Chasse au cadavre Vol.1 : Critiques

Bokutachi no shitai sagashi

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 27 Novembre 2023

Chronique 2 :


Le segment thriller du manga est en vie constante, représenté par des titres qui ont largement trouvé leur public (Gannibal), tandis que d'autres mangas restent dans l'ombre, peut-être à cause de l'afflux de nouveautés. "Chasse au cadavre" est l'un de ces récits, que votre serviteur a découvert par la recommandation de sa libraire, preuve qu'on peut passer à côté de bien des pépites malgré son intérêt et sa curiosité.

Pourtant, la présente œuvre est loin d'être celle d'un inconnu. Hôsui Yamazaki, le mangaka, est le dessinateur de Kurosagi : livraison de cadavre, qu'il a réalisé aux côtés d'Eiji Ôtsuka. De l'artiste, nous connaissons aussi la courte œuvre Mail, qui a bien moins faite parler d'elle.

"Chasse au cadavre", ou "Bokutachi no Shitai Sagashi", est la dernière œuvre en date de l'auteur. Lancée en 2022 sur le site Manga Top des éditions Nihon Bungeisha, elle compte à ce jour 3 opus au Japon, et est toujours en cours. Difficile alors de juger le potentiel de la série par rapport à sa durée, bien que l'expérience de ce premier volume se montre grandement satisfaisante.

Au collège, Isshin et sa petite bande nourrissent un projet bien particulier : retrouver la trave d'Ayano Hirakawa, une petite fille que fut leur camarade en école primaire, et qui a mystérieusement disparu il y a deux ans. Leur seul indice est la photographie d'un suspect affublé d'un masque de tengu, mais c'est par un autre élément qu'Isshin est parvenu à trouver la localiser du drame : le pylône électrique en arrière-plan. Après deux années de recherche, le groupe a pu localiser l'installation, et c'est par ses propres moyens qu'il se met en route...

Une affaire de disparition d'enfant, certes. En partant de ce pitch, "Chasse au cadavre" ne semble pas apporter grand-chose de neuf. Pourtant, le début du récit de Hôsui Yamazaki se révèle particulièrement entrainant par sa formule qui rappelle grandement certains films comme "Les Goonies" (lui-même cité dans l'ouvrage) ou plus récemment le premier chapitre de "Ca". L'enquête se place donc du point de vue de collégiens, des adolescents pour qui l'investigation s'apparente à un vrai voyage au cœur de la campagne japonaise. À la noirceur de ce début d'œuvre se couple donc une certaine forme d'innocence, une pureté proche de ces films des années 80 qui restent enchanteurs, d'une certaine manière. Car l'auteur n'oublie pas donc plus la gravité des enjeux, aussi celle-ci vient régulièrement rattraper le jeune quatuor qui pourrait s'être lancé dans une affaire qui la dépasse largement... tout comme dans ces histoires qui nous ont marqués plusieurs décennies auparavant.

C'est presque sous la forme d'un road trip que se développe cette première partie d'histoire, marquée par des avancées et des rebondissements distillés à très bon rythme, de manière à ne jamais aller trop vite en besogne ni faire traîner le récit. Au contraire, le mangaka nous laisse profiter de l'ambiance rafraîchissante de son titre, marquée par les interactions entre jeunes personnages, tout en amenant des progressions de l'intrigue à quelques moments précis. Aussi, le rôle de ces adolescents face au monde adulte est particulièrement bien dosé, tant ceux-ci ne sont jamais sous-estimés par ceux qui les entourent, mais sont considérés sérieusement... et peut-être même par le meurtrier en personne ! À ce sujet, ce premier opus ne manque pas de proposer des pistes et des éléments qui nous font tiquer, avec sans doute quelques pièges au programme afin de mieux nous surprendre par la suite.

Pour toutes ces raisons, l'amorce "Chasse au cadavre" est particulièrement savoureuse et palpitante, garnie d'une bonne énergie, sans jamais oublier son mystère clé qui prend de l'ampleur au fil des pages. Nous verrons ce qu'il en sera sur la durée, mais le dernier titre en date de Hôsui Yamazaki nous charme dès son premier tome !

Côté édition, Casterman offre une bonne copie, que ce soit dans la fabrication ou dans la traduction signée François Boulanger. Ce dernier propose un texte excellent, surtout dans les conversations entre collégiens particulièrement authentiques, ce qui aide dans notre plongée au sein de l'œuvre.



Chronique 1 :


Hôsui Yamazaki est un auteur que l'on avait pris plaisir à découvrir en France chez Pika Edition il y a déjà plusieurs années, tout d'abord avec l'oeuvre Kurosagi - Livraison de cadavres où il mettait en images, de façon assez cinématographique, des histoires aux différentes tonalités (morbides, dramatiques, décalées, absurdes...) imaginées par l'illustre Eiji Ôtsuka, puis avec la série d'enquête horrifique en 3 tomes Mail. Pika ne semblant malheureusement pas enclin à publier un jour la suite de Kurosagi, ce sont les éditions Casterman qui, après quelques années d'absence du mangaka dans notre langue, le remettent enfin en avant en lançant en cette fin juin sa toute dernière série en date: Chasse au cadavre. De son nom original Bokutachi no shitai sagashi (dont le titre français est une traduction assez proche), cette oeuvre a été lancée au Japon assez récemment, en 2022, sur le site Manga Top des éditions Nihon Bungeisha, et elle compte seulement deux volumes à l'heure où ces lignes sont écrites.

L'oeuvre s'ouvre sur trois premières pages on ne peut plus sinistres: sous un pylône, un groupe de quatre enfants déterre avec effroi un cadavre. Ces quatre enfants, on les retrouve ensuite bien avant ce sordide événement, dans le cadre de leur collège. Sous l'impulsion de leur "leader" Isshin (ou Kazuma) Inui, un garçon téméraire passionné de pylônes électriques (si si), ils s'apprêtent à profiter des vacances d'été pour partir à l'aventure, sans le dire à leurs parents et à leurs proches, pour aller en vélo jusqu'au Mont Fukui (à plus de deux heures en train, donc imaginez à vélo) à la recherche d'Ayano Hirakawa, une camarade de classe qui a soudainement disparu, deux années auparavant quand ils étaient encore en primaire, sans jamais avoir été retrouvée et sans qu'un coupable soit arrêté. Isshin en est effectivement sûr: en tant que passionné de pylônes,il a reconnu celui figurant sur la mystérieuse ultime photo qui a été envoyée par Ayano par smartphone et qui affiche un homme camouflé par un masque de tengu. Sont embarqués dans l'aventure: Sôta Tayasu, le meilleur ami de d'Isshin qui est qualifié d'un peu lent à la détente en plus d'être un peu enrobé et de beaucoup penser à la nourriture, puis Haruto Sakashita, un garçon ingénieux bien qu'un peu frimeur et adepte des histoires surnaturelles, et enfin Rin Sakurada, jeune fille qui n'était pas prévue au programme mais qui s'impose dans la petite bande de force avec son petite caractère qualifié de garçon manqué. La galerie est clichée et pourrait presque exaspérer un peu via un stéréotype comme Sôta, mais heureusement on oublie vite ce petit écueil pour se plonger très facilement dans la quête de ces quatre enfants. Une quête qui, petit à petit, va se faire de plus en plus inquiétante et dangereuses...

Pour nous faire comprendre cette dangerosité pas forcément prévue par ces quatre gosses, Hôsui Yamazaki s'appuie essentiellement sur deux ficelles classiques du genre mais efficaces. L'une n'est autre que la narration: celle-ci passe régulièrement par Isshin qui est en quelque sorte narrateur du récit et qui nous fait bien comprendre que le quatuor vient de s'engager dans une affaire qui va rapidement le dépasser. Et l'autre est l'accumulation de petits détails inquiétants qui font sentir que les enfants s'engagent dans une voie qu'ils devraient peut-être abandonner au plus vite s'ils ne veulent pas subit de représailles: on semble les guetter (s'agit-il de l'homme au masque de tengu ?), leur carte disparaît pendant qu'ils font des courses à la supérette, ils reçoivent un appel anonyme leur conseillant d'arrêter de rechercher Ayano, une voiture semble les suivre... Et si certains de ces éléments se résolvent déjà, d'autres se font toujours plus inquiétants.

C'est sur ces bases que nos quatre jeunes personnages principaux accomplissent leur périple, en avançant tout doucement vers une possible vérité sur le sort d'Ayano (est-elle morte ? Si oui, où est son corps, et qui est le meurtrier ? S'agit-il bien de l'homme au masque de tengu ?), tandis que se profilent dans l'ombre des complexifications: un possible lien avec une autre affaire dite du "tengu kidnappeur" ayant eu lieux dix ans auparavant, la possibilité d'une grosse erreur judiciaire dans cette affaire-là avec l'arrestation d'un innocent, la suspicion que le vrai coupable se trouve au sein-même de la police (et là-dessus, c'est sûrement volontaire mais l'auteur est beaucoup moins fin, tant ses indices sont gros en cassant un peu le mystère assez vite dans le tome), ou même une petite pointe de surnaturel qui fait son apparition quand Isshin voit sa camarade disparue Ayano apparaître devant lui...

Dans l'ensemble, il s'agit alors d'une entrée en matière efficace pour Chasse au cadavre. Donnant une nouvelle fois dans un type de récit qu'il connaît bien après des séries comme Kurosagi et Mail, Hôsui Yamazaki ne propose pas de surprise particulière pour l'instant, mais soigne bien les choses de façon à nous accrocher sans la moindre difficulté et à nous donner envie de voir jusqu'où cette histoire va aller. L'essentiel est donc accompli !

Enfin, quelques mots sur l'édition française, qui est très bonne: le papier souple et assez épais permet une bonne qualité d'impression malgré une très légère transparence parfois, le lettrage ainsi que l'adaptation d'Erwan Lossois sont convaincants, et la traduction de François Boulanger apparaît vivante et naturelle.


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Takato

16 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs