Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 03 Août 2011
Après l'intense arc du jardin floral, qui nous dévoilait le cruel passé de Natsume, l'heure est venue pour Higuchi Tachibana de nous proposer à nouveau l'un de ces volumes de pause dont elle a le secret. Six mois se sont écoulés depuis l'arrivée de Mikan à l'académie, et en si peu de temps, la fillette, par sa sincérité et sa sociabilité, a déjà réussi à gagner le coeur de la plupart de ses camarades, Natsume et Luca en tête. Pour autant, la vie quotidienne suit tranquillement son cours, ponctuée ici d'événements revisités avec délice par la mangaka, qui, par exemple, fait de la Saint-Valentin un moment bourré d'un humour épique où, une nouvelle fois, elle exploite à merveille l'univers magique qu'elle a mis en place.
Puis l'heure de la fin de l'année scolaire arrive. L'heure pour Mikan et ses amis de changer de classe, mais aussi de voir les plus vieux primaires passer au collège. En guise d'hommage à leur départ, notre héroïne et ses camarades décident d'organiser un spectacle musical, sous la houlette de Sumire, cette chère Bouclettes. Seul petit hic: à part Sumire et quelques autres enfants, personne ne sait jouer d'un instrument (ou alors, d'un instrument pas forcément très classe), et les répétitions deviennent vite chaotiques, notamment à cause de Kokoroyomi. S'emportant rapidement comme à son habitude, Sumire décide de faire les choses de son côté avec les quelques "forts en musique", délaissant les autres. Mikan réussira-t-elle à réconcilier tout le monde ?
Dans ce passage qui occupe la majorité du volume, Tachibana met une nouvelle fois en avant l'une des principales qualités de son récit: les interactions entre ses nombreux jeunes personnages. Pour cela, la mangaka exploite toujours à merveille les caractères de ses différents protagonistes, la pétillante Sumire en tête, que l'on n'avait plus vue depuis un petit moment dans un rôle de premier plan. Les rebondissements pleuvent, alternant entre un sens de l'humour toujours impeccable, surtout quand il part dans des trips improbables (il suffit de voir la machine que Sumire met en place !) et exploite les particularités des héros (Hotaru fidèle à elle-même), et une mise en avant habile des personnages. Ainsi, si l'on se régale face aux frasques de Sumire, on reste touché par la jeune fille, qui ne pense jamais à mal et souhaite juste faire de son mieux pour satisfaire les autres, même si elle est rattrapée par son mauvais caractère et sa maladresse dans l'expression de ce qu'elle pense. Mais surtout, c'est avec surprise et plaisir que l'on en apprend un peu plus sur l'extravagant Kokoroyomi, sur son caractère d'avant et sur le rôle qu'a joué Sumire sur son évolution. Ainsi, Tachibana sait profiter des moments plus calmes de son manga pour apporter un peu plus de consistance à ses personnages secondaires, pour notre plus grand désir. Et c'est par le biais de ce genre de petites choses que le manga tout entier en ressort grandi: au fil de la lecture, tous les personnages, pourtant nombreux, deviennent toujours plus attachants et proches de nous. Et quand on voit que l'auteure, une nouvelle fois, n'oublie pas de mettre en avant l'esprit de camaraderie qui les unit tous, on se retrouve à nouveau face à un passage plaisant sur tous les points.
Quant au dernier chapitre du tome, il met en avant l'une des plus cruelles lois des alices, évoquée au début du manga: un jeune garçon de la classe de Mikan, qui possédait un alice destiné à disparaître pendant l'enfance, a perdu subitement son pouvoir et a une semaine pour dire adieu à ses camarades de classe avant de quitter l'académie. Pour autant, pas question d'un quelconque apitoiement, mais bien d'une émotion habilement distillée, partagée entre la tristesse du garçon de devoir quitter ses camarades, et sa joie de retrouver ses parents après tant d'années de séparation. Pour autant, Tachibana ne s'arrête pas à ces émotions primaires et aborde en filigranes d'autres problèmes liés à cet événement. Les parents du jeune garçon seront-ils heureux de le retrouver après tant d'années ? Il arrive que ceux-ci se mettent à en vouloir à leur enfant d'avoir perdu leur pouvoir, ce qui signifie pour eux la perte de la bourse que leur offrait le gouvernement. Est-ce que ce sera le cas ici ? Si les choses se concluent sans approfondir ces éléments, on reste conquis par la profondeur tout juste esquissée que la mangaka est capable d'offrir à ce genre de passages. Ici, ce sera au lecteur qui le souhaite de réfléchir un peu plus aux questions que l'auteure soulève.
Et parallèlement à tout ceci, Tachibana n'oublie pas pour autant d'apporter des rebondissements destinés à être plus importants dans la suite du récit. Ainsi, tandis que l'on apprend que le cursus au lycée dure 5 ans et que les élèves de l'académie sont donc condamnés à y rester jusqu'à leurs 20 ans, on en découvre plus sur les fameux cristaux d'alice, et l'heure est d'ailleurs venue pour la classe de Mikan d'apprendre comment on les crée. Ce qui, en plus d'approfondir un point qui sera sans doute important par la suite (nul doute que les cristaux d'alice joueront un rôle important dans la suite de l'oeuvre, d'autant que l'on reste intrigué par celui que Mikan récupère de manière énigmatique), permet à l'auteure de distiller de manière toujours aussi habile les sentiments de ses héros autour du triangle amoureux Mikan/Luca/Natsume. Et on apprécie toujours autant la façon qu'elle a d'aborder ce point, celle-ci préférant y aller par petites touches renforçant à chaque fois un peu plus le triangle, plutôt que de choisir d'y consacrer de gros pavés qui dégoulineraient trop de guimauve. Le talent de l'auteure est aussi là: si le récit frôle régulièrement le mièvre, il sait s'arrêter au bon moment et ne tombe jamais les deux pieds dedans, ce qui fait ressortir de façon on ne peut plus juste, sans jamais en faire trop, les différentes facette plus sentimentales du manga et les premiers élans amoureux de ces jeunes héros.
Ainsi, en un tome de transition, Higuchi Tachibana réalise encore des merveilles avec le plus grand naturel. Beaucoup d'humour, une exploitation impeccable du caractère des personnages, un léger approfondissement de certains d'entre eux, un aspect sentimental bien dosé, de nouvelles informations sur l'académie et sur les alices, un terrain bien préparé pour la suite des événements... Quel talent !