’éditeur Nihon Bungeisha, réputé pour ses titres underground et ses récits hard boiled qui destine la revue à un lectorat adulte plus qu’adolescent. Dans cette nouvelle, il est question d’un homme d’âge mûr qui recourt aux services d’une prostituée. Sauf que le client n’est autre que le Père Noël ! Plutôt que profiter des services charnels qui lui sont proposés, ce dernier en profite pour accomplir une mission bien précise. Le personnage semble marquer Paru Itagaki, en tout cas suffisamment pour qu’elle demande l’autorisation de réexploiter ce Papa Noël atypique dans une histoire à destination du lectorat shônen, dans une revue concurrente. L’éditeur de chez Nihon Bungeisha accepte… à une condition : l’autrice doit publier une autre œuvre dans sa revue. Ainsi naquit "Bota Bota", courte série en 8 chapitres qui fut aussi l’une des premières expériences de la mangaka avec des personnages humains plutôt qu’avec des figures d’animaux anthropomorphes.

L’histoire est celle de Mako, une jeune femme mysophobe dont la maladie prend une forme des plus particulières. Dès qu’elle est en contact avec la saleté, son nez saigne abondamment, au point de pouvoir lui provoquer une hémorragie. Alors, quand il est question d’amour et de sexe où les zones caressées sont des nids à microbes, la particularité de Mako fait immédiatement surface. Dans ce contexte, les relations charnelles lui sont interdites, et la situation la frustre au plus haut point. Elle ne perd pourtant pas espoir et espère pouvoir trouver l’individu qui passera outre ces flots de sang pour passer un moment fougueux avec elle.

Paru Itagaki est friandes des concepts atypiques, et "Bota Bota" en est une nouvelle preuve indéniable. Le sein pitch du one-shot flair l’OVNI, une singularité qui va de pair avec la patte artistique tout aussi unique de l’autrice. En ouvrant l’ouvrage, on ne sait pas vraiment à quoi s’attendre. À une comédie érotique ? À une tranche de vie décalée ? À un drame humain ? "Bota Bota", c’est un peu de tout ça. La mangaka nous offre ici un récit à l’identité forte dans lequel elle inculque tous les éléments phares de ses œuvres, partant du point de démarre saugrenu à un résultat final d’une grande richesse thématique où se confrontent les genres et les ambiances.

Car "Bota Bota" ne se suffit pas à sa simple amorce à base d’une héroïne en proie à une frustration sexuelle couplée à sa particularité physique atypique. Certes construit comme une anthologie où chaque chapitre narre une histoire supplémentaire (du moins, au départ), le manga finit par développer un véritable fil rouge et une continuité à la fois scénaristique, mais aussi dans ses sujets traités. Plus qu’une comédie grivoise, le one-shot devient un drame humain et une véritable thérapie pour cette héroïne très focalisée sur son handicap. Cette facette cache celle de traumas, et surtout un parcours de vie dans une société où les humains, hautement imparfaits, ne sont que rarement des êtres totalement dignes de confiance. De fil en aiguille, grâce aux divers développements de Mako et aux quelques flashbacks qui viennent garnir sa psychologie et son passé, la lecture nous livre un portrait dense de ce personnage unique. Au-delà de ce portrait, Paru Itagaki dresse un portrait de société très différent de celui établi dans "Beastars", abordant frontalement les vices des adultes et les impacts psychologiques à long terme que nos traumas peuvent occasionner. "Bota Bota" est un récit qu’on peut aisément analyser sous tous les angles et mettre en parallèle avec nos expériences, ce qui en fait une œuvre grandement intelligente et capable de parler à tout lecteur. Si le manga est né de la « contrainte » (avec de grands guillemets puisque l’autrice évoque les coulisses dans une courte bande dessinée aux tons humoristiques), il est un récit abouti, qui fourmille d’idées et qui développe ses thématiques aussi habilement que son scénario tantôt drôle, tantôt dramatique... mais toujours narré dans une originalité de ton et de forme ! Car la narration est inspirée et lourde de sens, tout particulièrement dans les esthétiques horrifiques que la mangaka cherche à insuffler, rappelant notamment le célèbre Carrie de Brian de Palma, tiré du roman de Stephen King.

"Bota Bota" ne peut donc pas laisser indifférent le fan de Paru Itagaki, de ses idées excentriques, de ses tons loufoques et de ses différents degrés de lectures riches. On sent chez la mangaka un certain plaisir à parler à un lectorat adulte entre deux longues séries shônen, raison pour laquelle on prie pour pouvoir découvrir un jour "Ushimitsu Gao", série toujours en cours, mais qui semble se trouver dans cette lignée par son mélange de comédie et d’horreur dans des tons matures.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
18 20
Note de la rédaction