Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 19 Septembre 2013
Chaque tome de Bonne nuit Punpun est attendu comme le Saint Graal pour les fans d'Inio Asano, ces derniers étant prêts à décortiquer sous toutes les coutures le nouvel ouvrage que nous a concocté l'auteur. La fin du précédent volume avait mis plus d'un lecteur sur le derrière, la lecture se terminant sur une scène d'une intensité incroyable. Ce septième volume était donc attendu de pied ferme et ce, pour une raison : comment va évoluer notre petit Punpun après le drame qu'il vient de vivre ? Plusieurs éléments de réponse seront apportés dans ce septième tome. Ce qui pourra interloquer le lecteur avant même de commencer la lecture, c'est la première de couverture de l'ouvrage. Elle associe des éléments très contradictoires : la couleur verte pomme, vive, représentant l'espoir et les flèches inclinées vers le bas qui évoquent une régression latente.
Ce volume 7 est clairement synonyme de nouveau départ pour Punpun. Inio Asano contribue à cette renaissance en adoptant un ton direct et un poil ironique dans son sommaire. Le mangaka n'y va pas par quatre chemins, va tout de suite à l'essentiel, présente les personnages en quelques mots et brosse un résumé très concis des tomes précédents.
Le début du tome est donc la suite logique du précédent volume, nous retrouvons bien évidemment Punpun qui tente, tant bien que mal de passer à autre chose après le drame qu'il vient de vivre. Les paysages urbains répondent, une nouvelle fois, à l'appel et nous rappellent à quel point le monde dans lequel évolue Punpun est très strict.
Inio Asano arrive même a dégager chez Punpun, une aura assez étrange et cruelle. Le fait que Punpun soit représenté par le biais d'un oisillon y est peut-être pour quelque chose. À titre personnel, le mutisme du personnage et la façon dont il est dessiné m'a toujours donne une drôle d'impression. Que pense Punpun ? Est-il affecté par ce qu'il vient d'arriver ? Toute personne ayant vécu ce drame serait profondément blessée mais le mangaka préfère masquer cette blessure et laisser son protagoniste avancer sans dire un mot.
D'un point de vue narratif, Inio Asano expérimente de nouvelles choses et continue de nous dresser un portrait pessimiste de notre société actuelle : une société de perfection et de consommation. Par le biais du chapitre 70, l'auteur alterne judicieusement entre des représentations de notre vie quotidienne ainsi que quelques actions un poil naïves et singulières. Ce procédé de narration fait beaucoup penser à celui utilisé par Danny Boyle dans son film culte : Trainspotting. Il est d'ailleurs étonnant de voir que l'œuvre majeure du réalisateur britannique et l'ensemble très personnel du mangaka ont quelques similitudes. En effet, les deux travaux narrent les tourments de personnes d'une même tranche d'âge (Renton et sa bande pour Trainspotting, Punpun pour l'oeuvre d'Inio Asano), le but de chaque œuvre est quasiment identique : explorer le passage d'un ou plusieurs protagonistes de l'adolescence à la vie adulte. La principale différence qui subsiste entre les deux travaux est la non-prise de produits illicites de la part de Punpun.
Visuellement, le coup de crayon d'Inio Asano reste inchangé. Il fait preuve d'une densité remarquable et est toujours très agréable à l'oeil. Une fois de plus, le lecteur pourra remarquer lors de sa lecture que Punpun est perdu. Il ne sait pas où aller, vers qui se tourner et toute cette détresse est transmise au lecteur par le biais d'une double page épatante.
Comme indiqué ci-dessus, ce septième volume est donc un nouveau départ pour Punpun, l'adolescent prenant ses premières responsabilités et commençant à s'écarter tout doucement de son cocon familial très instable et meurtri. Les récents évènements ont eu beau perturber Punpun, ce sont ces tourments qui lui ont permit d'aller de l'avant et de commencer à prendre son indépendance. Premier appartement, premier portable : Punpun ne cesse de grandir et finit par aller de l'avant en laissant de côté tout ces moments de doutes qu'il a traversé auparavant. Par ailleurs, Inio Asano a toujours voulu donner un côté frêle et inoffensif à Punpun, notamment grâce à la manière dont il est conçu. Cet aspect très crédule et dupe a un effet à double tranchant : il peut laisser transparaître les émotions du personnage. Cette avalanche de frissons se fera ressentir lorsque Punpun retrouvera, par le plus grand des hasards, une personne qui compte énormément pour lui. Il en résultera tout un chapitre très intense composé de double pages et de mots très sincères. Punpun passera par tout ses états et cet afflux de sensations ira à contre-courant du Punpun un brin ingénu que nous avions découvert au début du tome.
Les personnages secondaires seront, bien évidemment, encore présents dans ce septième volume de Bonne nuit Punpun et il est intéressant de voir qu'Inio Asano prend le temps de développer l'intégralité de ses personnages, même ceux les moins importants. Le mangaka leur confie une attention toute particulière et ces antagonistes apportent leur grain de réalisme à cette formidable œuvre qu'est Bonne nuit Punpun.
Côté édition, c'est du tout bon. La prise en main de l'ouvrage est très confortable, aucune faute n'est à souligner, que ce soit au niveau de l'orthographe ou de la syntaxe et l'impression est parfaite.
L'excellence a toujours été le leitmotiv d'Inio Asano et ce, concernant toutes ses œuvres. Bonne nuit Punpun continue de rester dans cette optique et nous avons le droit, une fois de plus, à un grand volume de la part de l'auteur. La vie, l'authentique, celle composée de moments de bonheur, de peine et d'insouciances, se trouve dans Bonne nuit Punpun. Il y a peu de moments aussi passionnants que la communion entre un lecteur et un mangaka dans l'immensité d'un livre ouvert. Toutes les clés sont là, à portée d'yeux. Alors à vous de jouer.