Blue Corner (2024) - Manga

Blue Corner (2024) : Critiques

Ao no Senshi

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 13 Décembre 2024

Voici quelques années que les éditions Pika, via leur collection Graphic, explorent les oeuvres de jeunesse du regretté Jirô Taniguchi, oeuvres très souvent bien éloignées des tranches de vie qui, plus tard, le rendront très apprécié en France entre autres. Nous avons ainsi eu droit à Rude Boy en juin dernier, à Samurai non Grata en novembre 2022, à Un assassin à New York en octobre 2021... et, dès le mois de mai 2018, à Blue Corner, récit de presque 300 pages qui s'est offert, il y a quelques jours, une nouvelle édition française.

Notez que si vous possédez déjà l'édition de 2018, il n'y a aucune raison d'acheter cette nouvelle édition: car le contenu est exactement le même: on retrouve le même grand format sans jaquette, la me^me excellente qualité de papier et d'impression, la même propreté d'adaptation graphique du Studio Charon, et la même traduction claire de Thibaud Desbief. Seule la maquette de couverture change, afin de s'adapter à la nouvelle charte graphique adoptée par Pika pour la collection Graphic depuis quelque temps. Et cette fois-ci, l'éditeur n'a pas omis d'y citer au scénario le nom de feu Caribu Marley (scénariste aux multiples pseudonymes, bien connu en France pour Astral Project, les dessins de la vie, ou évidemment pour le cultissime Old Boy), un oubli qui était regrettable sur la première édition.

De son nom original Ao no Senshi, l'oeuvre a initialement été conçue en 1982 pour le magazine Big Comic Spirits de Shôgakukan, et fut la deuxième collaboration entre Caribu Marley et Jiro Taniguchi, après Live! Odyssey datant de 1981 et restant inédit en France à ce jour, et avant Knuckle Wars (inédit en France aussi) en 1983 et Rude Boy en 1984.

Ici, tout commence dans une salle de boxe japonaise, où un match entre deux boxeurs de troisième zone est sur le point de commencer. L'affrontement a beau être a priori mineur, il attire tout de même un certain public pour une raison: l'aura énigmatique de l'un des deux sportifs, simplement appelé Reggae ou "le perdant magnifique", et dont le pedigree parle de lui-même: 32 rencontres dont 12 victoires par K.-O. et 20 défaites, un statut d'ancien numéro 3 japonais des poids légers ayant chuté à la 10e place, une capacité à être aussi agressif sur le ring qu'amorphe à cause de l'alcool, et un mystère total sur son passé puisque tout le monde ignore son âge et le genre de vie qu'il mène. La seule certitude à son égard, c'est qu'il attire du monde: les spectateurs curieux, sa petite amie Aya, les journalistes... et, c'est fois-ci, Dangelo Dready, ex-champion du monde des poids lourds, devenu promoteur et entraîneur réputé. Séduit par la force de frappe dévastatrice de Reggae, ce dernier se met en tête de racheter son contrat à son club pour pouvoir le placer sur des rings plus prestigieux, avec des primes bien plus importantes... et avec tout ce que cet appât du gain peut impliquer.

Dans le fond, n'attendez pas forcément grand chose de très original de la part du scénario, surtout sur sa part sportive qui est assez cousue de fil blanc dans l'ascension ou la chute (voire les deux ? On vous laisse le découvrir, pas de spoil ici) de Reggae, parcours que Jiro Taniguchi met toutefois fort bien en images à travers un dessin capable de beaucoup s'intensifier quand il le faut, et un rendu des matchs à la fois rapide et brut dans l'enchaînement des coups.

Ce qui devrait alors intéresser le plus ici, c'est l'atmosphère assez typique de plusieurs mangas de Caribu Marley et des séries de première partie de carrière de Jiro Taniguchi (on pense à ses autres mangas sortis dans la collection Graphic bien sûr, mais aussi à Trouble is my Business et Tokyo Killers parus en France aux éditions Kana), à savoir une ambiance nourrie par les films noirs, avec son lot d'affaires d'argent douteuses, de magouilles, de truands, de femmes aguicheuses, de sexe, de drogue, de flingues, de références musicale typées jazz/blues/reggae (forcément)... sans oublier l'allure un brin hard-boiled du personnage principal. Sur ce dernier point, derrière son allure d'anti-héros mutique et mystérieux, capable d'élans très agressifs en combats et ayant un fort penchant pour l'alcool comme s'il voulait fuir ou oublier certaines choses, on devine un passé difficile, qui se confirmera par bribes au fil de la lecture. On le sent bien, même si les auteurs ne développent pas plus que ça cet aspect: Reggae est en quelque sorte un homme qui a été brisé par la vie, à force de s'être frotté à la noirceur du monde en différents lieux.

Classique dans son fond, sans doute un peu trop bref, mais assurément efficace pour qui aime ce genre d'histoire: voila ce que l'on peut retenir de Blue Corner, un manga sans doute pas incontournable dans la carrière des deux auteurs, mais qui se parcourt assurément avec un certain plaisir.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction