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Adieu Eri - Manga

Adieu Eri : Critiques

Sayonara Eri

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 20 Janvier 2023

Véritable virtuose de sa génération, Tatsuki Fujimoto est l'un des rares articles à enclencher un engouement presque sans limites, à chacune de ses publications. En 2021, Look Back fut un véritable phénomène, aussi bien dans son succès que dans le récit proposé. En 2022, le mangaka a récidivé avec un autre one shot, plus long cette fois, et qui fut une nouvelle fois acclamé pour la critique. Si certains n'adhèrent pas spécialement à la patte de l'artiste, c'est bien souvent pour une question de sensibilité. Pour le reste, il y a presque un consensus sur le fait que Tatsuki Fujimoto a un style propre à lui, et une approche du manga particulièrement intéressante.

Long de presque 200 pages, Adieu Eri (ou Sayonara Eri) fut publié le 11 avril 2022 sur la plateforme Shônen Jump+, et sur Manga Plus chez nous. C'est ensuite le 4 juillet de la même année que le lectorat nippon a pu profiter d'une édition physique de l'œuvre. Nous concernant, il aura fallu patienter quelques mois, puisque c'est en cette seconde moitié de janvier 2023 que nous est proposé le one shot aux éditions Crunchyroll, premier segment de l'œuvre de Fujimoto a été publié par le successeur de Kazé.

Pour son anniversaire, Yûta reçoit un nouveau smartphone. Sa mère étant malade et condamnée, elle demande à son fils de filmer ses derniers jours, jusqu'à sa mort. Ce que l'adolescent fait, et utilise les rushs pour monter un film qu'il présente au festival de son lycée. Mais face au concept du métrage et à son final fantaisiste, les camarades de Yûta le moquent. Brisé, l'adolescent est bien décidé à en finir avec la vie, jusqu'à sa rencontre avec Eri. Cette dernière lui impose un challenge  : Regarder le plus de films possible à ses côtés, et apprendre de ces enseignements pour réaliser un nouveau film qui épatera l'assemblée.

Avec Goodbye Eri, Tatsuki Fujimoto propose ce qu'il sait faire de mieux  : Une histoire intéressante, sublimée dans la forme et le fond par l'audace du mangaka, fidèle à son art et aux sujets qui lui tiennent à cœur. Car Fujimoto est un artiste assez intime, dont la crainte de la mort des mains d'un fan a largement été renforcée par la tragédie qui a frappé le studio Kyoto Animation. A ceci s'ajoute le fan de cinéma, ce que le lectorat francophone constate depuis Fire Punch, première œuvre du mangaka a nous avoir été proposé. Alors, quand le maître confie travailler un nouveau projet autour de la «  femme fatale  » entre ses deux grandes parties de Chainsaw Man, on pouvait croire à une approche bien différente par rapport à ses précédents travaux. Tel est le cas, tout en plaçant Adieu Eri dans un art qui est indéniablement celui de Fujimoto.

Il y a donc tant à dire sur le one shot, qu'une simple chronique ne serait pas suffisante. Adieu Eri, dès ses premières pages, a de quoi régaler les amateurs du style de l'artiste, ne serait-ce par un découpage et une mise en cadre digne d'un cadrage cinématographique, qui ne manque pas de procurer moult effets sur le lecteur. Chaque planche s'avère pensée, Fujimoto étant un vrai réalisateur de manga, minutieux, dont le découpage a du sens. Par nombre de cases qui se répètent afin de narrer une ambiance statique, c'est une vraie caméra fixe qui capte les moments de vie entre Yûta et Eri, pour une relation qu'on ne saurait vraiment définir entre l'amitié et la romance, et le genre globale entre le drame et le fantastique.

Avec cette approche cinématographique, l'auteur s'intéresse une nouvelle au septième art comme thème de fond, en filigrane. Plus largement, c'est de l'art que traite Adieu Eri, comme un écho à Look Back, poussant des axes de réflexion sur ce que doit être la création. Une transposition de la réalité  ? Un quotidien qui doit être déformé par la fantaisie  ? Un témoignage d'existence  ? Peut-être même un peu de tout ça  ? Sans donner de réponse précise, l'artiste n'hésite pas à questionner son propre art, à travers l'art de ce personnage qu'est Yûta.

Enfin, le one shot est aussi une vraie expérience de sensation, ne serait-ce parce que le lecteur ne sait plus sur quel pied danser, passer un certain cap de l'histoire. Sur toute la deuxième grande moitié de l'ouvrage, Fujimoto joue, tel un coquin, sur les frontières entre fiction et réalité, à travers une mise en abîme qui remet sans cesse en question nos a priori sur le scénario. Et lorsqu'on pense enfin obtenir le fin mot de l'histoire de Yûta et d'Eri, la fin en rajoute une couche sur ce conflit entre le réel et l'imaginaire, ce parce que personnages et événements se confondent sans cesse, dans ces deux dimensions. Alors, qu'est-ce que Adieu Eri  ? L'histoire tragique d'une rencontre  ? L'histoire d'un garçon qui filme une tragique rencontre  ? Un témoignage de Yûta, ou une fiction inventée de toutes pièces  ? Par ces questionnements, c'est aussi le personnage d'Eri qui devient fascinant et intangible. Une vraie femme fatale, vue par l'œil d'un mangaka unique et facétieux.

Adieu Eri, par ses cadres millimétrés, ses approches diverses par un auteur qui a beaucoup à exprimer, et ses différents degrés de lecture, constitue bien un nouveau chapitre fort de la carrière de Tatsuki Fujimoto. Une œuvre dont on se régale, et dont les relectures seront essentielles pour saisir les multiples richesses. Tout comme pour Fire Punch. Tout comme pour Chainsaw Man. Tout comme pour Look Back. Maintenant, c'est bien la deuxième partie des aventures de Denji, l'homme-tronçonneuse, qu'on attend avec hâte.

Concernant l'édition, celle-ci était attendue au tournant, et non sans crainte. Il faut dire que Crunchyroll, dans son pan manga, a tout fait pour se fâcher avec son lectorat, de par un retravail total de ses jaquettes de manière à s'opposer aux anciens par chaque élément, une proposition de commande de jaquettes d'uniformisation honteuse pour l'environnement et surtout vouée à installer la marque Crunchyroll sur nos étagères, et le cas Hokuto no Ken sur lequel nous ne reviendrons pas.
En ce qui concerne Adieu Eri, l'ouvrage est globalement très correct, avec un con papier, une traduction de Sébastien Ludmann totalement dans le ton de l'œuvre de Fujimoto, et un lettrage d'Erwan Lossois bien calibré. Les défauts éditoriaux ne sont finalement que ceux cités plus haut  : Une volonté de faire table rase de l'ère Kazé en inversant le sens du titre et du nom de l'auteur, par rapport aux ouvrages des œuvres précédentes de l'auteur. Il n'est pas simplement question du logo, notamment parce que celui-ci se marie assez bien avec les couleurs de la jaquette. Au moins, on évite le dos noir ou blanc, totalement sans âme.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
19 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs