Atchoum ! - Actualité manga

Atchoum ! : Critiques

Kushami

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 25 Septembre 2020

Il serait peu dire d'affirmer que Naoki Urasawa est un mangaka particulièrement apprécié. A l'instar de Jirô Taniguchi, il fait sans doute partie de ces artistes qui ne parlent pas qu'aux lecteurs de mangas, et que beaucoup aiment présenter comme une figure aussi destinée aux amateurs de bande-dessinée, d'une manière générale. Et qu'on soutienne ou non cette vision élitiste, on ne peut nier le talent de Naoki Urasawa, le fait qu'il ait marqué plusieurs générations de lecteurs, et que chacun de ses ouvrage est un petit événement dans l'édition française du manga.

Bien des années après le recueil d'histoires courtes que nous lui avons connu aux éditions Panini, l'auteur publie une nouvelle compilation de ses one-shots, en avril 2019 au Japon. Une période durant laquelle le mangaka de Monster, Pluto, 20th Century Boys et Billy Bat planchait activement sur son nouveau bébé : Un certain Asadora. Inutile de dire que professionnellement, Naoki Urasawa devait être dans une période de productivité intense... Productivité dont il expliquera subtilement l'origine à travers ce nouveau recueil de courts récits. Celui-ci a dont pour titre Kushami, ce qui symbolise simplement l'éternuement. Une action succincte donnant donc un intitulé plutôt original, et qui traduit le caractère éphémère des one-shot, au contraire total des séries longues dont les parutions s'étalent sur des années.

Après l'invitation de Naoki Urasawa au Festival International de la Bande-Dessinée d'Angoulême en 2018, sans doute y a-t-il eu une vraie volonté d'appuyer davantage l’œuvre globale de l'artiste sur le sol français. Naoki Urasawa lui-même s'étonnait de l'absence pure de Yawara chez nous, un tir que les éditions Kana corrigent en cet automne 2020 avec un double événement : D'un côté, le premier tome de la série de judo de l'auteur, et de l'autre sa dernière compilation d'histoires courtes en date, que Kana a choisi de nommer "Atchoum" dans nos contrées. Un titre aussi fidèle qu’amusant, dans lequel un lecteur assidu d'Urasawa a forcément envie de se plonger, même s'il ne sait pas forcément à quoi s'attendre.

Et mieux vaut ne pas avoir d'attente quand on ouvre le recueil, puisque les différents travaux de l'auteur publiés en ces pages abordent des registres et des intentions particulièrement variés. En terme de chronologie, la période s'étale du début des années 2000 jusqu'aux années actuelles, un large panel de temps durant lequel l'auteur a vu ses états d'esprit changer, comme l'atteste la succession de commentaires en toute fin de volume. A nous, alors, d'être ouvert et d'apprécier ce que l'artiste a cherché à raconter, et de quelle manière il l'a fait.

L'idée de revenir en détail sur chaque histoire serait tentante tant il y a à dire, mais le faire reviendrait à gâcher la surprise de lecture à celles et ceux qui n'auraient pas encore ouvert « Atchoum », une faute qu'on ne voudrait surtout pas commettre. Reste que le recueil s'ouvre d'abord de belle manière, avec des histoires classiques dans la forme, narrant des péripéties teintées d'un certain fantastique, comme on peut en trouver dans certains récits du mangaka tels que 20th Century Boys. Chaque histoire est particulièrement percutante car bien menée, et abordant une touchante humanité à chaque fois. Mais par la suite, Urasawa dévie d'une trajectoire prédéterminée, et donne à son ouvrage des notes encore plus personnelles. Il est facile de savoir que l'artiste voue un amour prononcé à la musique (et aux années 60-70, chose qu'il admet volontiers dans les commentaire de fin), aussi le voir narrer quelques histoires de mélomanes, parfois même teintées d'anecdotes personnelles au cours desquelles il se représente, est particulièrement émouvant. A ces instants, la narration change par rapport à une histoire classique, prenant peut-être même l'allure de strip de blog. C'est de l'Urasawa différent des grands titres de l'auteur prisés, mais une facette passionnante pour peu qu'on s'intéresse à l'artiste et à l'individu. Et dans cette optique personnelle, les dernières histoires apportent une conclusion intéressante puisqu'elles sont purement générationnelles, abordant notamment les kaijû et héros de tokusatsu, des genre très ancrés dans la jeunesse de l'auteur. De récits plus classiques mais rondement menés à des histoires teintés de la passion et du vécu de l'auteur, il y a donc un fil conducteur dans Atchoum.

Il convient donc de ne pas tellement en dire plus afin de ne pas gâcher la surprise à la lecture. D'abord parce que certains scénario sont purement passionnants, mais aussi parce que les histoires sont suffisamment personnelles pour mériter une découverte totale du lectorat. Des histoires qui surprennent même dans leurs formes, par moment, l'auteur s'essayant à des styles différents quand ça lui chante. Alors, pour quelqu'un qui apprécie au moins Naoki Urasawa, découvrir le maître dans des registres variés, et apprécier ce qu'il a à raconter de ses expériences ou dans ses envies d'auteur, suffit à faire de ce nouveau recueil d'histoires courtes un moment savoureux. Après Atchoum, on a la satisfaction d'avoir relu Urasawa et sa patte inimitable, et peut-être même de connaître l'individu à l'origine des planches un tout petit peu mieux. Atchoum est un ouvrage délectable, et un récit sincère.

La rédaction de cette chronique s'appuyant sur une épreuve numérique, il ne nous est pas possible de commenter le travail d'édition. Notons toutefois que la traduction a été accomplie par Thibaud Desbief, bien habitué aux œuvres de Naoki Urasawa chez Kana puisqu'il a déjà traduit Monster et Pluto, et qu'on le retrouve actuellement sur Asadora. Son travail se mêle parfaitement au style de l'artiste, aussi c'est un plaisir de retrouver sa patte sur ce recueil.
   

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs